Le Pacifique en 2016: un tourbillon électoral

C'est une année d'élections qui s'ouvre dans le Pacifique. 5 pays se rendront aux urnes. Radio Australie a fait appel à trois experts, Tess Newton-Cain, Jon Frankel et Iati Iati, pour décrypter l'année à venir.
2016 se jouera dans les bureaux de vote. Les Vanuatais iront aux urnes dès le 22 janvier, les Samoans en mars, les Nauruans en août, et les Hawaïens en novembre pour la présidentielle américaine, sans oublier les Australiens, à une date qui n'a pas encore été fixée, mais ça se fera a priori en septembre. 
 

Vanuatu : l'émergence d'une nouvelle classe politique? 

 
En 2015, 14 députés et/ou ministres ont été condamnés à de la prison pour corruption. Ils représentaient plus d'un quart des députés. Le Parlement s'est donc vidé d'un coup et le Président Baldwin Lonsdale a décidé de le dissoudre et de convoquer des législatives anticipées le 22 janvier 2016. 
 
Pourtant, les 14 anciens députés et ministres s'accrochent au pouvoir, même depuis leur cellule. Chacun aurait versé les 890 dollars requis pour devenir candidat aux législatives. Mais c'est un scénario impossible, car ils sont frappés de 10 ans d'inéligibilité. Tess Newton-Cain, chercheuse indépendante basée à Port-Vila: 
 
« Ces élections pourraient apporter un changement assez important. De nouveaux candidats sont apparus, qui n'avaient jamais fait de politique auparavant. Ce sont d'anciens hauts fonctionnaires, et aussi des gens qui viennent du secteur privé. Mais d'un autre côté, les 14 ex-députés qui sont en prison pourraient demander à des membres de leurs familles de se porter candidats à leur place. Et ils ont de bonnes chances de l'emporter dans les circonscriptions rurales, où les gens sont fidèles à la personne, à la famille, qui leur apporte des avantages matériels. » 
 
Et la première tâche du nouveau gouvernement sera de reconstruire le pays. En effet, 10 mois après le passage du méga-cyclone Pam, la majeure partie des chantiers n'a même pas encore commencé. Un retard attribué à la crise politique. 
 
 

Samoas: Tuialeapa Sailele, recordman de longévité politique dans la région

 
On poursuit notre voyage en 2016 aux Samoas, un pays qui, contrairement au Vanuatu, est l'exemple même de la stabilité politique. Les Samoans doivent élire leur nouveau Parlement début mars, et le Parlement choisira le nouveau Premier ministre.
 
À 70 ans, Tuialeapa Sailele est en lice pour un quatrième mandat. Il est le Premier ministre du Samoa depuis 1998 et la figure de proue du Parti de protection des Droits de l'Homme (le HRPP).  Iati Iati, chercheur à l'université d'Otago, en Nouvelle-Zélande: 
 
« Il a de très bonnes chances d'être réélu. Déjà son parti, le HRPP, est au pouvoir depuis plus de trente ans. Et au Samoa, l'élection ne se joue pas sur un programme, mais sur le bilan du gouvernement sortant. Or Tuilaepa est populaire parce qu'il a fait en sorte que les zones rurales, aient accès aux infrastructures de base - eau, électricité, routes, pour que les campagnes soient aussi développées que les zones urbaines.» 
 
Pour ces élections en 2016, le pays introduit un quota de femmes députées pour la première fois. L'objectif est de faire rentrer 5 femmes au Parlement, ce qui permettrait de porter leur représentation à 10%. Si cependant elles ne parviennent pas à se faire élire, alors les Samoas appliqueront le système de la « meilleure perdante »: les femmes qui auront obtenu les meilleurs scores seront promues députées. Pour cela, il faudra créer des sièges supplémentaires. 
 
 

Nauru: des élections à huis-clos? 

 
Nauru aussi, élira son nouveau Parlement en juin 2016, lequel formera un nouveau gouvernement. Les élections auront-elles lieu à huis-clos? Les paris sont ouverts. Tess Newton Cain: 
 
« Je serais très surprise que le gouvernement Waqa autorise les journalistes étrangers à couvrir l'élection. Mais je pense qu'il acceptera la venue d'observateurs internationaux, même s'il est bien capable d'exiger qu'ils soient de telle ou telle nationalité. D'autre part, est-ce que les 5 députés d'opposition suspendus sur ordre du gouvernement auront le droit de faire campagne? Et les médias locaux auront-ils le droit de couvrir la campagne de l'opposition? » 
 
Quant à l'issue des élections, on sait que le Président Baron Waqa et son lieutenant, le ministre de la justice David Adeang, sont plutôt en position de force, parce que le pays est prospère. Nauru héberge le centre de rétention des migrants de l'Australie, et en échange, Canberra verse des millions de dollars au gouvernement nauruan. Par ailleurs, l'Australie garde le silence sur les mesures antidémocratiques du gouvernement actuel, comme la suspension de ces députés, mais aussi de juges. 
 
 

Australie: le Grand Argentier du Pape François, témoin dans des affaires pédophiles

 
Le Cardinal George Pell doit comparaître en tant que témoin devant la Commission royale d'enquête sur les crimes pédophiles. Les témoignages d'environ 65 000 victimes sont pris en compte par cette commission, qui clora ses travaux en 2017 avec des recommandations pour prévenir ces crimes dans les écoles, églises, associations sportives, etc.
 
Le Cardinal Pell est accusé par plusieurs victimes de prêtres pédophiles d'avoir fermé les yeux sur ces crimes, et d'avoir muté les coupables pour empêcher le scandale. Une situation embarrassante pour le Vatican, car le Cardinal Pell est le Grand Argentier du Pape François.
 
George Pell donnera sa version des faits en février devant la commission royale d'enquête australienne. À moins qu'il n'annule à la dernière minute pour raisons de santé, comme il l'a déjà fait début décembre, quand sa première comparution était programmée.  
 
 

Papouasie Nouvelle-Guinée: l'économie va-t-elle repartir en 2016? 

 
C'est la locomotive de l'économie du Pacifique. La Papouasie Nouvelle-Guinée a pourtant connu une sale année 2015. Le pays devait connaître la croissance la plus forte du monde en 2015. Finalement le PIB de la Papouasie Nouvelle-Guinée a cru de 9% au lieu des 15% prédits par la Banque Asiatique de Développement. Un effondrement du à l'arrivée d'El Niño, qui a provoqué une sécheresse extrême. L'agriculture et l'exploitation des palmiers à huile est impossible, et le manque d'eau a forcé des compagnies minières à suspendre l'extraction.
 
En parallèle, la chute du cours du pétrole a eu un impact sur le cours du gaz, la principale richesse de la Papouasie Nouvelle-Guinée. Jon Fraenkel, chercheur à l'université Victoria de Wellington: 
 
« Les répercussions de la sécheresse et des prix bas des matières premières se feront encore sentir en 2016. La transformation annoncée de l'économie papoue grâce au gaz naturel liquéfié est moins spectaculaire que prévu, et la baisse des revenus de l'état papou va réduire la marge de manoeuvre de Peter O'Neill. » 
 
2016 est une année préélectorale, car les législatives sont prévues en 2017. La campagne électorale sera plus difficile que prévue pour Peter O'Neill, en raison de la conjoncture économique qui rendra difficile le financement de ses réformes-clés, comme l'éducation gratuite et l'accès à la santé. Le Premier ministre fait par ailleurs toujours l'objet d'un mandat d'arrêt, depuis juin 2014. Il est soupçonné dans le cadre d'une affaire de corruption. Mais il est parvenu à faire suspendre indéfiniment ce mandat d'arrêt, et a sorti victorieux du vote sur une motion de censure déposée contre lui par le chef de l'opposition, Don Polye, fin octobre. Peter O'Neill aborde donc 2016 comme l'homme fort de la Papouasie Nouvelle-Guinée.
 
 

Fidji: 2016, l'année du triomphe sans partage de l'armée ? 

 
Début novembre, le chef de la police, le Sud-Africain Ben Groenewald, a démissionné, par lassitude, dit-il, « de l'ingérence de l'armée dans les enquêtes de police », surtout celles qui concernent les bavures des forces de sécurité. Pour le remplacer, le gouvernement de Franck Bainimarama a placé un officier de l'armée à la tête de la police, le lieutenant-colonel Sitiveni Qiliho. Un geste qui fait douter certains observateurs du retour réel de Fidji à la démocratie. Jon Fraenkel: 
 
« Il y a bien eu les premières élections démocratiques en 2014, mais c'est comme s'ils gouvernaient toujours en mode état d'urgence. La propension du gouvernement actuel d'éviter d'enquêter sur les abus perpétrés par les forces de sécurité, est extrêmement préoccupante, et je vois mal comment Fidji peut revenir à la démocratie tant que ce genre d'enquête seront étouffées. » 
 
 

Jeux Olympiques de Rio: des Océaniens déjà qualifiés dans quelques disciplines  

 
Ces 31èmes jeux marqueront une première. Ce seront les Fidjiens qui représenteront l'Océanie en football, en lieu et place des Néo-Zélandais, qui ont été disqualifiés car l'un de leurs joueurs est né en Afrique du Sud. Quant aux Fidjiennes, elles se sont qualifiées en rugby à 7. En voile olympique, les marins des Îles Cook ont une carte à jouer. Et on attend encore beaucoup des haltérophiles océaniens, la discipline-phare du Pacifique. On saura en mai prochain qui se qualifie pour Rio, à l'issue des championnats d'Océanie. 
 
Notons que les athlètes néo-Zélandais se rendront peut-être à Rio avec un nouveau drapeau. En mars, ils devront choisir entre garder leur drapeau actuel, sur lequel figure l'Union Jack britannique, et choisir l'alternative sélectionnée lors d'un premier référendum en novembre 2015: la fougère argentée sur fond noir et bleu avec la croix du sud en rouge. 
 
 

Une flotte de pirogues en Australie

 
L'autre gros événement sportif de 2016, c'est le championnat du monde de va'a, organisé par l'Australie du 5 au 15 mai à Sunshine Coast, dans le Queensland. Les Océaniens ont forcément de bonnes chances de médailles, car 20 des 35 équipes invitées en compétition viennent des pays du Pacifique. 
 
 

Guam: « Le Pacifique parlera d'une seule voix » au Festival des Arts 

 
I Pa'an Taotao Tano', I guinahan I Tano' yan I Tasi, Inaafa Maolek, Taihinekok. Autrement dit: « ce que nous sommes, ce que nous avons, ce que nous partageons: le Pacifique parle d'une seule voix ». Il s'agit de la devise du 12ème Festival des Arts du Pacifique en langue chamorro. Cette grand-messe des cultures océaniennes aura lieu à Guam du 22 mai au 4 juin 2016. Les délégations d'artistes des 27 pays du Pacifique seront accueillies par les indigènes de Guam, les Chamorros. Ce sera l'occasion d'un coup de projecteur sur leur culture méconnue, qui a survécu à 500 ans de colonisation espagnole, américaine et japonaise.