Ils s'adressaient aux représentants politiques, économiques et sociaux de la Calédonie. Deux ministres du gouvernement Bayrou ont longuement commenté la crise actuelle, samedi 8 février, durant le forum tenu à Bercy durant près de trois heures et transmis par visio à Nouméa.
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"Moment charnière"
Manuel Valls, qui prévoit de se rendre sur place "dans quelques semaines", a notamment conclu le rendez-vous par une synthèse des échanges. En résumé, le Caillou a du pain sur la planche mais l’État assure qu'il sera à son chevet. "L'économie de la Nouvelle-Calédonie est incontestablement dévastée", a résumé le ministre des Outre-mer, pour lequel "nous vivons un moment charnière".
Il s'en dit convaincu, "il ne peut pas y avoir de relèvement économique sans un compromis politique. Tout comme il ne peut pas y avoir de solution politique durable, sans un relèvement économique." Autre conviction, "l'avenir du territoire peut et doit s'écrire avec toutes les forces vives."
Un discours de clôture d'une trentaine de minutes, à retrouver ici
"Réformer le chômage de droit commun"
Manuel Valls promet une vigilance particulière sur le soutien au chômage partiel, dispositif cofinancé par l'État qui est prévu jusqu'à fin mars. "Nous savons que ce ne sera pas suffisant pour que les entreprises locales puissent se relever. Nous devons être au rendez-vous pour que le marasme économique ne puisse pas se transformer en désastre social, qui lui-même accentuerait les fractures politiques. Nous allons donc trouver les moyens de poursuivre l'appui dont le territoire a besoin."
Sur ce sujet "très important", Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, a avancé une piste. "Une idée pourrait être de réformer le dispositif de chômage de droit commun, pour atténuer les effets de seuil qui seraient liés à l'extinction du dispositif de chômage spécifique".
Travail sur la garantie émeutes
Elle a aussi signalé qu'Éric Lombard, ministre de l'Économie, a récemment réuni les assurances "pour remédier au retard pris sur les indemnisations. Des engagements ont été pris pour finaliser l'ensemble des expertises et verser au plus vite les indemnités restantes aux sinistrés." Quant au non-renouvellement de la garantie émeutes, elle annonce que le gouvernement national poursuit les travaux avec les assureurs et les fédérations professionnelles : "l'objectif est bien de pouvoir de nouveau couvrir tous les risques, et notamment celui de violences."
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Au budget
D'un point de vue financier, Amélie de Montchalin a détaillé les réponses à la crise calédonienne inscrites dans le projet de loi de finances qui a été adopté jeudi, et se trouve en cours d'examen par le Conseil constitutionnel : garantie de l'État pour les prêts de l'AFD "dans une enveloppe qui était fixée à un milliard d'euros [environ 120 milliards de francs CFP] pour trois ans" ; nouveaux dispositifs de défiscalisation ; enveloppe dédiée à la reconstruction des écoles et des bâtiments publics...
Sur ce volet, "il faut que nous soyons (…) efficaces, a commenté Manuel Valls. Il y a une attente très forte des maires pour la reconstruction des bâtiments et c'est un élément fondamental pour la filière du BTP. On a perdu trois-quatre mois à cause de la motion de censure, il faut que ça aille vite".
"L'État peut avoir une part de responsabilités"
Autre déclaration "cash" du ministre des Outre-mer, cette phrase prononcée au moment d'évoquer une méthode basée sur le dialogue et le respect : "Chacun a ses propres responsabilités mais l'État peut aussi avoir une part de responsabilités dans ce qu'il s'est passé il y a quelques mois." Une allusion aux émeutes qu'il avait déjà faite, mais c'était avant d'intégrer le gouvernement Bayrou.
Le gouvernement de la France sera à vos côtés quoi qu’il arrive. Nous prendrons absolument nos responsabilités.
Manuel Valls, ministre des Outre-mer
Réformer avec "humanité" et "responsabilité"
Les deux ministres se sont attardés sur le délicat sujet des réformes présentées comme une contrepartie au soutien de l'État. "Les ajustements qui doivent être faits doivent respecter deux impératifs, pose Manuel Valls. Ne pas aggraver la récession, et ne pas dégrader la situation de nos concitoyens les plus vulnérables. Nous devons agir avec sérieux et avec beaucoup d'humanité et de responsabilité. Sinon, nous mettrons le feu à la plaine."
Les "pistes prioritaires"
Et d'"esquisser quelques pistes prioritaires" : réforme de l'assurance-maladie ; simplification et dynamisation de la fiscalité "qui ne doit pas se faire au détriment de la compétitivité ni de la solidarité" ; "baisse des dépenses publiques, en particulier de la masse salariale ; ou encore la "rationalisation des opérateurs publics". Le ministre des Outre-mer aborde encore "la révision des compétences, leur répartition et exercice, par le gouvernement, les provinces et les communes (évidemment au-delà du débat du transfert des compétences de l'État)".
Il n'oublie pas "la question de la stimulation de la concurrence, avec la levée des barrières et des restrictions qui contribuent aussi aux marges excessives et à la vie chère". Ni "la réforme du secteur du logement, et en particulier du logement social".
Il est normal que le dialogue entre la collectivité et l'État en matière budgétaire soit exigeant. Je sais les efforts de réforme que vous avez déjà réalisés et que vous vous apprêtez à mener. Je veux vous dire que nous vous soutenons.
Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics
"Nous soutenons"…
Sa collègue des Comptes publics s'est aussi prêtée à une énumération de réformes. "Nous soutenons la concrétisation du plan de baisse de la masse salariale publique de 5 %", a lancé Amélie de Montchalin à ses interlocuteurs. "Nous soutenons aussi la réalisation d'économies de fonctionnement dans les administrations du territoire en supprimant les doublons et en opérant les mutualisations (…) Nous soutenons l'Objectif calédonien d'évolution des dépenses maladie à 0 %, par une réforme de la carte sanitaire, des mesures de responsabilisation des assurés et un taux directeur de croissance des dépenses des hôpitaux de 0 %. Nous soutenons aussi le démantèlement des protections de marché."
La place du nickel
L'or vert n'a pas été oublié. "Ce projet d'avenir passera nécessairement par une nouvelle ambition pour le secteur du nickel", a estimé Manuel Valls. "Cette réforme de la filière doit être explorée sans tabou, a-t-il dit, à travers tous les modèles qui existent, y compris le traitement off shore et l'adaptation au marché des batteries électriques." Et de mentionner la question de l'énergie : "Il faut établir une nouvelle stratégie (…) [qui] doit prendre en compte la transition énergétique. Toutes les technologies d'avenir doivent être mobilisées : je pense au solaire, à l'éolien mais aussi, c'était la piste esquissée par le chef de l'Etat, au nucléaire."
Clin d'œil
Un discours, et un forum, dotés d'un "message d'espoir et d'ambition. Je crois que nous pouvons ensemble bâtir un avenir économique et social solide, dynamique et porteur pour la Nouvelle-Calédonie", a formulé le MOM. Avec un clin d'œil sur la présence, autour de la table, de l'ensemble des délégations politiques reçues l'une après l'autre les jours précédents. "Merci d'être tous là, c'est une belle image de la Nouvelle-Calédonie. L'économie peut plus, peut-être, que la politique."