Il est 14h quand le procès reprend ce mercredi 5 avril. Étonnée, la présidente de la cour dit avoir appris l’hospitalisation de l’accusé mardi soir dans la soirée par la presse : « c’est assez surprenant ».
Un événement qui suscite chez la partie civile des interrogations, Me Isabelle Mimran déclare : « nous sommes sous la menace permanente de l’état de santé d’Olivier Pérès par rapport à la poursuite du dossier et des horaires du procès ». « Il serait opportun de sortir de cette ambiguïté », ajoute-t-il. L’avocate de la partie civile ajoute qu’il faudrait « instaurer une expertise médicale complémentaire pour savoir si l’état de santé de l’accusé est compatible ou non à sa comparution ». Le ministère public se dit aussi surpris de ne pas avoir été informé plus tôt, Claire Lanet, qui le représente, demande aussi une expertise médicale complémentaire par un expert impartial. Elle fait référence aux aménagements déjà existants (suite à une expertise médicale datant du mois de mars) qui sont : pause des débats toutes les deux heures durant 15 minutes, une pause méridienne et une amplitude horaire ne dépassant pas 10-12h de débats quotidiens. Malgré cette demande d’expertise médicale partagée avec les avocats de la défense, la cour finira par rejeter la requête collective des parties.
Olivier Pérès à la barre
Interrogé par la présidente de la cour, l’accusé s’explique à la demande de son avocate parisienne. Il souhaite rétablir la vérité, « les conclusions dans ce dossier, c’est un tissu d’aberrations ». « Quand vos enfants sont menacés, la peur s’installe en vous, j’ai été préparé par le couple Martinez. J’ai été fasciné par la panoplie d’armes et les missions d’espionnage d’Eric. » « Peut-être étais-je crédule ? », s'interroge-t-il. « J’ai cru qu’il avait mitraillé des enfants au Rwanda ». Quand la femme d’Eric Martinez lui dit qu’il va s’en prendre à ses enfants, il est effrayé. La présidente de la cour l’interroge alors sur les démonstrations militaires de la victime : combat au corps-à-corps, tirs par armes à feu… Il avoue avoir d’abord été impressionné puis, ensuite, effrayé. Il revient alors sur tous les éléments qui seraient, selon lui, à l’origine du drame. Olivier Pérès se sent et se dit avoir été manipulé par le couple Martinez : il est certain de l’existence de caméra-espion, de téléphone sur écoute… L’accusé découvre à la fois l’infidélité de sa femme, le projet de son épouse de divorcer et de partir avec Éric Martinez à Ibiza avec leurs enfants.
Un homme "fini"
Dix jours avant les faits, Olivier Pérès se dit être un homme « fini ». Il tentera de se suicider sur son bateau. Il appellera aussi son ami et confident Jean-Louis Labbé, qui lui conseillera de porter plainte. Il revient sur « la manipulation » d’Eric Martinez, sur son épouse et sur lui-même. Il demande la saisie de ses armes et à être protégé. Les forces de l’ordre ne répondent pas positivement à sa demande six jours avant le drame, Olivier Pérès se renseignera auprès d’une société de protection privée.
Après avoir sollicité son avocat de l'époque, celui-ci est intervenu auprès du procureur de la République, selon l'accusé. Le 13 septembre 2018, une vidéo envoyée à Olivier Pérès par Laurence Martinez (l'épouse d'Eric Martinez) qu’il ne pourra pas lire via messenger va, selon l'accusé, accélérer les choses. Puis sa femme l’appelle pour l’informer qu’elle va avec les enfants sur le practice de golf. Olivier Pérès continue : « c’est de la folie, j’ai pris une décision insensée, je voulais faire peur à la victime ». L’accusé rajoute « Éric Martinez m’a chargé, il voulait me crever ». Pour Olivier Pérès, « c’était un combat à mort, il devait mourir ». Il ne reconnaît pas avoir prémédité son geste, il réfute l'assassinat. Le procès continue avec l'audition de la femme de l'accusé par visio-conférence.
La femme de l’accusé en visio-conférence
Mathilde Pérès est entendue par la cour, alors qu’elle vit actuellement à Toulouse avec ses enfants. Elle revient difficilement sur sa relation avec Éric Martinez. Amis depuis de nombreuses années, les couples Pérès et Martinez se côtoient souvent car ils sont voisins au golf de Tina. Mais les choses vont changer.
Tout commence lors d’un séjour au Vietnam lorsque la femme de l’accusé part seule suivre un stage. Éric Martinez dit à Mathilde Pérès qu’il va assurer sa protection à distance. En tant que haut-gradé des forces spéciales de l’armée, il indique, par exemple, pouvoir détourner des satellites pour la géolocaliser et ainsi la surveiller. Au début, elle perçoit ces intentions comme amicales, paternelles et protectrices. Mais au cours du temps, de jour en jour, la situation devient critique, son seul interlocuteur devient Éric Martinez. Elle n’a plus de contact avec son mari car elle a changé la puce de son téléphone. Toujours selon elle, Éric Martinez lui rapporte que son mari est infidèle, qu’il ne s’occupe pas correctement de ses enfants…Elle parle dans son témoignage, ce mercredi soir, d’harcèlements psychologique et sexuel, elle évoque une distorsion du temps dont elle a été victime. « A partir de là, l’engrenage a continué ».
Lorsqu’elle est rentrée en Nouvelle-Calédonie, après son stage au Vietnam, elle n’a aucune preuve écrite (elle a détruit la puce de son téléphone à la demande d’Eric Martinez) des échanges qu’elle a eu avec la victime. Au cours des jours suivants, elle nourrit de la rancoeur vis-à-vis de son mari et de ce qui s’est passé, elle finit par avoir une relation extra-conjugale avec Éric Martinez. « J’obéissais à ses ordres », commente-t-elle.
Fin de la relation
Mathilde Pérès décide de ne plus continuer à voir Éric Martinez le 3 septembre 2018. Pour elle, il ne s’agissait pas d’une relation extra-conjugale : « je ne voulais pas faire ce qu’il désirait, je voulais que ça s’arrête ». Elle n’a plus eu de contact avec lui après ça. La femme de l’accusé témoigne que son mari est alors dans un état de panique terrible, il lui aurait demander de partir à Ibiza avec son amant mais sans les enfants, car « Éric Martinez pourrait se venger ». S’ensuivent les jours qui vont précéder le drame. Craignant pour leur sécurité, Mathilde Pérès demande à son mari de quitter leur domicile quelques jours mais il lui répondra : « il y a des gens qui comptent sur moi au CHT ». « Les périodes de terreur et d’hyper vigilance se succèdent, les démarches avec le procureur sont entamées. » Très hésitante, elle finit sa déclaration par « c’est une épreuve pour beaucoup, c’est glauque, c’est dramatique ».
Le reportage de Natacha Lassauce-Cognard à l'issue de ce troisième jour de procès.