La commande est impressionnante. Au lendemain de son vol inaugural reliant Nouméa à Paris via Bangkok, la compagnie aérienne Aircalin a officiellement annoncé l'achat de deux Airbus A 350-900, qui s'inscrit dans le cadre d'une stratégie de développement de son réseau long-courrier.
A leur livraison fin 2026 et au cours de 2028, la compagnie assure que ces nouveaux appareils devraient permettre "d'améliorer la compétitivité de cette ligne [Nouméa-Paris]", en raison notamment de l'augmentation du fret et du nombre de passagers par vol mais aussi des économies de carburant engrangées, de l'ordre de 15 à 20 %, par rapport à ses avions actuels.
"C'est une blague ?"
Mais dans un contexte de crise économique profonde dans le pays, à la suite de plusieurs mois d'insurrection, cet investissement évalué à plusieurs dizaines de milliards de francs provoque l'indignation d'élus calédoniens.
Réunis au Congrès ce jeudi 12 décembre pour modifier le budget du pays, le sujet a fait l'objet d'une passe d'armes, certains élus découvrant ce nouvel achat. "C'est une blague ?" s'est indigné le non-indépendantiste Brieuc Frogier. Et de poursuivre, "Nous avons perdu 17, 18, 20 % de nos recettes fiscales. On ne sait même pas comment on va payer les salaires. On ne sait même pas comment on va verser les subventions et on nous fait croire que l’on va acheter des avions pour 46,5 milliards CFP."
Le président du gouvernement, Louis Mapou, a tenté de nuancer. "Dans le contexte actuel, non. Mais il n’en demeure pas moins que nous devons garder la perspective de possibles développements pour cette société. Et c’est ce qui est fait avec cette ligne directe Nouméa-Bangkok-Paris," a t-il répondu.
Autofinancement, défiscalisation et prêt, selon la compagnie
Alors que la compagnie est détenue à 99% par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, pays économiquement exsangue à la suite des émeutes de mai, la question du financement apparaît centrale. "Comme toutes les compagnies du monde, nous avons un plan de financement basé sur l'autofinancement d'Aircalin pour partie, pour deuxième partie, la vente de notre flotte A330 NEO le moment venu, une part de défiscalisation puisque nous y sommes éligibles, et enfin, la dernière partie qui est un financement bancaire classique" explique Georges Selefen, directeur général d'Aircalin.
Si la compagnie tente de rassurer, cet acquisition intervient néanmoins dans un contexte des plus incertains. Un pari risqué, axé sur la fréquentation de la destination. Et ce, malgré une année marquée par des violences qui ont affectées l'attractivité touristique du Caillou et le pouvoir d'achat des Calédoniens.