Augmentation des cas de dengue : la DASS rappelle les consignes habituelles

Le nombre de cas de dengue augmente depuis début novembre sur le Caillou. Jean-Paul Grangeon, médecin inspecteur à la Direction des affaires sanitaires et sociales (DASS) de Nouvelle-Calédonie, répondait aux questions de Michel Voisin au sujet du virus.
Depuis le 24 octobre dernier, 72 cas de dengue ont été recensés en Nouvelle-Calédonie. La situation ne correspond pas encore à une épidémie. Toutefois, le nombre de cas a beaucoup progressé ces dernières semaines. Jean-Paul Grangeon, médecin inspecteur à la Direction des affaires sanitaires et sociales (DASS) a répondu aux questions de Michel Voisin pendant le Journal Radio de 12h, mardi 27 décembre 2017. 
 
- Docteur, voir des cas de dengue en cette saison, c'est plutôt classique, mais y a-t-il plus de malades que l'an dernier à pareille époque ?  
 
- Nous avons effectivement un peu plus de malades qu'à pareille époque l'an passé. Mais on a surtout constaté la persistance et la circulation du virus de la dengue, sous la forme de sérotype 1, pendant la période fraîche. Ce qui est assez inhabituel. En général, on a une accalmie pendant les mois de juillet, août et septembre. Cette fois, nous avons continué à avoir des cas. Et depuis environ trois semaines, nous notons une augmentation des cas, avec une dissémination des foyers. En ce moment, nous avons quatre à cinq cas par jour, ce qui est quand même assez inquiétant. 
 
- Cette année, il n'y a en effet pas vraiment eu de sécheresse et c'est le royaume du moustique. L'augmentation des cas de dengue peut-elle être liée aux pluies de cette année ?  
 
- Le moustique aime bien la pluie et les températures élevées, ce qui a été le cas cette année et ce qui, visiblement, est le cas encore actuellement. Toutes ces conditions font qu'effectivement, le risque augmente. De plus, comme nous n'avons pas eu d'épidémie de dengue depuis à peu près deux ans, chacun se sent un peu moins concerné. Finalement, on se désensibilise aux risques de dengue.
 
- Parmi les causes possibles, est-ce que ce ne serait pas aussi la moindre efficacité des insecticides qui ont du remplacer le malathion ? 
 
- L'Institut Pasteur a fait des tests et on a constaté effectivement que la deltaméthrine, qui est l'insecticide adulte utilisé dans la lutte anti-vectorielle, rencontre maintenant une force résistance. Les moustiques ont donc une grosse résistance à la deltaméthrine, ce qui pose vraiment un problème. On sait bien que quand on a un cas de dengue, c'est qu'un moustique infecté est venu piquer le patient. Tout autour on fait alors des pulvérisations de deltaméthrine. Si cette pulvérisation est moins efficace, on va peut-être râter la cible, c'est à dire qu'on ne va peut-être pas déturire le ou les moustiques infectés. Et ceux-ci vont à leur tour piquer d'autres personnes. 
 
- Vous parliez tout à l'heure d'une certaine désensibilisation. Votre préoccupation concerne donc aussi la réaction des Calédoniens.
 
- On s'est un peu endormi, c'est vrai. C'est une réaction qui peut être considérée comme normale. Mais je crois qu'il faut maintenant se réveiller et reprendre les bonnes habitudes, qui sont en fait des habitudes de vie. Il faut qu'on détruise régulièrement tous les gîtes larvaires autour de chez soi, qu'on se protège le soir en mettant des répulsifs, ou en utilisant de serpentins, ou encore, le cas écheant, en détruisant les insectes avec des raquettes anti-moustiques par exemple. Une fois que les gîtes larvaires ont été détruits et que les moustiques adultes ont autant que possibles été détruits eux aussi, si on présente des signes laissant supposer une dengue, il faut aller chez le médecin pour pouvoir s'assurer que ce n'est pas une dengue compliquée. Il faut faire les analyses afin qu'on ait la déclaration faite par le médecin et le laboratoire, pour que la DASS et la mairie de la commune concernée puissent mener toutes les actions nécessaires autour de ce cas. 
 
- Pouvez-vous juste rappeler les signes avant-coureurs d'une dengue ?
 
- Ca ressemble à la grippe, à la leptospirose. Il y a de la fièvre, des douleurs aux articulations, des maux de tête. Une caractéristiques toutefois de la dengue et des arboviroses en général, c'est l'apparition de plaques rouges. Pour faire simple, on peut dire que la différence est là : avec la grippe, on a plutôt le nez qui coule, avec la dengue, on a plutôt des plaques rouges.
 
- Revenons maintenant sur les actions de la DASS et des services municipaux. Lorsqu'un malade est déclaré quelque part, est-ce qu'il se passe la même chose que les autres années, c'est à dire qu'on va traiter autour du lieu d'habitation du malade ?  
 
- Comme d'habitude, dès qu'on a connaissance d'un cas confirmé biologiquement -les analyses sont maintenant effectuées au Médipole - , on a la déclaration vers 15h. On prépare une équipe de la DASS qui va intervenir vers 16h30-17h dans le quartier, pour faire de la formation, distribuer des répulsifs dans tout le quartier et rechercher d'autres cas autour de ce cas recensé. 
 
- Comment réagit la population au travail de ces équipes ? Est-ce que certaines personnes réagissent mal ? 
 
- On a des équipes volontaires de la DASS qui viennent en dehors de leurs heures de travail. Ils font ça parce qu'ils sont la conviction que leur travail est important. C'est rare mais cela peut arriver, et c'est très désagréables d'avoir des personnes qui refusent de leur ouvrir, de les écouter ou ne tiennent pas compte des recommendations. C'est dommage car ces agents qui viennent sur leur temps de repos le font car ils prennent très au sérieux leur mission de sensibilisation. Il faut donc de la bienveillance pour les accueillir et les écouter.
 
- On parlait très récemment du projet de partenariat de la mairie de Nouméa avec une université australienne pour neutraliser et éradiquer le virus de la dengue. Vous y croyez ? 
 
- On y croit fermement puisque la DASS et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sont impliqués dans ce projet. C'est un grand projet prometteur dans la lutte contre les moustiques, surtout contre la dengue. En fait, on aura autant de moustiques mais ils ne seront plus transmetteurs d'abroviroses. On a espoir aussi que cela fonctionne contre le zika et le chikungunya. Mais évidemment, ça ne sera pas opérationnel avant un an ou deux. Donc en attendant, il faut continuer les gestes habituels.