La Nouvelle-Calédonie a prouvé qu'elle pouvait rivaliser avec la meilleure nation d'Océanie. Insuffisant, toutefois, pour l'éliminer et atteindre le véritable objectif : remporter le tournoi. L'heure n'est pas à l'autosatisfaction, mais à la remise en cause chez des Cagous en progression.
NE PAS SE TROMPER
Sur les réseaux sociaux, le tableau statistique de l'OFC résumant le match Nouvelle-Calédonie - Nouvelle-Zélande circule. Certains chiffres sont flatteurs, c'est vrai. Et notamment ces 63% de possession du ballon contre le favori de la compétition. Un peu plus bas, on découvre 23 tirs tentés contre seulement 8 pour les All Whites. Positif, c'est vrai. Mais il faut aller au bout de l'analyse de ces données. Et se poser les bonnes questions. Sur les 23 tirs de la sélection cagoue, seuls 6 ont été cadrés. 6 tirs cadrés pour 63% de possession. Côté Kiwi, la moitié des frappes (4) ont atteint la cible avec seulement 37% de possession. Et ce sont les adversaires qui joueront la finale. Ils seront en course pour un cinquième titre alors que la Nouvelle-Calédonie n'affiche aucun trophée. Si il faut se féliciter de l'emprise des Cagous sur le match et de leur comportement très souvent exemplaire face aux néozélandais, il reste beaucoup de travail pour être en position de gagner contre eux, et d'être la meilleure sélection d'Océanie. C'est bien là, le véritable objectif.LE CONTEXTE A CHANGE
Les Néozélandais sont souvent considérés comme les favoris de la Coupe des Nations, au vu du nombre de professionnels qu'ils alignent. C'était encore le cas pour l'édition 2016. Mais ces Kiwis-là étaient moins forts que ceux de 2012. Moins d'expérience internationale derrière avec l'absence, notamment, du capitaine Tommy Smith (Ipswich, D2 anglaise) et du pilier Vicelich (recordman sélection). Devant, le 2e meilleur buteur de l'Histoire du football néozélandais, Shane Smeltz, faisait également défaut. Les milieux offensifs Jérémy Brockie et Marco Rojas, pourtant présents en Papouasie Nouvelle-Guinée, n'ont quant à eux pas joué. Choix tactique ? Le directeur technique de la FCF, Dominique Wacalie, le pense. "Ils sont passés à 4 derrière, alors qu'ils jouaient à 5 jusqu'ici avec deux latéraux qui montent. Je pense qu'ils nous craignaient. Ils se sont positionnés très bas". Les Cagous n'étaient pas si oustiders que cela ...UN NOUVEAU STATUT A ASSUMER
La Nouvelle-Calédonie peut s'appuyer sur plusieurs "exilés" qui bonifient l'équipe par leur expérience. "L'équipe n'a jamais été aussi forte" nous disait Pierre Wajoka avant le début de la compétition. Il suffit de regarder les prestations de Judicaël Ixoée (DH Carquerainne) et Jean-Philippe Saïko (DH, Poitiers) pour s'en convaincre. Le premier respecte toujours son poste. Il porte peu le ballon, joue sans fioritures, et sait passer avant de se rendre disponible dans une zone libre. Le second ne rechigne pas à faire les efforts. Il redescend pour jouer en pivot, trouve les espaces pour être à la réception de centres, et sait se montrer décisif devant le but. Enfin Joël Wakanumuné, passé par la CFA2, est toujours important dans son rôle défensif.César Zéoula, en revanche, n'a pas forcément répondu aux attentes compte tenu de son niveau (L2, Laval). Décevant sur coup de pied arrêté, peu à l'aise devant le but et dans la dernière passe, il n'a pas permis à la sélection de passer un cap dans cette Coupe des Nations 2016. L'avis du directeur technique de la FCF, Dominique Wacalie :
Dominique Wacalie donne son point de vue sur César Zéoula
Thierry Sardo parle de César Zeoula
Avec un César Zéoula en forme, et l'apport de Georges Gope-Fenepej qui manquait à l'appel après avoir permis à l'Amiens SC d'accéder en Ligue 2, cette sélection calédonienne pourrait faire très mal en Océanie.
BERTRAND KAI : L'EXEMPLE
L'attaquant de Hienghène est un vrai modèle, par sa combativité et sa justesse. Ce n'est pas pour rien qu'il a été nommé "Joueur océanien de l'année 2011", comme Christian Karembeu ou Marama Vahirua avant lui. Bertrand Kaï prouve qu'on peut être un très bon joueur en restant sur le Caillou, mais en étant compétiteur. Son sérieux et sa rigueur sont constants. Concentré, il ne fait jamais de mauvais gestes, tout en étant le premier à presser. On peut regretter, toutefois, qu'il n'ait pas été plus souvent servi dans la zone de vérité dans cette Coupe des Nations 2016. Cela fait partie des choses à travailler pour la sélection calédonienne. Quand il obtient le ballon dans les pieds, le goleador de Hienghène fait souvent la différence. Un penalty provoqué contre Samoa, un but superbe face à Tahiti. Contre la Nouvelle-Zélande, il sert un caviar pour l'égalisation. Au départ de l'action, il provoque un contre favorable et a l'intelligence de donner en profondeur rapidement pour Dahité, qui butera sur le gardien adverse. La sélection doit pouvoir le trouver plus régulièrement.Roy Kayara est lui aussi dans ce même état d'esprit de "guerrier". Le milieu de terrain polyvalent de la sélection ne lâche rien. Il a le mérite de percuter, de défier ses adversaires. Placé sur l'aile, sa qualité de centre et ses débordements font du bien. Dans l'axe, il est très disponible. Le seul reproche que l'on peut lui faire est, parfois, de conserver trop le ballon, notamment dans les 25 derniers mètres.
CANALISER LES ENERGIES
Offensivement, bien souvent, les milieux excentrés, voire les défenseurs latéraux tentent leur chance de loin plutôt que de servir les buteurs confirmés. Le premier réflexe est de tirer, et non de construire patiemment autour de la surface de réparation pour trouver une brèche. Il y a matière à réflexion dans ce domaine.Défensivement, des réglages doivent également s'opérer. Il faut parvenir à canaliser cette volonté de récupérer le ballon dans les pieds adverses. Les Calédoniens ont l'avantage de l'endurance et du physique, mais ne font pas toujours preuve de stratégie. Les interventions défensives sont parfois trop anticipées et désorganisées. Contre Tahiti, on a vu un latéral se déplacer dans le rond central pour dégager un six mètres adverse, un milieu défensif axial déborder côté droit sur une contre-attaque, ou des défenseurs centraux monter sur le porteur du ballon comme des récupérateurs. L'intention est bonne : mettre en difficulté son rival, l'empêcher de progresser par des passes ou un départ en dribble. Mais une fois sortis de leur zone, et si leur intervention est manquée, les Cagous se mettent en difficulté. Exemples ? Jean-Brice Wadriako, sur le but Papou, ou George Béaruné et Jo Athalé face à Tahiti. Il faut bâtir une "conscience défensive". C'est un objectif pour Dominique Wacalie :
Dominique Wacalie sur les objectifs à atteindre dans le jeu
LA FEDERATION DOIT JOUER SON ROLE
Alain Moizan se souvient qu'en 2012, la sélection néozélandaise s'était préparée au Texas, aux Etats-Unis, avant la Coupe des Nations. Cette année, deux camps ont été organisés par les Kiwis pour arriver en pleine forme à Port-Moresby. Le premier s'est déroulé à Auckland, et le second à Brisbane, en Australie, pour retrouver des conditions climatiques similaires à celles de la Papouasie Nouvelle-Guinée et affronter des adversaires locaux. La Nouvelle-Calédonie, de son côté, n'a eu qu'une semaine de préparation, au centre technique de Païta. Elle a joué 60 minutes contre l'AS Magenta à Boéwa avant que les lumières du stade ne tombent en rade. Dans ces conditions, difficile d'exprimer pleinement le potentiel de l'équipe dans une compétition internationale. Sans se cacher derrière cela, Thierry Sardo a légitimement fait remarquer ce point au moment de dresser le bilan de la Coupe des Nations 2016 :Bilan de la Nations Cup d'Océanie avec Thierry Sardo
Thierry Sardo et son staff (Pierre Wajoka, adjoint, Jean-Marc Ounémoa, entraîneur des gardiens) sont en tout cas sur la bonne voie. Ils ont remporté les derniers Jeux du Pacifique et atteignent la demi-finale de la Coupe des Nations avec un groupe différent. Sardo a pris le risque de faire jouer de nombreux joueurs, d'âges différents, et n'a pas hésité à changer de système de jeu contre les néozélandais avec une certaine réussite, même si la victoire n'est pas au bout. Tout cela est très encourageant. Il faut continuer de travailler. Et la Fédération doit tout mettre en oeuvre pour aider sa meilleure sélection.