Crise en Nouvelle-Calédonie : le système de santé en détresse, un collectif de soignants tire la sonnette d'alarme

Les urgences du Médipôle de Dumbéa.
Pénurie de personnels soignants, des services hospitaliers en saturation… La situation sanitaire est alarmante, notamment au Centre hospitalier territorial Gaston-Bourret. Les chiffres de ce début d'année témoignent de l'urgence. Le collectif calédonien "Notre santé en danger" veut alerter les élus.

Le système de santé calédonien est en grande souffrance. Début janvier, le Centre hospitalier territorial (CHT) Gaston-Bourret dressait un constat alarmant. Sur l'ensemble du territoire, le Médipôle a perdu près de 40% de sa capacité d'hospitalisation et suspendu les admissions planifiées, hors oncologie, du 9 au 23 janvier, pour prioriser les urgences.

16% d'infirmiers en moins

Des urgences actuellement saturées. Depuis plus de trois mois, le Médipôle enregistre entre 160 et 180 passages quotidiens. Le 15, le numéro d'urgence, est assailli. Le service téléphonique des urgences reçoit, en moyenne, entre 250 et 300 appels par jour. Certaines spécialités sont en grande difficulté. Le CHT doit faire appel aux médecins libéraux pour la gastro-entérologie et l'ophtalmologie.

Les conséquences sont multiples : un allongement du temps d'attente aux urgences, suscitant de l'incompréhension, des difficultés d'accès aux soins, avec des grossesses mal suivies et des interruptions de traitement chroniques et, de manière plus globale, une dégradation de l'état de santé des Calédoniens.

Alors que l'effectif d'infirmiers a baissé de 16%, les personnels qui restent en activité sont épuisés. Une situation qui ne va pas en s'améliorant, compte tenu de la crise vécue en 2024. Les recrutements, notamment en urgence et en réanimation, restent difficiles.

Le résumé des difficultés du système de santé avec Martin Charmasson :

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"Un cri de détresse"

Le collectif "Notre santé en danger" en Nouvelle-Calédonie compte 1 800 soignants de tout le pays, aussi bien dans le privé que dans le public. Un collectif créé au lendemain des émeutes, en juin, dans le but d'alerter les élus sur la pénurie de soignants qui se profilait fin 2024.

Le docteur Kader Saïdi, chirurgien urologue et représentant du collectif, répondait aux questions de Natacha Lassauce-Cognard dans le journal télévisé du 27 janvier.

NC la 1ère : À ce jour, quelle est l'ampleur des risques pour la santé des Calédoniens ?

Kader Saïdi : Aujourd'hui, c'est un cri de détresse. S'il n'y a pas un choc d'attractivité dans les semaines qui viennent, l'accès aux soins en Calédonie, pour tous les types de maladie, sera très compliqué d'ici la fin de l'année 2025.

Quelle est la priorité ?

Avant mai, on avait un problème de ressources humaines dans certaines zones géographiques et pour certaines spécialités. Le but, c'est de retenir le peu de soignants qui restent. Que ce soient les médecins ou les paramédicaux (infirmiers, kinésithérapeutes, dentistes, pharmaciens...). Pour cela, il faut des mesures immédiates, puis des mesures à moyen et à long terme.

Quels sont les leviers d'attractivité pour ces soignants ?

Il faut améliorer les conditions de travail et leur proposer des plans de carrière. Ce sont des mesures à moyen et long terme. Et il faut revaloriser leurs salaires de façon immédiate. Il y a un déficit par rapport aux salaires des autres zones géographiques et par rapport au niveau de vie général en Calédonie. On a salué la proposition de projet de loi du pays déposée [le 13 janvier 2025 NDLR] qui propose 30 % d'exonération fiscale pour les soignants. Mais la mesure reste insuffisante. Il faut la généraliser, et, dans les filières sous tension, il faut une mesure d'exonération à 100%, sans condition. Car on ne peut pas obliger un médecin ou un infirmier à rester cinq ans, dans les îles ou dans les dispensaires. Qu'il vienne, c'est déjà très bien.

Un abattement fiscal, dans le contexte de crise en Calédonie, est-il réalisable ?

Bien sûr. Ne rien faire va coûter beaucoup plus cher. Il y a une pénurie de soignants dans le monde. Les territoires se battent pour attirer les soignants et notamment les infirmiers. L'OMS (Organisation mondiale de la santé) a prévu 18 millions de déficit d'infirmiers dans les années à venir. Si on n’agit pas fortement, ces soignants iront vers des salaires et des conditions de travail plus intéressants. Il ne faut pas le voir comme un coût mais comme un investissement. Au contraire, sans les soignants, le système de santé va se dégrader et le coût pour la société sera plus élevé. Un pays sans soignant, c'est aussi une perte d'attractivité pour les gens qui veulent s'installer pour y travailler.

Au-delà de l'aspect financier, comment rassurer les soignants sur le plan sécuritaire ?

En juin, on avait fait un ensemble de propositions avec le collectif. Premièrement, la sécurité pour tous.
Deuxièmement, une stabilité des comptes sociaux. Et troisièmement, un choc d'attractivité. Sur ce dernier point, nos propositions n'ont pas été entendues. Notre signal d'espoir, c'est que le projet de loi du pays soit examiné immédiatement. Il en va de la responsabilité des élus. J'en appelle à son adoption et à son amélioration.

Qu'attendez-vous réellement du 18e gouvernement ?

Il y a eu un vrai travail en amont. Le plan Do Kamo, le plan S2R, toutes ces mesures vont pouvoir se mettre en place. Mais changer la gouvernance du système de santé, améliorer la collaboration public-privé, changer les statuts, ça prend du temps.

Retrouvez l'interview complète du Dr Kader Saïdi au journal télévisé du 28 janvier :