C’est une découverte qui devrait faire date dans le monde scientifique. Le magazine Science s’en est d'ailleurs fait l’écho dans un article paru ce 7 février. Une nouvelle étude menée par des chercheurs internationaux révèle que l’apprentissage des langues chez les humains s’applique également au chant des baleines à bosse, avec des similitudes troublantes.
Pour le démontrer, une équipe de six scientifiques s’est appuyée sur une base de chants de cétacés recueillis pendant huit ans. Parmi ces données, de nombreuses séquences de chants de baleines à bosse, collectées dans le lagon calédonien par l’association Opération cétacés.
Une structure statistique similaire
Cette équipe pluridisciplinaire, composée de spécialistes en écologie comportementale, sciences du langage ou encore bioacoustique "a émis l’idée de rechercher la structure de ces chants", explique Claire Garrigue, membre d'Opération cétacés, qui fait partie de ce petit groupe de scientifiques, au travers des missions de l'IRD (institut de recherche pour le développement).
Pour étudier la composition de ces chants, les chercheurs ont appliqué des méthodes quantitatives, que l’on retrouve dans les sciences du langage, destinées à étudier la parole des enfants en bas âges. "À notre grande surprise, on a découvert qu’il présentait la même structure statistique que celle qu’on va retrouver dans le langage humain", résume la scientifique, basée à Nouméa.
Grincements, mugissements, couinements...
Plus concrètement, on retrouve dans le langage humain des mots qui sont très souvent utilisés et beaucoup d'autres mots qui le sont peu. On note également que les mots les plus courts sont ceux qui sont utilisés le plus souvent. Or, le même phénomène est observé chez les baleines à bosse.
Cette découverte a pu être réalisée à partir des unités sonores qui composent le chant de baleines. "Cela peut être des sons de violons, des grincements, des couinements, des mugissements…, énumère la biologiste marin. En écoutant un chant, on peut le décomposer comme une partition sur laquelle on placerait les mots 'mugissements' ou 'claquement de porte', à la place des notes de musique."
Voici un exemple de ces unités, qui composent le chant d'une baleine à bosse, de passage en Nouvelle-Calédonie :
Des chants qui se transmettent entre individus
Ce n'est pas la première fois que ces chercheurs font une découverte étonnante à partir du chant des baleines. Il y a quelques années, ils avaient démontré que ces chants se transmettaient de l’Ouest du Pacifique vers l’Est du Pacifique, soit de l’Australie vers l’Equateur, tel un "tube de l'été", sourit Claire Garrigue, avant de laisser la place à un autre "tube".
"Cela montre que le chant est un comportement appris et qui est transmis culturellement, pointe Claire Garrigue. C’est la seule espèce non humaine pour laquelle on constate une transmission culturelle à une telle échelle géographique." A noter que seuls les mâles chantent parmi ces baleines à bosse.
On a beaucoup trop sous-estimé les animaux.
Claire Garrigue, biologiste marin
L'Homme et la baleine... pas si éloignés
Or, cette nouvelle découverte publiée dans Science "devrait avoir des répercussions et ouvrir la porte à des études semblables chez d’autres animaux", souligne Claire Garrigue. Elle vient également conforter une fois de plus la thèse d'une intelligence animale.
"On a beaucoup trop sous-estimé les animaux. Découvrir, comme on vient de le faire, ce point commun entre deux espèces aussi éloignées du point de vue de l’évolution, que sont la baleine à bosse et l’humain, cela peut remettre en question bon nombre de nos idées préconçues et notamment la supériorité humaine. Cela devrait nous faire réfléchir à être un peu plus humble."