Alors que dans l’Hexagone, le monde de l'intelligence artificielle s'est donné rendez-vous à Paris au Grand Palais, pour un sommet de deux jours, en Nouvelle-Calédonie, l’IA fait son chemin doucement mais sûrement. ChatGPT, Gemini et bien d'autres, beaucoup sont entrés dans notre vie de tous les jours.
Ce mardi, Medriko Peteisi recevait Medhi Mahroug, expert et formateur en intelligence artificielle et membre du cluster OpenNC.
NC La 1ère : Est-ce qu'on peut expliquer rapidement ce qu'est l'intelligence artificielle ?
Mehdi Mahroug : L'intelligence artificielle, c'est donner la capacité à une machine de faire des choses qui sont normalement réservées au cerveau humain, comme par exemple prendre des décisions, jouer à des jeux vidéos ou même reconnaître des objets ou discuter.
Vous avez mesuré l'utilisation de l'IA en Nouvelle-Calédonie. Comment se présente-t-elle et dans quel domaine voit-on le plus l'intelligence artificielle se développer sur le territoire ?
MM : Je l'ai mesuré puisque ça fait maintenant deux ans que je fais des formations sur le territoire. J'ai formé presque 1000 Calédoniens à l'utilisation de l'intelligence artificielle, dans différents domaines : au sein d’institutions, d’entreprises privées de petite taille, de grande taille, mais aussi, comme aujourd'hui, pour le personnel d'une école internationale à Nouméa. Donc j'ai vraiment une vision assez transverse et je me rends compte qu'on est plutôt bien placés.
Les Calédoniens n'ont pas eu peur. Certains, si, mais d'autres ont vite pris le pas. On essaie d'intégrer ça à leur pratique professionnelle et ils sont de plus en plus nombreux. Donc, j'ai tendance à penser qu'on n'est pas du tout à la traîne par rapport à la France. Bien au contraire, on se positionne plutôt bien dans la région, puisque l'Australie, très tardivement, a annoncé un plan d'état similaire à celui qui avait été annoncé l'année dernière en France.
Vous parlez d'institutions, on parle également d’établissements publics. Intégrer l'intelligence artificielle est donc devenu une réalité dans leur quotidien ?
MM : Tout à fait. J'ai fait plusieurs formations à la CAFAT par exemple. Cette année, j'ai fait plusieurs formations aussi à l'OPT, qui a décidé de prendre le taureau par les cornes et y aller à fond. Mais c'est aussi la province sud qui, très tôt, a formé ses agents et a informé ses agents à essayer d'intégrer l'IA dans les pratiques professionnelles.
Mais on voit que derrière, ça se poursuit dans le privé. Celui qui apprend au départ à écrire des résumés de mails ou à faire des réponses, justement, avec l'IA, ou même à rédiger un contrat, finalement il l'utilise dans sa vie personelle. J'avais ce matin une dame qui me disait justement qu'elle avait résolu un problème dans sa voiture en expliquant à l'IA les symptômes qu'elle observait.
Mais en quoi est-ce aussi important de se mettre à la page ?
MM : On ne parle pas d'une toile filante, on ne parle pas d'un phénomène de mode. On parle de quelque chose qui est en train de s'ancrer très fortement dans la société, comme Internet en son temps. Et ce genre de révolutions, on n'a pas vraiment le choix de les prendre ou de ne pas les prendre.
Si je prends l'exemple des jeunes, aujourd'hui, on a des jeunes qui, à l'école, l'utilisent de plus en plus. On a tendance à vouloir leur interdire. Mais dans les faits, plus tard, ils vont se retrouver sur le marché du travail en concurrence avec des gens qu'on a stimulés et qu'on a formés à cette utilisation.
Donc pour moi, c'est important de comprendre aussi bien les bons aspects, apprendre à l'utiliser, mais aussi connaître les limites et les risques associés à cet outil.
Justement, est-ce qu'on n'a pas peur demain que l'IA remplace l'humain ?
MM : C'est une crainte, en effet, celle de l'IA générale qui deviendrait puissante et incontrôlable. On a tous vu des films comme Matrix ou Terminator. Dans les faits, on est encore un petit peu éloigné de ça. Mais par contre, il y a des risques bien réels et bien actuels.
Le premier, c'est que l'intelligence artificielle générative, celle avec laquelle on parle, peut dire des bêtises. Je vous donne un exemple. Si vous êtes utilisateur de ChatGPT, Gemini ou n'importe quel autre IA, demandez-lui s'il y a des crocodiles de mer en Nouvelle-Calédonie… vous apprendrez qu'on en trouve dans toutes les villes de Nouvelle-Calédonie.
Et quelle réponse donner aux sceptiques ?
MM : Je pense que le temps finira par les convaincre. C'est tout à fait normal d'être sceptique. C'est même sain de faire attention quand il y a une nouvelle révolution technologique. Mais il faut avoir la curiosité au moins d'essayer.