INTERVIEW. L’ex archevêque de Nouméa observe “un manque de compréhension de la société” au sein de la jeunesse

Mgr Calvet invité du JT après sa démission de l'archevêché ©NC la 1ère
Désormais archevêque émérite, Monseigneur Michel-Marie Calvet, 80 ans, va bientôt confier la communauté catholique de Nouvelle-Calédonie à son successeur Mgr Susitino Sionepoe. Alors que sa renonciation vient d'être acceptée par le pape, il a évoqué au journal télévisé son regard sur les 44 années écoulées.

Ordonné prêtre en 1973, il a été intronisé archevêque de Nouméa en 1981. Près de 44 ans plus tard, Monseigneur Michel-Marie Calvet a démissionné de ses fonctions. Un départ évoqué vendredi 17 janvier, sur le plateau du journal télévisé, avec Stéphanie Chenais. 

Après quatre décennies aux côtés des Calédoniens, votre démission est désormais officielle; Comment vivez-vous ce départ ? 
Mgr Calvet : C’est le moment. Comme dit “l’Écriture”, il y a un temps pour chaque chose. Un temps pour commencer et un temps pour laisser la charge à un plus jeune. C’est arrivé, heureusement. 

Vous vous êtes impliqués dans de nombreux dossiers, au fil des ans, en matière de dialogue et de politique. Quel est le rôle de l’Eglise en temps de crise, selon vous ?
Mgr C. : L’Église a accompagné. Dès ma nomination comme évêque auxiliaire en 1979, j’ai été [confronté] à ce genre de problèmes. Ensuite, la crise de 84 à 88, où je connaissais tous les interlocuteurs, je les estimais et j’ai travaillé avec un certain nombre d’entre eux. On a pu résoudre un certain nombre de problèmes. Il y a aussi des choses auxquelles on s’est affrontées et malheureusement… Je porte toujours des regrets [concernant] Ouvéa, de ne pas avoir pu avoir une efficacité pour éviter cette horreur qui s’est passée.

Dans la vie, c’est comme ça, il y a des choses qu’on réussit… Mais j’ai le souvenir d’expériences de gens formidables avec qui j’ai pu travailler. De gens de partout. J’ai le souvenir de catéchistes qui m’ont appris beaucoup de choses sur le ministère [d'évêque]. Je repense à quelqu’un comme Eloi Diohoué de Nakéty, qui était un homme d’une sagesse tout à fait remarquable. Lui, quand il parlait d’humilité, on voyait ce que ça voulait dire. 

Quel regard portez-vous sur l’évolution de la société depuis 1981 ?
Mgr C. : La société a énormément changé. À une époque lointaine, avant d’être évêque, j’ai enseigné les mathématiques et j’ai encore un certain nombre d’élèves parmi les responsables de ce pays. Autrefois, il y avait fort peu de gens qui avaient eu l’occasion de faire des études supérieures.

On a vu la mise en place, puisque j’y ai participé, du lycée Blaise-Pascal. Il y a eu l’université : j’ai été consulté de nombreuses fois [à son] démarrage pour voir ce qui pouvait être fait pour permettre au plus grand nombre d’accéder à de meilleures responsabilités, mais d’être capable de les assumer. 
Maintenant, je vois avec joie que tel est prof d’université, tel est président de province, tel a été président du gouvernement… (…)

N’y a-t-il pas une forme d’échec, une perte de repères, pour la jeunesse calédonienne ? 
Mgr C. : Comme j’ai dit souvent, il y avait effectivement une perte de repères et ensuite, un manque de compréhension de la société dans laquelle nous vivons. On a une société dans laquelle tout n’est pas parfait, et j’en suis bien le premier conscient, mais il faut également savoir comment ça marche. Je crois que des jeunes, et des moins jeunes, n’ont pas compris vraiment comment pouvait fonctionner la société.

J’ai été étonné quand, dans son vocabulaire tout à fait différent, Daniel Goa, terminant sa présidence à la tête de l’UC, a dit : “Il faut que nous formions les jeunes, ils n’ont pas assez de formation politique.” Finalement, il disait la même chose que moi. Il y a une nécessité d’une compréhension et également d’une patience, parce qu’on ne peut pas changer tout immédiatement. Il faut être capable d’accepter une certaine frustration. Ça, les anciens peuvent l’expliquer aux jeunes.

Dans ce contexte, quels sont les défis de l’Église pour les années à venir 
Mgr C. : Je crois que c’est un accompagnement. La place de l’Eglise n’est plus la même qu’il y a quarante ans. Mais elle a toujours ce rôle de conseil. Actuellement, des jeunes Chrétiens sont rassemblés à Maré… On aimerait pouvoir faire plus mais il faut tenir compte de ses forces. Il faut tenir compte, aussi, de ceux qui peuvent se mettre au service de cette jeunesse. Mais il y a un travail considérable. Je pense que la jeunesse l’attend, et on pourra avoir un avenir plus réjouissant.

Quels sont vos projets, désormais ?
Mgr C. : Je n’ai plus un âge à avoir des projets ! D’abord, d’être au service de mon successeur, pour lui permettre de démarrer dans les meilleures conditions. Ensuite, je verrai à m’occuper de moi, ne vous faites pas de souci…