Pénurie de soins en Nouvelle-Calédonie : un bébé prématuré naît dans des conditions extrêmes en province Nord

Ce bébé prématuré a été pris en charge au cabinet de sage-femme de Poindimié, avant l'arrivée du SAMU.
Une habitante de la côte Est a donné naissance à son enfant à six mois et demi de grossesse, samedi soir. Faute d’ambulance arrivée à temps, ce grand prématuré est né à domicile. C’est une sage-femme de Poindimié qui lui a prodigué les premiers soins, avant l’arrivée d’un hélicoptère de l’armée.

"Ça pourrait être une jolie histoire. Pourtant, dans nos têtes de soignants, d'habitants de Brousse, de parents, quelques questions tournent en boucle : comment en est-on arrivé là ?"

Cette réflexion, c’est celle d’Elodie Marnas, sage-femme de la commune de Poindimié. Samedi 8 février, cette soignante a prodigué les premiers soins, dans son cabinet, à un nouveau-né prématuré. Une soirée qu’elle n’est pas près d’oublier et dont elle a fait part sur les réseaux sociaux.


Naissance à domicile

Il est 17 h 39 quand la sage-femme reçoit un coup de fil du Samu. L'équipe lui demande d’intervenir auprès d’une femme enceinte, vivant dans une tribu reculée de la côte Est, la tribu de Goa. Cette maman présente d’importantes contractions, alors qu’elle n’est qu’à six mois et demi de grossesse. Son accouchement n’est prévu que pour fin avril.

Mais « une quarantaine de minutes après, cette dame a rappelé le Samu pour dire que le bébé était né à la maison », raconte Elodie Marnas. L’ambulance n’a pas eu le temps d’arriver jusqu’au domicile de cette famille.

Il était en grande difficulté respiratoire et cardiaque et il avait très froid. 

Elodie Marnas, sage-femme


Bébé d’un kilo

Le nouveau-né, qui est un grand prématuré (comme tous les bébés nés entre six et sept mois de grossesse), est alors pris en charge avec sa maman au cabinet d’Elodie Marnas. « À son arrivée, le bébé n’allait pas bien du tout. Cela faisait plus d’une heure qu’il était né. Il faisait à peine plus d’un kilo. Il était en grande difficulté respiratoire et cardiaque et il avait très froid. »
Grâce à une amie infirmière venue lui prêter main-forte et à son mari, la sage-femme stabilise le nourrisson.

Mais l’urgence est de le transférer au plus vite au service de néonatalogie du Médipôle, à Dumbéa, à 280 km de Poindimié. Un casse-tête pour les habitants de la côte Est. L’aérodrome de Touho ne fonctionne plus, le Samu de Koné n’a pas de véhicule et l’hélicoptère de l’hôpital ne peut pas voler la nuit.


Détresse respiratoire

"Tous ensemble, on s’est dit que la meilleure solution, c’était d’avoir le Puma, l’hélicoptère de l’armée. Mais c’est un protocole très long." En attendant les autorisations, les deux soignantes et le conjoint d’Elodie Marnas continuent de ventiler le bébé à la main. "Je suis un cabinet de sage-femme libérale. Je n’ai pas le même matériel que l’hôpital."

Le Samu finira par arriver à bord du Puma à Poindimié, peu avant minuit. Soit presque six heures après la naissance du bébé.

Combien de temps cela va-t-il durer ? Pourquoi la population accepte cela sans aucune réaction ?

Elodie Marnas


Désert médical

Pris en charge par le service de néonatalogie du Médipôle, le nouveau-né est "stable, il va bien", indique, Elodie Marnas, soulagée. Mais cet accouchement, survenu dans des conditions extrêmes, jette à nouveau une lumière crue sur la pénurie de soignants en Nouvelle-Calédonie, et plus particulièrement sur la côte Est.

Cette situation soulève bien des questions pour cette sage-femme qui exerce dans ce désert médical : "combien de temps cela va-t-il durer ? Pourquoi la population accepte cela sans aucune réaction ?".

Ce que craint la soignante, c’est que ce cas de figure se reproduise,au vu de la pénurie de personnel médical. "J’ai parlé de ce cas exceptionnel mais il y a 48 heures, un autre bébé est né au cabinet, fait remarquer Elodie Marnias. Ces situations exceptionnelles deviennent banales parce que notre système de santé s'est effondré. On a besoin d'aide et de solutions."