Émeutes en Nouvelle-Calédonie : la gendarmerie aurait armé des civils pour défendre la caserne de Boulouparis selon "Le Monde"

Blindés de la gendarmerie positionnés sur la RT1 à Boulouparis, le 26 juin 2024.
Dans un article publié vendredi, le quotidien national affirme qu’en mai 2024, au tout début de la crise insurrectionnelle, le commandant de la gendarmerie de Boulouparis se serait appuyé sur des habitants armés pour faire face à une éventuelle intrusion. Une version démentie par le maire Pascal Vittori.

Neuf mois après les émeutes qui ont embrasé la Nouvelle-Calédonie, des révélations du journal Le Monde embarrassent sérieusement la gendarmerie nationale, de l’Hexagone jusqu’à Boulouparis, où le journal situe les faits.

L’affaire remonte au 14 mai 2024, au lendemain des premières exactions. Comme dans d’autres communes du pays, un climat de psychose règne sur la petite commune de Brousse, cernée par des barrages de militants indépendantistes de la CCAT.


"Tension maximale"

Dans la brigade territoriale de gendarmerie, "la tension est maximale", décrit le Monde. La peur d’être attaqué hante l’esprit du commandant de la brigade de Boulouparis, l’adjudant-chef Sebastien P., surnommé "Babass" par ses proches.

Originaire de La Foa, l’homme a vécu les Evénements des années 1980 et redoute un nouveau drame, à l'image de l’attaque de la gendarmerie de Fayaoué, durant laquelle quatre gendarmes avaient été tués et vingt-sept autres retenus en otages.


Des fusils d’assaut et des grenades

Le Monde se base sur un témoignage clé : celui de Caroline S., épouse de l’un des officiers de la brigade de gendarmerie, présente au moment des faits. Elle raconte comment, dès le 14 mai, cinq civils auraient rejoint les locaux de la caserne, munis d’armes de guerre pour venir en renfort aux effectifs de la gendarmerie. "Des amis du commandant" qui, elle l'assure, "arboraient des fusils d’assaut de type AR-15 et des grenades".

Toujours selon le témoignage de Caroline S., le 17 mai, un de ces renforts aurait tiré un coup de feu par accident dans l’enceinte de la brigade, provoquant un mouvement de panique.

Du côté de la gendarmerie, on tente de justifier la présence de ces civils. "Certes, l’initiative prise par le commandant de brigade n’était pas orthodoxe, mais elle répondait à une urgence : protéger des vies ", explique l’Etat-major au journal Le Monde. La gendarmerie nationale réfute toutefois tout recours à des armes de guerre pour ces habitants venus en renfort. Ils étaient, selon elle, armés de "fusils de chasse".


Sanction

Depuis, Caroline S. a déposé plainte pour non-assistance à personne en danger. Elle décrit au Monde les procédures d’exfiltration d’urgence, maintes fois répétées à la caserne. Sans qu'aucune évacuation ne soit ordonnée, le commandant de la brigade ne jugeant pas nécessaire le départ des familles. 

La gendarmerie affirme que celles-ci sont restées dans leur logement à leur demande. "A aucun moment, on ne nous a demandé si on voulait partir ", rétorque Caroline S.

Le Monde détaille aussi les relations qui vont s’envenimer entre l’adjudant Olivier G., époux de Caroline S., et le commandant Sébastien P. Après avoir refusé un ordre de son supérieur pour rester auprès de sa famille qu’il estimait en danger, Olivier G. est frappé d’une sanction de premier groupe, un "blâme du ministre". Il sera muté d’office quelques mois plus tard à Lyon.

Au Monde, Caroline S. décrit un sentiment "de trahison et d’abandon de la gendarmerie”. La gendarmerie nationale, qui envisage de son côté des poursuites judiciaires, selon des informations recueillies par NC la 1ère.


Les dénégations du maire

L'affaire est également embarrassante pour la commune de Boulouparis. Interrogé par Outre-mer la 1ère, Pascal Vittori affirme n’avoir "aucune information qui va dans ce sens". Il appelle à la prudence face à ce qui pourrait être, de son point de vue, de la "diffamation".

"Ce que j’ai pu constater sur le terrain, ce sont effectivement des civils qui ont pu constituer des barrages pour protéger leurs maisons, pour protéger leurs quartiers". Mais le premier édile de la commune est catégorique : "il n’y avait pas d’armes sur les barrages".

Dans le journal Le Monde, Pascal Vittori décrit le climat de peur dans lequel était plongée la commune, au plus fort des émeutes, avec un vrai "danger de mort" et des "tirs à balles réelles sur la gendarmerie".