C'est la dixième vente à laquelle assiste Jules, apiculteur à Lifou. Il cherche du mobilier en inox pour améliorer les conditions d'hygiène de sa miellerie. "Les enchères c'est très dangereux parce que des fois, vous pensez avoir fait des affaires, et quand vous comparez à du neuf, vous vous rendez compte que vous n'êtes pas gagnant." Il a sa technique : il entoure ce qui l’intéresse sur le catalogue, et inscrit en face son budget maximum. Les étagères visées sont proposées à 6 000 francs, il ne dépassera pas les 10 000.
L'huissier de justice faisant fonction de commissaire-priseur, maître Xavier Lombardo, installe une enceinte à l'étage. Certaines personnes s'assoient sur la moquette rouge, le temps de voir défiler les 124 lots à disposition. Les participants, particuliers ou professionnels, sont venus en amont pour examiner ce qui est mis en vente. Ils choisissent de surenchérir en levant une feuille où figure le numéro qu'on leur a attribué à l'inscription.
Tout doit disparaître
Nicolas est un habitué. Il ramène "des couteaux, des assiettes, un petit peu, quoi, comme dans toutes les ventes. Ça fait 25 ans, et je fais toujours de bonnes affaires. Il suffit d'être là". Tout doit disparaître : chaises, friteuse, appareil à milk-shake, extincteurs, jardinières, porte-menus, girafes à bière : le bar en forme de U est recouvert de vaisselle et d’ustensiles. La cuisine attend qu’on la vide de son contenu.
Une partie sera envoyée à Lifou, dans le restaurant transmis par son père à Guy. "On est venus chercher du matériel pour la cuisine, la restauration, pour nourrir les touristes et les croisiéristes. Ça permet aussi de rencontrer d'autres entrepreneurs."
"Un projet à reconstruire"
Après les émeutes de l’an dernier, on croise dans ces ventes aux enchères des histoires particulières. Sandra est venue s'équiper d'étagères. "J'ai un projet à reconstruire. J'ai été détruite", livre cette bouchère, comme si elle parlait d'elle. En réalité, c'est son local qui a été vidé et saccagé à Païta, au mois de mai 2024. "On recommence, et il faut tout rééquiper parce qu'on nous a tout volé. Des interrupteurs aux prises électriques, aux bacs de plonge, les frigidaires, tout. Et tout ce qui n'a pas été pillé a été cassé."
Elle envisage de se réinstaller dans sa commune et cherche un fonds de commerce. "C'est le début. Étant donné que les assurances n'indemnisent pas à hauteur de ce que coûte le matériel aujourd'hui, on essaye par tous les moyens de faire comme on peut avec ce que l'on a. C'est déjà bien, déjà de belles économies de réalisées pour repartir."
Des liquidations judiciaires sans matériel à revendre
C'est la deuxième vente aux enchères de l'année pour maître Xavier Lombardo. "Elle s'est très bien déroulée, car on a vendu 90 % [des objets]. Le matériel était de bonne qualité et on avait beaucoup de monde. Je suis ravi de voir que le commerce attire."
Comment s'annonce le programme des ventes judiciaires en 2025 ? "Chargé. Mais moins que ce que l'activité du tribunal de commerce [pourrait le laisser penser]. Beaucoup d'entreprises ont été fermées suite à leur destruction, donc elles n'avaient plus aucun matériel. L'année dernière, on a enregistré une baisse d'activité de 50 %."