Qu'est-ce que le Front international de décolonisation, dont le premier congrès s'est tenu en Nouvelle-Calédonie ?

Les drapeaux indépendantistes de différents pays ou territoires flottent aux tours de Magenta. Quatre mois après les émeutes. Septembre 2024. Nouméa
Initialement esquissé par le controversé groupe d'initiative de Bakou, le Front international de décolonisation organisait son premier congrès constitutif le 23 et le 24 janvier en Nouvelle-Calédonie. Cette nouvelle organisation entend "débarrasser définitivement nos pays et la planète de toute présence coloniale".

"Nous, organisations anticolonialistes réunies les 23 et 24 janvier 2025, en terres kanakes, nous proclamons solennellement la constitution du Front International de Décolonisation dont l’objectif fondamental est d’unir nos forces afin de débarrasser définitivement nos pays et la planète de toute présence coloniale".

Le ton est donné dès les premières lignes de la déclaration finale du congrès du Front international de décolonisation. Diffusée sur les réseaux sociaux par le président du Palima (parti de libération de la Martinique) Francis Carole, elle résume l'état d'esprit des participants réunis jeudi et vendredi, lors du rassemblement constitutif de cette nouvelle organisation.

"Solidarité active"

Les mouvements indépendantistes de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Polynésie ou encore de Corse ont ainsi dépêché sur place des représentants, marquant la première réunion d'envergure du FID. Un évènement coïncidant avec le 44e congrès du FLNKS, auquel ont d'ailleurs été conviés les principaux concernés.

"Le congrès des dernières colonies s'engage à organiser une solidarité active entre nos organisations et nos peuples", peut-on lire dans la publication de Francis Carole, "tant dans les actions diplomatiques que dans le soutien aux luttes menées avec courage dans chacun de nos pays contre le colonialisme français et ses crimes".

La déclaration évoque "l'urgence de la souveraineté de nos peuples" en réponse notamment à ce que le FID considère comme "l'utilisation de nos pays comme bases géostratégiques" dans un contexte d'aggravation des tensions internationales.

La France égratignée

L'organisation souhaite "mettre à profit" les décennies d'élimination du colonialisme pour "accélérer les processus d’émancipation nationale dans nos pays respectifs". 

La déclaration fait par ailleurs mention de la gestion de la crise en Nouvelle-Calédonie par la France. Le front international "exprime sa pleine solidarité avec tous les militants anticolonialistes de nos pays emprisonnés dans les geôles françaises ou harcelés par la prétendue « justice » française pour avoir dit non à l’oppression coloniale".

Il est en parallèle question de "contrecarrer les mensonges officiels dont le seul but est de désinformer pour justifier l’injustifiable et, trop souvent, préparer le terrain d’une répression brutale". Le narratif interroge, dans un contexte de campagne de dénigrement en ligne menée entre 2023 et 2024 par l'ONG azerbaïdjanaise "Groupe d'initiative de Bakou".

Une entité qualifiée d'organe "de propagande" par Viginum. Le service technique et opérationnel chargé de la protection contre les ingérences étrangères avait dévoilé, en décembre dernier, des conclusions accablantes sur l'activité numérique de ce groupe et des acteurs associés, "dont la stratégie consiste à instrumentaliser le débat public dans les Outre-Mer pour servir les objectifs de politique étrangère de l’Azerbaïdjan".

L'ombre de Bakou ? 

Bien qu'absent lors de cette réunion, l'ombre de l'Azerbaïdjan plane sur ce premier congrès. Depuis l'année dernière, Bakou ne mâche pas ses efforts pour favoriser les rencontres entre les représentants de formations indépendantistes français.

En juillet 2023, le "Groupe d’Initiative de Bakou" avait été créé avec pour objectif déclaré de soutenir "les mouvements anti-coloniaux". L'Azerbaïdjan avait alors invité des indépendantistes de Martinique, de Guyane, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française qui un an plus tard, à Bakou, s'étaient accordés avec d'autres formations politiques d'Outre-mer pour créer un "front de libération" ... 

De quoi renforcer les tensions entre la France et l'Azerbaïdjan, qui accuse Paris de soutenir son rival arménien. De son côté, le gouvernement central souligne des attaques répétées de la part de Bakou. Le ministre des Outre-mer Manuel Valls a d'ailleurs pris la parole ce week-end pour affirmer, à propos du Front international de décolonisation, que l'Azerbaïdjan "met en œuvre des opérations d’ingérence et de déstabilisation".

Des accusations niées par Mickaël Forrest, en charge des relations extérieures du FLNKS, invité du journal radio de midi lundi 27 janvier. "L'Azerbaïdjan est absente de ce congrès", a-t-il affirmé, estimant que les messages de soutien en provenance de Bakou devaient être pris de la même manière que ceux venant "du Kenya, du Vanuatu et de Cuba". "Ce n'est pas la première fois qu'on tente cette initiative (d'une front international). On avait déjà essayé en 1985 en Guadeloupe puis au début des années 2000", a souligné Mickaël Forrest.

©nouvellecaledonie