Elle a contacté toutes les compagnies d’assurances présentes en Calédonie. Chaque fois, cette habitante d’Auteuil a eu la même réponse : depuis les émeutes, “nous n’assurons plus d’habitations dans ce quartier”.
L’incompréhension. "Cette maison, c’est 25 ans de travail et d’économies. Après le Covid, j’ai vidé tous mes comptes pour rembourser mes crédits en me disant que si je n’avais plus de boulot, j’aurais au moins un toit”, explique Emma*. Elle voulait avoir “l’esprit tranquille”.
Seulement 50% des Calédoniens ont une assurance habitation, le taux est de 99% dans l’Hexagone.
Rapport de l’Inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement et du développement durable 2020
Pour cette même raison, elle a toujours eu une assurance habitation. Manque de chance, début 2024, son contrat a été résilié après “un dégât des eaux causé par des travaux mal faits”. Quand les désaccords autour de la réforme du corps électoral dégénèrent en exactions, elle n’a pas réussi à retrouver d’assurance et elle n’est pas sur le territoire. “La maison était vide, des logements étaient incendiés pas loin. Le gros stress.” Huit mois après, le quartier semble toujours être jugé trop exposé par certains assureurs.
“Vous êtes en zone noire”, s’est entendu répondre Fabienne*, fin novembre. Contrainte d’aller vivre à Nouméa, cette Mondorienne pensait louer sa maison, mais elle aimerait l'assurer en conséquence.
Il n’y a plus de zones géographiques fléchées comme non assurables
Frédéric Jourdain, président du comité des sociétés d’assurance
Des témoignages comme ceux-là, l’UFC Que-choisir en a encore recueilli ces dernières semaines. Dans certaines parties du Grand Nouméa, “les incendies et dégradations volontaires ne sont plus considérées comme un risque mais comme un fait”, décrypte Ghislaine Cassière, bénévole à l’UFC-Que choisir, retraitée des assurances. Or, “on ne peut pas demander à un assureur d’assurer autre chose qu’un aléa. Ce n’est pas possible”, leurs réassureurs les lâcheraient, précise-t-elle.
“Les dossiers sont étudiés au cas par cas selon certains critères”
"L’assurance est basée sur le côté aléatoire du risque. On était dans un risque quasi certain, il était donc impossible de prendre des nouveaux risques avec des clients qu'on ne connaissait pas", confirme Frédéric Jourdain, président du comité des sociétés d’assurance (Cosoda). Selon lui, “à ce jour, il n’y a plus de zones géographiques fléchées comme non assurables”.
Ce qui ne veut pas dire que tous les habitants ont les mêmes chances d’être acceptés par les compagnies. Des refus, il y en a, Frédéric Jourdain ne le nie pas. Les assureurs ont le droit d'écarter des clients, rappelle-t-il. "Nous avons tous perdu entre 30 et 40 ans de résultats, l'équivalent de 10 ans de chiffre d'affaires" en 2024, de quoi pousser les assureurs à redoubler de prudence.
“Les dossiers sont étudiés au cas par cas”. Deux critères sont notamment scrutés. Ce qu'il appelle “le risque : est-ce que l’habitation répond aux normes de construction exigées par l’assureur ?” Et “la cartographie : est-ce que l'assureur a, dans un même lieu, plusieurs habitations qui pourraient représenter un risque important ?”. La localisation du logement joue donc clairement un rôle. En particulier dans le contexte calédonien.
Des conseils
“Les assureurs travaillent à partir de statistiques”, résume Ghislaine Cassière. “Les choses devraient se décanter.” En attendant, elle recommande à ceux qui ont un contrat habitation de ne surtout pas le résilier. “Il faut être extrêmement prudent. Avant d’acheter ou de déménager, je conseille d'appeler les assureurs pour savoir si le lieu peut être assuré.”
Des conséquences pour les assurances auto
S'il ne l’est pas, assurer sa voiture tous risques sera difficile aussi. “Seule l’assurance responsabilité civile auto est obligatoire. C’est la seule pour laquelle on risque une contravention”, rappelle Ghislaine Cassière. La seule pour laquelle les compagnies sont contraintes d’accepter un client, quels que soient ses antécédents et son adresse.
Autre conseil, de Frédéric Jourdain cette fois : appeler régulièrement les assurances pour vérifier où en sont leurs positions ou passer par un courtier ou encore par le Cosoda.
*Prénoms d'emprunts