Pour cet enregistrement de l’Oreille est hardie, nous le retrouvons, détendu, au Palais de Tokyo, le musée parisien dont la vocation est de mettre en avant les artistes émergents dans tous les arts visuels. Émergent, Jay Ramier ? Pas vraiment. Infecté dans les années 80 par le virus du graffiti et du street art puis par toutes formes d’expressions artistiques alliant la vidéo, le son et les installations d’objets, l’artiste guadeloupéen n’est pas un nouveau venu.
Mais son art et celui d’autres venus du graff’, mis en marge par les institutions pendant de nombreuses années, aurait dû avoir les honneurs du Palais de Tokyo depuis bien longtemps, soupire le commissaire de cette exposition Hugo Vitrani.
Un Jay de lumière noire
Depuis quelques semaines donc, l’oubli (le tort ?) est réparé et Jay Ramier a travaillé en étroite collaboration avec le musée pour donner de l’espace et de la voix à son message artistique et politique. Il nous guide à travers l’une des salles où son travail et celui d’autres artistes invités sont exposés.
Ses toiles grand format dont certaines s’inspirent directement de ses premiers élans d’artiste de rue, côtoient des installations et des assemblages d’objets, plus modestes en taille mais plus intimes sans doute, toutes avec le même regard porté sur les cultures noires à travers le monde.
Beaucoup de références au mouvement hip hop et aux États-Unis qui ont vu naître ce pan de culture, essentiel dans l’affirmation des communautés noires en France et ailleurs.
H.I.P. et graffitis
Lui-même n’a évidemment pas été épargné par cette vague : c’est elle, alimentée en grande partie par la musique qui lui ont permis de forger, année après année, sa propre réflexion et d’aiguiser son regard d’abord sur les obstacles rencontrés puis sur les richesses véhiculées par les modèles de cette culture noire.
Cela passe par des tableaux mettant en scène des rappeurs et leurs attitudes, leurs postures et parfois même leurs impostures, une forme de sur-jeu, d’exagération mais qui rend aussi ce mouvement, distinctif.
Ou par des installations comme ce Funky Heavy décrit par son auteur dans l’Oreille… qui immanquablement, par un "simple" assemblage de peignes et l’emploi de cet ustensile, évoque une traversée des différentes décennies marquées par l’effacement, l’assimilation, la revendication puis l’affirmation de l’identité de la femme et l’homme noirs.
Écoutez "l’Oreille est hardie" avec Jay Ramier
Et puis, dans l’exposition de Jay Ramier, nous explique-t-il directement au Palais de Tokyo et dans l’Oreille est hardie, vous retrouvez aussi toute la puissance de l’intime. L’artiste met en œuvre sa propre vie. Son arrivée, enfant, en "Métropole" dans les années 70 donne lieu à des mises en scène qui ne manquent pas de faire penser à d’autres scènes de familles.
En s’interrogeant sur son propre cheminement et sa propre identité d’homme noir, Jay Ramier touche d’un coup d’un seul à l’essentiel et à l’universel, incite à la réflexion, à la fierté, à l’ancrage d’une culture et des arts portés par les femmes et les hommes noirs à travers le monde et le temps. Son travail fait sens et fait œuvre. Et ça, c’est déjà beaucoup.
Le plasticien Jay Ramier, à écouter dans l’Oreille est hardie, c’est par ICI !
Ou par là :
Jay Ramier : l’exposition "Keep the fire burning (Gadé Difé Limé)" à voir au Palais de Tokyo jusqu’au 13 mars et l'exposition "Érodé" à la galerie Rabouan Moussion jusqu’au 20 mars, à Paris.