FIFO 2025. Le métal polynésien affirme son style unique dans un documentaire inédit

Aroma Salmon, leader du groupe Te Ruki
Né dans le sillage d’une réappropriation culturelle, le métal polynésien fusionne rythmes traditionnels et énergie brute, inventant ses propres codes. "Metal Pacifique – La mélodie de l’enfer au paradis", documentaire inédit projeté au FIFO, nous plonge dans cette épopée.

Uravena, Varua ino, Tikahiri, Te Ruki : ces noms sont ceux des groupes de métal les plus connus à Tahiti. Des précurseurs qui font toujours partie de la scène polynésienne. Une scène qui a ses adeptes et son public, car le métal polynésien, unique en son genre, va chercher au plus profond des êtres. "Le métal n’est pas polynésien mais son énergie et son esprit, oui", résume Aroma Salmon, figure emblématique de ce courant musical en Polynésie.

Aroma Salmon, de Tikahiri

Des débuts décriés

"Avec mon frère, quand nous étions enfants, on pensait être différents et la musique métal reflétait tout simplement ce qu’on était", affirme Aroma, qui a grandi avec sa famille sur un motu isolé à Fakarava. Qui aurait pu prédire l’existence et le succès d’un groupe de métal Pau’motu qu'il a créé avec son frère ? Univers à lui seul, le Tikahiri a largement fait connaître le genre en Polynésie dans les années 2000. Pourtant, les débuts du métal en Polynésie ont été vus d'un mauvais oeil. Dans le documentaire, Aroma se souvient de ses premiers concerts dans les années 90 à Papeete et de l’irruption de la police, des envoyés de maires, des associations de familles catholiques… "Ils étaient là avec un diacre, à genou avec la croix à baragouiner je ne sais pas quoi. À ce moment-là, on rêvait qu’il y ait une caméra et que cela fasse un clip ! Tu avais vraiment la relation entre nous, les créatures et ceux qui prêchaient la bonne parole. (…) Mais malgré notre jeunesse, on avait des arguments qui tenaient la route et montraient qu’on était beaucoup plus ouverts". Chemin faisant, les musiciens comme le public ont fini par pouvoir se rencontrer dans de meilleures conditions. 

Roura Bougues, l'un des premiers musiciens de métal en Polynésie

De la culture à la musique, et réciproquement

 Le début des années 90 correspond en Polynésie à un mouvement de réappropriation des pratiques culturelles, avec notamment le tatouage, la danse. C’est aussi à cette époque qu’une petite scène métal commence à voir le jour.

Quand Tewils, chanteur du groupe Poturu, découvre avec enthousiasme le métal, il vibre. "J’ai compris que les individus vibraient avec des fréquences et que nos chemins allaient forcément se rencontrer".

Une fréquence, un rythme, un cri… "On voulait crier à l’injustice, à la liberté – aux injustices coloniales, aux violences familiales", se souvient Ipeva Tetahio, guitariste de Poturu. "Le métal nous a permis d’exprimer ces ressentis". On le répète, le métal polynésien va chercher loin. Dans les individus mais dans la société aussi. Dans les références, les légendes, l’histoire, la culture, les combats. Quoi de plus normal que de faire sortir cette rage dans sa propre langue ? Le métal polynésien s’exprime en effet et avant tout en tahitien, en pa’umotu. "Ça nous redonne une fierté de chanter dans notre langue", dit Rameha Mana, batteur du groupe Varua ino. "On ne peut pas raconter nos histoires autrement que dans notre langue", affirme Aroma.

Uravena

Un caractère unique

Ce qui fait du métal polynésien un genre à part, c’est qu’il ne reprend pas exactement les codes du métal : il a les siens propres, en y intégrant ses particularités. L’énergie, les textes, la langue, mais aussi les sonorités les plus traditionnelles. La présence des to’ere dans le groupe Varua ino lui donne une énergie tribale, une densité unique. Tamatoa Davio, percussionniste traditionnel dans Hei Tahiti, est aussi le batteur du groupe de métal Te Ruki. "Entre notre musique traditionnelle et le métal, il y a des similitudes, on retrouve le même tempo ultra rapide". Des phrasés qui se complètent parfaitement et donnent cette identité unique au métal polynésien.

Loin d’être en "opposition" avec la culture polynésienne, le métal polynésien en est probablement l’expression moderne la plus orginale. Alors oui, "au paradis, on écoute la mélodie de l’enfer " s’amuse Stéphanie, fan de musique métal – univers qui lui a sauvé la vie. "Cette musique nous a libérés", dira même une autre fan, venue assisiter à la projection du documentaire, ce mercredi 5 février au FIFO.

L’avenir du métal polynésien

Bouger, grandir, s’exporter, faire découvrir ce genre unique au monde au reste du monde justement : les groupes locaux ne demandent que ça. Ce documentaire a cette ambition aussi : "nous l’avons autoproduit, sur fonds propres car nous voulions offrir une vitrine à ces groupes. Ils ont tout sauf une grande visibilité. Grâce au FIFO, on espère vendre le film et le diffuser aussi loin que possible pour les faire connaître", expliquent les deux réalisateurs, Tevai Maiau et Marion Bois.

Tevai Maiau et Marion Bois, réalisateurs de "Metal Pacifique – La mélodie de l’enfer au paradis"

Un petit groupe d’élèves du lycée Gauguin, spécialité musique, est présent à cette projection. L’un prend la parole : "Je n’écoute pas de métal mais de voir votre documentaire m’a permis de comprendre l’univers vraiment original de cette musique en Polynésie, son hybridation avec notre culture. Ça m’a même donné envie d’en écouter ! Vous avez cassé des barrières, jeté des ponts". Visiblement touché par cette remarque, Tevai conclut humblement : "tout le mérite revient aux musiciens".

La mélodie de l’enfer au paradis

Metal Pacifique – La mélodie de l’enfer au paradis

FILMS HORS-COMPETITION (édition 2025)

Immersion dans la musique Metal Polynésienne. Depuis les années 90, le style a fait son chemin pour devenir populaire, bien que marginal à ses débuts. Un Metal imprégné des rites, des rythmes et des traditions locales et qui, aujourd’hui, ne ressemble à aucun autre…

  • Réalisation : Tevai MAIAU et Marion BOIS
  • Production : Bigouane Prods, Focus Pocus

Voir le programme des diffusions du FIFO : ici.