Azerbaïdjan : Eric Spitz fait lui aussi la distinction entre le combat indépendantiste et "la gestion du pays"

Eric Spitz, haut-commissaire de la République en Polynésie, invité sur notre plateau le 02 février 2025.
Eric Spitz était l'invité du journal dimanche 02 février 2025. Le haut-commissaire de la République partage le même point de vue que Moetai Brotherson, préférant faire la distinction entre le combat indépendantiste et la gestion des affaires du pays. Il a également réagi sur sa décoration à Paris et les problématiques des accidents de la route et de l'ice en Polynésie.

Maruki Dury : D'abord, une réaction sur la décoration reçue des mains du Président de la République. À quel accomplissement de votre carrière avez-vous pensé ?

Eric Spitz : Ça a été un moment important pour moi. En plus de ma famille et mes amis, j'ai tenu absolument à y associer la Polynésie. J'ai invité le président de la Polynésie, le président de l'Assemblée, l'ancien président Edouard Fritch, et l'ensemble des parlementaires. Tous ceux qui étaient à Paris ont répondu présent.

Maruki Dury : La cascade de réactions suite au rapprochement du Tavini Huiraatira avec le groupe Initiative de Bakou, la réaction du ministre des outre-mer, la réponse de Moetai Brotherson, puis Oscar Temaru qui persiste et signe. Qu’est-ce que vous dites aux indépendantistes qui s’entêtent, si l’on peut dire, à collaborer avec l’Azerbaïdjan ?

Eric Spitz : Je dis qu'il y a deux choses : la gestion du pays et la revendication légitime par un parti que je respecte, le Tavini, d'avoir un référendum d'autodétermination. Les deux choses sont différentes. Moi je travaille avec le président du pays sur les affaires du pays dont j'ai beaucoup entendu parler pendant la dernière campagne électorale sur les sénatoriales. Je pense au logement, à la vie chère, l'emploi, à la santé. Et nous travaillons avec le président du pays à construire deux autres piliers de l'Ecomie polynésienne à côté du tourisme : le numérique et l'économie bleue, la mer.

Maruki Dury : On peut travailler sereinement malgré ces combats idéologiques en parallèle ?

Eric Spitz : Oui. Je crois que le président Brotherson l'a souligné. Ses relations avec l'Etat depuis son nouveau  mandat sont d'excellentes qualités et cela n'interfère pas du tout sur les différents sujets que l'on traite. Encore une fois, il y a l'administration du pays et il y a la revendication d'un parti politique qui est sans doute légitime de son point de vue et que je ne commente pas; 

Maruki Dury : Faire cesser la violation du droit du peuple polynésien à l'autodétermination au sens de la Charte des Nations unies. La délibération Geros permettrait au président de l'Assemblée de déposer un recours devant l’Etat. Est-ce pour vous c'est le rôle des représentants de voter ce genre de délibération ?

Eric Spitz : Vous n'avez pas noté le point le plus important de cette délibération : elle transfère de fait le pouvoir dans le domaine des relations internationales du président du pays au président de l'assemblée de Polynésie française. Cela viole la loi organique. Et les gens ont besoin d'un repère, de gens qui disent le droit. Et c'est la raison pour laquelle j'ai saisi le tribunal administratif. Le Conseil d'Etat donnera son avis. Je me suis entretenu lors de l'audience solennelle de la cour d'appel avec Tony Geros qui était mon voisin. Il est d'ailleurs tout à fait satisfait que le Conseil d'Etat dise le droit. C'est simplement un appel au juge administratif pour qu'il nous éclaire.

Maruki Dury : Parlons de l’ice désormais. On n’arrive toujours pas à lutter efficacement contre le trafic. Et les peines pour les trafiquants d’ice ne sont pas assez sévères, c’est Moetai Brotherson qui le dit. Est-ce que vous rejoignez son point de vue ?

Eric Spitz : Je respecte la séparation des pouvoirs vous savez, je ne commente pas ce que font les juges. Ce que je peux simplement vous dire en ce qui concerne l'ice c'est que nous avons une coopération internationale dans le domaine de la lutte contre les drogues dures : l'ice et la cocaïne. Nous avons fait une réunion de tous les coastguards du Pacifique en décembre dernier. Et cette réunion a payé puisque nous avons intercepté grâce aux renseignements donnés par les Australiens un navire avec 560 kilogrammes de cocaïne. L'avenir c'est la coopération internationale. Nous sommes plus un lieu de transit qu'un lieu de destination. Notre marché est trop petit et n'intéresse pas forcément les gros trafiquants de drogue. Mais j'ai demandé à mes services de faire de la saisie des avoirs criminels une priorité en 2025. Nous avons déjà saisi en 2024 1,3 milliards d'avoirs criminels (des voitures, des maisons) dont une partie va être vendue aux enchères dans les semaines qui viennent et nous allons vraiment mettre la priorité là-dessus parce que c'est ce qui fait le plus de mal aux trafiquants.

Maruki Dury : Au niveau social, une fédération citoyenne s'est créée, on a l'impression que le Pays botte en touche quand il s'agit d'aider les familles touchées par la consommation d’ice. À quand un vrai partenariat entre l’Etat et le Pays pour aider les familles ? 

Eric Spitz : Ce qui nous reste essentiellement c'est la répression. L'ice ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt du pakalolo. Nous avons arraché 23 000 pieds de paka l'année dernière. C'est-à-dire un tiers du nombre de pieds arrachés au niveau national. Donc la consommation de drogues, même douces, vous avez raison, est un problème. Elle influence sur les résultats scolaires, sur la sécurité routière, elle influence dans le cadre des relations intrafamiliales donc il faut effectivement une politique globale pour lutter contre ces fléaux. 

Maruki Dury : Sur la sécurité routière : 39 morts l’an dernier. Est-ce qu’il faut s’inquiéter des comportements sur les routes polynésiennes ?

Eric Spitz : Malheureusement, sur les 39 morts, il y a 80% de deux-roues et de piétons souvent alcoolisés, ou ayant fumé du cannabis, ou des personnes qui perdent tout seuls le contrôle de leur véhicule et se tuent. La priorité pour l'année 2025 sera les deux-roues. Il y a un certain nombre de mesures relevant de la loi de Pays qui pourraient être prises de manière à renforcer la sécurité de nos concitoyens qui roulent en deux-roues. En tout cas, au mois de janvier pour l'instant nous n'avons aucun mort. J'espère que ce commentaire ne portera pas malchance pour les semaines qui viennent.