Corinne Tehetia : Cela fait 13 ans que l'UFFO-Polynésie a été créé, quel bilan faites-vous aujourd'hui ?
Armelle Merceron : Sans nous vanter, je dirais que l'on a trouvé notre place. On est parti de rien, d'une initiative de l'Organisation internationale de la Polynésie et de la communauté du Pacifique sud.
CT : Est-ce que vos actions de sensibilisation pour l'égalité des sexes portent leur fruit aujourd'hui ?
AM : C'est difficile à mesurer mais nous essayons d'agir autant auprès des pouvoirs publics que du grand public. Pour les Poerava, c'est la 7ème année, ça veut dire que l'on a déjà fait 56 portraits de femmes polynésiennes qui peuvent encourager les autres à se lever. Nous avons aussi la journée "Vahine tu as des talents" et on fait des ateliers. On essaye de faire vivre, à notre échelle, la question du droit des femmes.
CT : Est-ce qu'en Polynésie française, on s'en sort bien par rapport à nos voisins du Pacifique ?
AM : En théorie, oui. Puisque l'on fait partie de la République française, on a des droits égaux avec les hommes. Mais est-ce que l'on arrive à faire vivre ces droits pour toutes les femmes dans la réalité ? Certaines femmes ont besoin d'être aidées.
En Polynésie, on a la chance d'avoir une organisation sociale ancestrale qui donne à la femme une place plus importante que chez certains voisins comme en Mélanésie notamment où les femmes ont un statut soumis.
CT : Est-ce que l'on retrouve des similitudes avec nos voisins du Pacifique ?
AM : Je dirais que ce qui nous unit, c'est que le 8 mars, c'est la journée internationale du droit des femmes. Ca fait 48 ans que cela existe. Dans tout le Pacifique, on se préoccupe de cette question. On est en contact avec nos soeurs de Nouvelle-Calédonie, du Vanuatu, de Wallis-et-Futuna. On voit bien que l'on a une certaine chance d'avoir une société qui permet l'émancipation. Mais on trouve de la violence partout. Les femmes se créent un plafond de verre. Elles n'osent pas car on les a habitué à être dans cette situation et on leur donne très souvent la responsabilité de la maison, elles ne peuvent pas tout faire.
CT : Dans quel domaine a-t-on encore du mal à trouver cette égalité entre les hommes et les femmes ?
AM : C'est difficile à dire car il n'y a pas d'observation statistique systématique sur la place des hommes et des femmes dans tel ou tel domaine. En théorie, on a la même éducation, le même accès à la santé, les mêmes droits du travail mais dans la réalité, c'est une autre affaire. C'est un appel que je fais aux pouvoirs publics et aux entreprises. Faites des statistiques où on fait la différence.
CT : Il y a aussi le cas des femmes sous emprise qui ont perdu leur estime de soi, que faire pour leur redonner confiance ?
AM : Nous, on croit beaucoup à l'importance de l'éducation dans la famille des filles et des garçons. Si dès le plus jeune âge, on fait faire aux garçons comme aux filles les mêmes tâches (faire à manger, nettoyer la maison, garder les enfants), les garçons et les filles vont vivre leur enfance en voyant que tout le monde est soumis aux mêmes règles, qu'il n'y a pas de hiérarchie et qu'il n'y a pas ce que les filles font d'un côté et ce que les garçons font de l'autre. Les parents doivent créer le respect. Si on a été habitué au respect dans l'enfance, on fait la même chose lorsque l'on est adulte.
CT : Il y a aussi des femmes incarcérées, l'UFFO n'oublie pas ses femmes ?
AM : Effectivement, il nous est arrivé de leur faire des dons. C'est une main tendu pour leur sortie.
CT : Cet après-midi, les 8 Poerava seront médaillées, sur quel critère sont-elles choisies ?
AM : Il faut être inspirante, que les autres femmes se disent "Ah tiens, elle est partie de là. Finalement, son milieu d'origine n'avait rien d'extraordinaire mais elle a fait tout ce parcours, elle a avancé." Il faut aussi que ce soit dans des domaines diverses.
CT : "Vahine tu as du talent", c'est un autre événement que l'UFFO organise. Rappelez nous en quoi cela consiste.
AM : Tout est parti de l'idée d'un atelier de l'UFFO-Calédonie. La pemière chose pour que les femmes deviennent autonomes, c'est qu'elles ne soient pas prisonières d'un problème d'argent. C'est pour faire comprendre aux femmes qu'elles ont un savoir-faire, du talent. C'est une journée pour qu'elles osent se lancer.
CT : La journée internationale du droit des femmes, c'est ce samedi 8 mars, est-ce que c'est un combat sans fin ou un jour, la femme aura sa place ?
AM : On en voit pas la fin, ça c'est sûr. Même si on a une situatiion plus enviable que dans certains pays, il ne faut pas se contenter de ça. Le jour où on trouvera normal qu'une femme conduise un engin de manutention sur le port, qu'un garçon puisse être sage-femme sans difficulté, là on aura gagné. Quand il n'y aura plus de femmes qui ont du mal à s'épanouir, on aura gagné.
CT : Un dernier message Armelle.
AM : Je dis à toutes les femmes. Venez avec vos copines, vos filles. Venez ce vendredi 7 mars et ce samedi 8 mars au Parc Paofai. Vous pourrez vous initier au va'a, vous faire masser, recevoir des conseils d'organisation. Tout est gratuit, tout est pour vous.