Le Contrat de Ville, un dispositif du syndicat mixte qui permet la mise en place de projets, dans les 76 quartiers prioritaires des neuf communes inscrites. Comment est-il financé ? Que permet-il aux habitants des quartiers ? Manavaarii Ravetupu nous en dit plus, elle répond aux questions de Corinne Tehetia.
Interview
Corinne Tehetia, journaliste : Un petit cours d'histoire pour commencer., comment le contrat de ville a vu le jour ? Sur quelles bases a-t-il été créé ?
Manavaarii Ravetupu, directrice du syndicat mixte : Le contrat de ville existait déjà depuis les années 90, où la question du logement et de l’insalubrité se faisait de plus en plus ressentir. Il y a donc eu une première génération de contrat de ville de 1994 à 1999. Où c’étaient des actions de prévention et de lutte contre l’insalubrité.
Le deuxième contrat qui a suivi, de 2002 à 2003, se concentrait sur tout ce qui était accompagnement social. Accompagner ces habitants des lotissements et des logements sociaux, à un mieux-être, un mieux vivre ensemble, au niveau de l’environnement en particulier. C’étaient toujours des actions de prévention, en faveur aussi de la jeunesse. On commence à dépasser le champ du logement, de l’habitat, et on va un peu sur la cohésion sociale, sur la prévention et la lutte contre le décrochage scolaire et la délinquance aussi.
En 2005, le syndicat mixte a été créé. C’est un syndicat qui a un portage agglomération. On a un champ d’intervention qui est assez large, sur toute la zone urbaine. De Mahina jusqu’à Papara et Moorea aussi, qui est arrivée en 2007.
De 2007 à 2014, le contrat de ville a eu une autre appellation qui était « contrat urbain de cohésion sociale ». C’est vrai que ce terme-là est resté dans les habitudes et dans le langage des communes. Ceux qui connaissent le contrat de ville, quand leur dit CUCS, ils répondent oui, je connais.
Il a évolué. De contrat de ville, il est passé CUCS et il est redevenu contrat de ville, en 2015.
Aujourd'hui, neuf communes de l'agglomération de Papeete, avec Moorea-Maiao, font partie du contrat de ville. L’État, le Pays et les communes participent ensemble pour le financement de ce dispositif. Comment sont répartis les budgets, qui paient quoi ?
Une grande partie de nos financements provient de l’Etat. On est à plus de 90% des crédits qui proviennent de l’État. Il y a une répartition des crédits en fonctionnement pur projets. Ce sont les subventions qu’on octroie aux associations et aux communes.
Après, on a une partie crédits liés à notre fonctionnement interne de syndicat. Les frais de structures, nos salaires et tout et tout. Le Pays contribue à cette partie et avec les contributions syndicales, donc des neuf communes qui sont adhérentes au contrat de ville, au syndicat mixte. Elles aussi contribuent au financement de nos frais de fonctionnement.
Est-ce qu'il y a des critères spécifiques pour obtenir l'aide du contrat de ville ? Ce travail d'identification est réalisé par qui ? Par les agents de la commune ou bien vous vous déplacez dans les neuf communes ? Comment ça se passe ?
On va dire qu'on est un fédérateur. On appuie et on soutient des communes. Dans chacune des neuf communes, on a un chef de projets, qui est en charge de toutes les actions contrat de ville. On l’appelle le CPC, c’est le chef de projets communal contrat de ville. C'est le référent du contrat de ville au sein de chaque commune, qui vient défendre les projets de sa commune.
Que ce soit des projets associatifs ou des projets portés par sa commune, le chef de projet communal vient au syndicat mixte. On échange, on a des commissions, on se rencontre pour discuter des projets, de la pertinence, de l’impact et aussi des priorités.
Le lien, c’est vraiment ça. On a des agents de proximité et c’est le travail des communes en fait.
Vous êtes en train de finaliser le nouveau contrat de ville, qui va courir jusqu'à 2030. Avant le début de ce nouveau contrat, des agents sillonnent les quartiers, on l'a entendu dans ce journal, pour essayer de recueillir les doléances. En règle générale, quelles sont les principales attentes des habitants ?
On reste souvent sur les mêmes remarques et observations. Par exemple, on aimerait avoir plus d’aides pour trouver un emploi. Donc le travail, le logement aussi. Avoir de meilleures conditions de vie au sein de leur habitat.
Pouvoir sortir de leur quartier, c’est souvent des observations qu’on recueille. Et c’est vrai que là, justement, on est dans une transition. On finit notre contrat de ville 2015-2020, il a eu des avenants sur plusieurs années et officiellement il se finit cette année.
On est en train de réécrire le futur contrat de ville, sur une période de 2025 à 2030. Dans Les travaux qu’on est en train de mener sur la réécriture, on a lancé une consultation citoyenne. Pour recueillir l'avis des gens, des habitants. Parce que c’est pour eux qu’on fait nos actions. C’est pour eux qu’on œuvre. C’était important, et surtout primordial d’avoir leurs avis, recueillir leurs besoins, comment est ce qu’ils voient leur quartier dans cinq ans, dans dix ans.
C’est important d’avoir l'avis de la population et notamment de celle qu’on aide, les habitants des quartiers prioritaires.
Il sera prêt pour quand exactement ce nouveau contrat de ville ?
L'objectif c’est d’être prêt pour juillet, avec une signature officielle en juillet 2025, donc cette année.
L'appel à projets pour 2025 a déjà été lancé donc ? Comment ça se passe ? Quelle est la date limite pour déposer son dossier ?
L'appel a projet a déjà été lance en 2024, en fin d’année dernière. Les porteurs de projets, aussi bien associatifs que communaux, ont un délai de deux mois et demi à peu près, pour constituer leur projet, monter leur projet.
La date limite de dépôt des dossiers au syndicat mixte est calée au vendredi 14 mars. Dans un mois, donc il ne reste plus beaucoup de temps.
76 quartiers ont été retenus au départ. Aujourd'hui, il me semble que ce chiffre a bien évolué, on est à combien de quartiers ?
On est a 88 quartiers.
Ça représente combien d'habitants ?
73.024 habitants. Alors que précédemment, le contrat de ville 2015 était sur un chiffre d’environ 60.000 habitants. Donc on a bien augmenté quand même.
C’est vrai qu’au niveau de la détermination des quartiers prioritaires, comment est ce qu’on qualifie ? Comment est qu’on sait qu’on fait partie d’un quartier prioritaire ?
Et d’un, on se rapproche de sa commune. Parce qu'au niveau de la commune, il y a une cartographie par quartiers. La commune a, en sa possession, la cartographie de son territoire où on voit tel et tel quartier.
Pour déterminer un quartier prioritaire, il y a eu un calcul qui s’est fait, avec des indicateurs et des données socio démographiques. On va dire que c’est la concentration de plusieurs indicateurs. Par exemple, où le taux de chômage est à plus de 50%, enfin j’extrapole un peu. C’est pour dire qu’on est sur un taux de chômage élevé, un taux d’inactivité, une part de non diplômés des 15 ans et plus. La part des familles monoparentales. La salubrité des logements.
Pour ce nouveau contrat de ville, cet indicateur de la salubrité des logements a été enlevé, parce que manque de données complètes, assez fiables.
Donc on est plus sur six variables, pour déterminer que ce quartier concentre toutes les problématiques et c’est une population qui est le plus en difficulté.
Le contrat de ville aide les associations. Il faut se réunir en association pour prétendre à une demande d’aide ?
Oui, on aide les associations. Les particuliers, non.
Si tu es particulier et que tu as un projet pour aider ton quartier ou les habitants d’un quartier prioritaire, je précise. C’est pas sur toute la commune, il y a vraiment des zones qui sont spécifiquement cartographiées quartier prioritaire.
Donc on aide les associations et on aide aussi les communes. Parce que les communes ont aussi beaucoup de projets. Nos subventions, les crédits de l’État vont essentiellement pour des porteurs de projets associatifs et communaux.
En 2024, vous avez soutenu plusieurs projets justement, un bilan ?
Un bilan qui se rapproche un peu de celui de l’année dernière. On a beaucoup plus de projets qui nous sont présentés et qui sont sur le pilier de la cohésion sociale.
Parce qu’il faut savoir que le précédent contrat était décliné selon trois piliers. Le pilier emploi, insertion économique, insertion professionnelle, développement économique et entrepreneuriat. Le deuxième pilier, qui est le cadre de vie et rénovation urbaine. Et le troisième pilier qui est sur la cohésion sociale.
Et on le voit, depuis ces dernières années, que c’est beaucoup le pilier cohésion sociale qui concentre le plus de financement. Parce que, ce qu’on constate, c’est que nos porteurs de projets ont l’habitude de mettre en place des actions, qui sont assez simples à mettre en place. Un noël de quartier, une sortie cohésion, une sortie récréative. Ce sont des actions qui sont assez faciles et accessibles pour les associations pour les monter.
Les projets qu’on aimerait un peu plus qui ressortent, portent sur l'accompagnement à l’emploi, sur l’amélioration du cadre de vie. Ce sont des projets qui sont un peu plus difficiles à mettre en œuvre et il faut être outillé.
C’est pour ça qu’on voit quand même que, chaque année, c’est souvent les mêmes projets qu’on retrouve.
L'année dernière, vous avez notamment accompagné, enfin réaliser des projets dans le cadre des jeux olympiques.
C’est une année très importante pour nous. Les JO 2024 ont aussi été dans les quartiers ou plutôt les quartiers sont allés sur la vague de Teahupoo.
Grâce au partenariat qu'on a avec l'État et notamment Paris 2024, on avait, il me semble, si je ne dis pas de bêtise, une quinzaine de jeunes des quartiers, qui pouvaient aller tous les jours sur la fanzone de Teahupoo.
Ça montre que même au niveau de nos quartiers, ils s’ouvrent un peu. Certains n'étaient jamais allés à Teahupoo, n'avaient jamais été en bateau ou ne sont jamais sortis de leur quartier.
On est là pour accompagner nos jeunes, nos familles, nos personnes âgées. L’objectif du contrat de ville c’est de réduire les inégalités. De faire en sorte que ces quartiers sortent en fait.
L’objectif, ce n’est pas, après chaque contrat de ville, d’avoir plus de quartiers prioritaires, non. L’objectif, c’est de réduire justement, pour qu’on se dise et bien les crédits, les financements, nos actions, notre accompagnement, ils ont servi en fait.
Est-ce que d’autres communes envisagent ou aimeraient rejoindre ce dispositif du contrat de ville ?
Oui. C’est vrai que beaucoup viennent frapper à notre porte, en nous disant : nous aussi on veut adhérer au contrat de ville, comment on fait ? Et en fait, on dit attention, ce n’est pas tout le monde qui peut adhérer.
Il faut déjà avoir une densité de population, une concentration qui est bien observée sur un territoire. Tant que tu, on va dire, tu ne peux pas cumuler tous ces critères-là, il faut quand même être conscient qu’on ne peut pas. On a eu aussi des Tuamotus, des archipels, des îles sous le vent, qui nous ont demandé de rentrer dans le contrat de ville. Et bien non, on ne peut pas, il y a des critères.
Et ils font comment pour avoir ces critères ?
Il y a un calcul qui se fait. On a travaillé avec l’État, l'ISPF [institut de la statistique, NDLR], avec le recensement de la population.
On a aussi beaucoup travaillé avec la NCT. La NCT nous a calculés, en fonction des indicateurs, des variables, quels sont les quartiers qui ressortent comme étant prioritaires, qui concentrent tous ces points sensibles. Des difficultés sociales, démographiques et urbaines.
Il faut se dire que la densité de population, la concentration de ces problématiques dans des zones, font qu’on peut prétendre à être catégorisé, à être défini comme un quartier prioritaire.
Le nouveau contrat de ville est en cours de rédaction, fin de rédaction au mois de juillet. L’appel a projet pour 2025 est lancé, date limite du dépôt des dossiers le 14 mars prochain.