"Pour éviter d'arriver à un stade bien avancé, venez vous faire dépister ! Si on détecte vite une anomalie, on peut en guérir." C'est le message de Marie-Christine Seroux, présidente de l'association Amazones Pacific, qui accompagne les femmes dans leur parcours de soins.
Elle rappelle l'importance du dépistage pour se prévenir du cancer. Il existe des gestes simples comme l'auto palpation, à pratiquer qu'on soit un homme ou une femme, car le cancer du sein touche 1% des hommes. Le tabac, une mauvaise alimentation et le manque d'activité physique sont les principaux facteurs de risque du cancer, sans oublier la génétique familiale.
Elle était l'invitée café de notre matinale et répondait aux questions de Corinne Tehetia.
Interview
Corinne Tehetia : Quels sont les cancers les plus fréquents en Polynésie ?
Marie-Christine Seroux : Pour les femmes, c'est le cancer du sein et les hommes, la prostate.
On parle beaucoup du cancer du sein chez les femmes, mais les hommes peuvent également le contracter, c'est bien ça ?
Tout à fait. 1% de la population chez les hommes peuvent avoir un cancer un sein. Il y a quelques hommes qui l'ont ici en Polynésie.
Vous en avez rencontré au sein de votre association ?
Oui, on en a déjà rencontré. La difficulté pour les hommes, c'est parce que généralement, ce sont des hommes assez âgés. Et le dépistage est compliqué, parce que les médecins ne pensent pas forcément que ça peut être un cancer du sein.
Qu'est-ce que vous diriez aux hommes ? Qu'ils pratiquent l'autopalpation ?
Oui. Ce qui est très important, c'est d'être attentif aux signes de son corps, comme une grosseur anormale. Mieux vaut prévenir que guérir, donc faites attention à vous. Et si vous sentez quelque chose, allez voir un professionnel de santé, qui lui, va vous dire si c'est bénin ou malin.
Généralement, quand on fait l'auto palpation, dans 90% des cas c'est bénin. C'est pour cette raison qu'il est important de faire attention à soi, à son corps.
En règle générale, quels sont les principaux facteurs qui mènent au cancer ?
On a effectivement des facteurs sur lesquels on peut agir. La lutte contre le tabac, une alimentation équilibrée et l'activité physique sont vraiment à promouvoir. Le stress est également un facteur de risque.
Après, le cancer, c'est une maladie qui survient sans qu'on ait forcément fait quelque chose. Ça peut être génétique dans certains cas. C'est l'historique familial qui va permettre de se sensibiliser. Si, dans ma famille, j'ai eu des cas.
La prévention, c'est l'action la plus importante pour les associations. Votre association, ce n'est pas que prévenir. Vous accompagnez également les femmes membres de votre association dans leur cheminement, c'est bien cela ?
Tout à fait. L'association Amazones Pacific a comme objectif d'accompagner les femmes pendant le parcours de soins et après. Un axe que l'on développe, c'est la sensibilisation et la prévention, avec les stands et toutes nos interventions.
Être accompagnée pendant le parcours de soins, c'est important parce que c'est l'inconnu. On entend beaucoup de choses qui font peur. Et par nos actions, on essaie de montrer aux femmes : "regardez, on est toujours là. On nous soigne. Venez nous voir." C'est bien souvent l'inconnu qui fait qu'on a peur d'aller, on se dit "non, c'est de la chimio, ça va être difficile. Je vais perdre mes cheveux."
Mais aujourd'hui, mes cheveux repoussent et on est toujours là. Donc au sein de l'association, ça permet aux femmes de se rencontrer, de créer du lien. De se projeter dans sa copine en face, de se dire : "mais attend, si elle a réussi, pourquoi pas moi ? Je peux y arriver."
Il n'y a pas si longtemps, l'association a inauguré son antenne du côté de la presqu'île. Est-ce qu'il y a des zones de Tahiti où l'on rencontre beaucoup de personnes atteintes de cancer ?
Il n'y a pas forcément de zone détectée. L'objectif d'ouvrir à la presqu'île, c'était pour les femmes qui ne sont pas sur Papeete. Pour leur éviter le trajet.
Et puis sur la presqu'île il y a un hôpital, il y a une prise en charge des femmes qui sont sur place et dans les alentours, qui peuvent avoir besoin de soutien.
Un souci majeur en Polynésie française, le manque cruel d'oncologue... et un turn-over incessant de médecin. Une situation qui plombe le moral des malades. Comment faites-vous pour les rassurer ?
Aujourd'hui, on a quand même beaucoup de chance en Polynésie. En ce moment, on a trois oncologues qui sont arrivés. L'objectif, c'est de leur offrir des conditions pour qu'ils puissent rester, avec les mêmes conditions qu'en métropole. Il faut savoir qu'en métropole, on a également des déserts médicaux. C'est une situation qui est tendue partout, au niveau national.
Au niveau des oncologues, ce qui est compliqué pour les patientes, c'est que ça va être à chaque fois un nouvel oncologue. Et qu'il va falloir réexpliquer son parcours de soins. Et puis, c'est une relation de confiance qui se crée. Donc là, il y a trois oncologues qui sont arrivés.
Vous savez combien de temps ils vont rester ?
Il y en a deux, je crois, qui vont rester six mois. Et l'objectif c'est de leur offrir un environnement, pour qu’eux se disent : je vais continuer à progresser. Parce qu'avec l'institut du cancer, ce qui est en train d'être développé et mis en place, c'est la recherche clinique. À l'avenir, on aura un TEPSCAN à disposition des oncologues. Ce sont des outils importants pour eux.
En fin d'année, le laboratoire d'anapath [anapathologie, NDLR] va ouvrir du côté de Pirae. C'est aussi une avancée pour les Polynésiens, parce que les analyses pourront être faites plus rapidement, au lieu que les prélèvements partent en métropole. Donc il y a des avancées.
Est-ce qu'on a assez de personnels soignants pour remplacer ces oncologues ?
Non.
Comment ça se passe quand les oncologues ne sont pas là ? Ce sont les médecins traitants par exemple qui prennent en charge les malades ?
Non. Ce sont des médecins généralistes du Taaone qui ont une spécialité en oncologie qui prennent le relais.
On parle beaucoup du TEPSCAN, une machine très attendue par nos malades. Avez-vous des nouvelles de cette machine ?
Normalement, il devrait être installé au niveau de l'ancienne rotonde, près de l'hôpital.
Est-ce que ça vous rassure qu'il va être placé à cet endroit, qui n'est pas fini d'être rénové ?
Les travaux sont en cours. On a assisté déjà à des premières réunions, où on était sur la disposition des locaux. On a participé à ces informations. Le TEPSCAN ne sera pas dans la rotonde même, il sera un petit peu après.
La problématique, ça va être le délai de mise en œuvre. Mais ce qui est important pour nous, c'est d'avoir cet appareil qui soit sur place en Polynésie, pour éviter les EvaSan en Nouvelle-Zélande ou en métropole.
Comment se passe le séjour de nos malades, lorsqu'ils sont évasanés en métropole ou en Nouvelle-Zélande ?
Aujourd'hui, c'est l'institut du cancer qui a mis en place "Cap EvaSan". C'est une cellule qui prend en charge tous les patients qui doivent être évasanés. Bien sûr, les patients partent seuls et c'est compliqué de ne pas être accompagnés.
Mais tous les patients sont pris en charge par Europ Assistance. De l'hôpital en partance de Tahiti, Europ Assistance les prend en charge, en arrivant à Paris également.
Un patient m'a raconté qu'il était dans le taxi en arrivant à Paris, et c'est la CPS qui avait contacté le chauffeur de taxi pour lui demander s'il avait bien récupéré le patient. Les patients sont relativement bien pris en charge.
Sur la métropole, il y a l'association "A tauturu ia na", qui accompagne les patients Polynésiens. Après, cela n'empêche pas le fait d'être seul dans une ville différente, le froid avec, c'est vraiment perturbant. Mais aujourd’hui, cette cellule Cap EvaSan gomme un petit peu la partie administrative, qui peut être stressante.
Dans les archipels, existe-t-il des structures capables de dépister les différents types de cancer ou bien faut-il systématiquement venir sur Tahiti ? On le voit sur Hiva Oa, avec l'inauguration ce mardi 4 février dans l'après-midi de leur mammographe. Une bonne nouvelle pour les femmes de l'archipel ?
Je ne voudrais pas dire de bêtise, mais il me semble qu'à Raiatea ils ont un mammographe. Et aux Marquises, il y en a déjà un.
C'est vraiment important d'avoir des mammographes ailleurs que sur Tahiti. Parce que le déplacement pour aller jusqu'au mammographe, n'est pas pris en charge. Donc plus il y aura d'appareils implantés, mieux ce sera pour les patients.
C'est mieux d'avoir un mammographe fixe plutôt que mobile. Car s'il était mobile, l'appareil devrait être recalibré à chaque fois.
Pensez-vous qu'on en fait assez pour les malades du cancer en Polynésie aujourd'hui ?
Je pense qu'il y a quand même encore des choses à faire.
Comme quoi par exemple ?
La sensibilisation. On intervient énormément dans des entreprises, dans des écoles. Et on constate la méconnaissance des femmes et des hommes.
Parce que quand on fait des interventions, il y a des hommes également. La méconnaissance des signes, des consignes de dépistage, et des risques. L'alimentation, le tabac, ce sont des risques où on peut déjà commencer à réduire pour éviter la maladie.
Est-ce que vous pensez qu'aujourd'hui, en Polynésie française, le cancer touche de plus en plus de jeunes ?
Le cancer en général. J'avais une discussion hier avec Alexandra, la directrice de la fédération Amazones, et on n’a pas de chiffres. Les chiffres se sont focalisés sur les femmes à partir de 50 ans, on a des études.
Aujourd’hui, on constate dans les Outre-mer, en Polynésie et dans les Antilles également, qu'il y a de plus en plus de femmes jeunes qui sont touchées par des cancers. Il n'y a pas encore d'études relativement sérieuses pour pouvoir déterminer des tendances ou des chiffres. Mais nous, au sein de l'association, on a remarqué que les femmes qui viennent nous voir, si on devait donner une moyenne, et bien elles ont en moyenne une quarantaine d'années.
Aujourd'hui, l'association Amazones Pacific compte combien de femmes ?
On a terminé l'année, on était 190 adhérents, dont 140 Amazones.
18/ Que diriez-vous au président du Pays et au ministre de la santé s'ils vous écoutent ce matin ?
S'ils nous écoutent ce matin, je lui dirai que la santé des Polynésiens, c'est primordial, parce que c'est l'avenir de demain. La sensibilisation, faire comprendre et aider les personnes à avoir accès aux informations, c'est le plus important.
Et développer les structures de soins, parce qu'aujourd'hui on a des locaux qui sont à l'hôpital, c'est une grande et belle machine, mais il faut l'entretenir. C'est compliqué aussi pour les soignants, de travailler dans ces locaux.