"Je me suis cachée longtemps" : confidences de transgenres océaniennes au tout premier forum LGBTQIA+ organisé à Tahiti

Une vingtaine de jeunes océaniens sont réunis jusqu'au 06 décembre au centre Tarona à Papeete.
Le premier forum pour la jeunesse LGBTQIA+ a lieu du 04 au 06 décembre au centre Tarona à Fare Ute. Organisé par l'association Cousins Cousines de Tahiti, l'événement réunit une vingtaine de jeunes venus de toute l'Océanie. L'occasion pour chacun de raconter librement son histoire.

Des acclamations polynésiennes résonnent au centre Tarona de la communauté du Christ ce jeudi 05 décembre. Ce ne sont pas les voix d'Hommes d'Eglise, mais celles de personnes transgenres venues des îles Cook, de Fidji, des Samoa, de Tonga, de Tuvalu, de Nouvelle-Zélande, d’Australie et de Polynésie... Ce groupe d'une vingtaine de personnes est accueilli dans ce bâtiment religieux pour échanger sur leurs parcours de vie, leurs identités, parfois leur mal-être causé par les codes imposés par la société. "J'avais 16-17 ans quand je me suis rendu compte que je n'entrais pas dans ces codes. Je ne l'ai avoué à ma famille que bien plus tard. Mes grands-parents l'ont bien pris mais pas mes parents. Ça a été très difficile mais heureusement, les gens s'ouvrent de plus en plus" tempère Tutuvaine Peyroux, originaire d'Aitutaki, aux îles Cook.  

"Il n'acceptait pas le fait que je sois un efféminé"

Tutu ne se sentait pas elle dans son corps de garçon. Et elle a pu rencontrer d'autres personnes comme elle à ce forum, à l'image de Tinaia Hanere, originaire de Bora Bora. Issue d'une famille de rameurs, il a été d'autant plus délicat pour elle de dévoiler sa vraie personnalité. Surtout devant son grand-père. "Mon papi est entraîneur. C'était difficile de m'affirmer par rapport à lui. Il n'acceptait pas le fait que je sois un efféminé. Je me suis cachée longtemps. J'avais peur de lui" relate la transgenre de 24 ans. 

Les révélations se font plus naturellement avec les femmes de sa vie, sa grand-mère et sa mère. "C'était plus facile. Je pense qu'elles savaient déjà que j'étais efféminée. Mes parents ne font pas la différence, pourvu que je sois bien" poursuit Tinaia. 17 ans après, son grand-père a fini par l'accepter. Tinaia est resté le 'aito de son papi...mais d'un autre genre : "je ne rame pas sur une pirogue, je rame sur scène on va dire !" sourit-elle.

Un échange identitaire et culturel.

Pour Karel Luciani, la société, du fait qu'elle soit patriarcale, complique le coming out chez les hommes homosexuels. Les femmes auraient moins de complexes à montrer qu'elles sont lesbiennes. Shania Cubillo est d'ailleurs la seule présente au forum. La jeune femme a toujours été à l'aise avec son identité et son orientation sexuelle. Ces rencontres sont plutôt l'occasion pour elle, en tant qu'aborigène d'Australie, de découvrir d'autres peuples d'Océanie. "C'est important de créer du lien avec les autres communautés LGBT de la Région et de savoir où trouver refuge. En Polynésie, ils n'ont pas autant d'opportunités qu'en Australie et c'est un bon moyen de savoir ce qu'il se passe ailleurs" fait-elle remarquer. 

Au fil de toutes ces histoires, le forum rappelle l'importance de se mobiliser pour tous ceux qui restent encore cachés. "Je comprends un peu mieux, je vois qu'il faut réagir face à tout ça. Il y a beaucoup de jeunes efféminés qui n'arrivent pas à s'affirmer à cause du jugement des autres, surtout à l'école. J'en connais beaucoup. J'ai vécu ça" déclare Tinaia. Et leur adresse de rassemblement est loin d'être anodine puisqu'il s'agit du lieu de culte de la communauté du Christ (les Sanito), première et unique Eglise à ce jour à avoir voté en faveur du mariage homosexuel en Polynésie.