En Polynésie, tout le monde a déjà entendu parler du village des lépreux à Orofara. C'est parce que 150 malades y vivaient il y a cent ans. Ce lieu avait été choisi par l'administration coloniale en 1914 comme asile pour les lépreux de Polynésie. Aujourd'hui, quatre malades vivent toujours dans le village. Les cas ne sont donc plus aussi nombreux mais la lèpre circule toujours à bas bruit sur le territoire. Et pas seulement à Orofara. "Actuellement on a des foyers surtout dans les îles du Vent, les îles Sous-le-Vent et dans les Tuamotu aussi. On en a beaucoup moins ces dernières années aux Marquises, aux Australes, et aux Gambier" indique le docteur Lam Nguyen, épidémiologiste.
Taote Nguyen est le seul docteur à prendre en charge les lépreux. "Les autres médecins n'en voient que très peu. Du coup, c'est difficile de les reconnaître quand on n'en voit pas souvent" explique-t-il. La lèpre ne représente pas un problème de santé publique en Polynésie, mais c'est le cas dans plusieurs pays d'Afrique, d'Asie ou encore d'Amérique Latine.
Une maladie à ne pas prendre à la légère
L’agent infectieux se transmet au contact prolongé avec les personnes infectées. La bactérie se développe très lentement : la période d’incubation de la maladie est de cinq ans en moyenne, selon l'Institut Pasteur, mais les symptômes peuvent parfois n'apparaître qu'au bout de vingt ans. La lèpre provoque des lésions cutanées et nerveuses qui, sans traitement, deviennent permanentes et peuvent toucher la peau, les nerfs, les membres et les yeux et ronger certains membres du corps à long terme.
Chaque année dans le pays, deux à cinq nouveaux cas sont détectés. "En 2024, on a détecté deux nouveaux cas de lèpre. Mais à la fin de 2024, il y a entre huit et dix patients toujours sous traitement. Le problème ce n'est pas tellement le faible nombre de nouveaux cas. (...) Lorsqu'il y avait le covid, l'année qui a suivi, on a détecté aucun cas. Mais après, en 2022, on a détecté dix cas. Ce qui m'interpelle un peu, c'est qu'on est en dessous du seuil d'élimination défini par l'Organisation mondiale de la santé depuis un peu plus de 25 ans néanmoins cela ne disparaît pas" souligne le médecin.
Des formes graves existent encore, notamment sur "des patients traités pendant des années, qui ont des handicaps fonctionnels et nécessitent des chirurgies de reconstruction pour retrouver certains usages de leurs mains ou de leurs pieds" confirme Docteur Lam Nguyen.
Quel traitement ?
La bonne nouvelle c'est que cette maladie d'origine bactérienne se soigne bien aujourd'hui. "Ce sont des antibiotiques et un traitement à longue durée, de six mois à un an, selon les schémas de l'OMS, mais nous, on utilise un ancien schéma, pour diverses raisons. Par précaution on va jusqu'à deux ans de traitement pour les gens très contagieux, afin d'être sûr que le taux de rechute soit le plus bas possible" précise le docteur.
Pendant leur traitement, les personnes atteintes de la lèpre ne sont pas obligatoirement isolées. "Il faut savoir qu'avec les antibiotiques on peut guérir les gens. Au bout d'une à deux premières doses, on tue 99.9% des bactéries, donc les personnes ne présentent plus un danger de contagiosité pour leur entourage" assure taote Nguyen.
Depuis les années 80, près de 16 millions de lépreux ont reçu un traitement, et la lèpre a été éliminée dans 108 des 122 pays où elle était considérée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un problème de santé publique, relate l'Institut Pasteur. Plus de 200 000 cas sont encore recensés dans le monde.
À l'occasion de la journée mondiale de la lèpre, célébrée le 25 janvier, une collecte de dons est organisée par l'Ordre de Malte jusqu'à ce dimanche soir. Selon le taote, en 2024, "900 000 xpf ont été récoltés" et iront dans la cagnotte nationale consacrée aux recherches sur la lèpre. Une partie de ces fonds sont reversés à la Polynésie en fonction des besoins des patients, pour des paniers repas aux malades ou anciens malades par exemple.