À Hitia'a, sur la côte est de Tahiti, Brice Coppenrath élève 1500 cochons. Pour les nourrir, il lui faut au moins 60 sacs de tourteaux par semaine. Mais ces derniers temps "on arrive à avoir à peu près 40-45 sacs. Il y a des semaines où on en a même pas du tout" explique Brice.
Chaque semaine, il débourse 2,4 millions de francs d’aliments importés. Alors le tourteau issu du coprah lui permet de réduire sa facture. À savoir qu'un sac de 25 kilos de tourteau coûte 594 francs, Brice dépense environ 30.000 francs par semaine. "Complémenter nos aliments avec du tourteau, ça nous permet de réduire un peu le coût de revient de la ration" confirme Brice.
Il se souvient également "il y a quelques années, il y avait même trop de tourteaux, on exportait pas mal en Nouvelle-Calédonie ou en Nouvelle-Zélande. Maintenant, il faut faire avec, il y en a de moins en moins, ça fait malheureusement moins d'aliments locaux consommés par les cochons. Je plains vraiment les petits éleveurs" déplore Brice. En 2015, 800 tonnes de coprah ont été exportées par l'Huilerie de Tahiti.
Pas de coprah, pas de tourteau
Henri Leduc, le président-directeur général de l’Huilerie de Tahiti regarde, dépité, son stock de tourteaux. "Là, il faut qu'on tienne jusqu'à la fin du mois. En espérant qu'on va avoir du coprah. On n’a pas suffisamment de coprah pour lancer une production" se désole-t-il.
Le coprah donne 60% d'huile et 30% de tourteau. Le reste, ce sont des déchets et de l'eau. Depuis 2015, on observe une baisse significative de la production de coprah, ce qui entraîne moins de tourteaux. À titre d'exemple :
- 2015 : 15.000 tonnes de coprah
- 2020 : 8.700 tonnes de coprah pour 3.000 tonnes de tourteaux
- 2023 : 6.700 tonnes de coprah pour 2.058 tonnes de tourteaux
- 2024 : 6.000 tonnes de coprah
Alors pour gérer les stocks et s’assurer de fournir régulièrement les éleveurs, des quotas ont été instaurés par le ministère de l'Agriculture et la CAPL, la chambre d'agriculture et de pêche lagonaire. Henri Leduc détaille cette organisation : "On essaye de favoriser d'abord les éleveurs professionnels. On essaye de donner du tourteau au maximum de personnes. On va bien sûr aussi donner selon les cheptels que les personnes peuvent avoir. Il faut savoir que le tourteau vient du coprah. On observe depuis quatre à cinq ans une baisse énorme du tonnage de coprah. Et par conséquent aussi, une baisse du tourteau. Les cocos sont là, c'est juste la main-d’œuvre qui n'est plus là."
La production de tourteau est en pause à l'Huilerie de Tahiti, car le coprah manque. Il faudrait 60 tonnes de coprah par jour pour remettre les machines en marche. En attendant, les employés suivent des formations ou entretiennent le matériel.
Sécheresse et manque de main-d’œuvre
James Mairoto, coprah-culteur à Fakarava, partage le constat d'Henri Leduc. "Les jeunes sont plus intéressés par le tourisme, surtout ici sur l'atoll. Dans la tranche d'âge, le coprah, c'est entre 30 et 50 ans. Mais moins âgés, il n'y en a pas. La jeunesse a du mal à revenir vers le coprah, étant donné que c'est un métier difficile aussi " relève James.
Aux Marquises aussi les jeunes désertent la filière coprah. Ils préfèrent se tourner vers l'armée, pour des revenus plus stables. La sécheresse qui sévit sur l'archipel réduit également la production de cocos.
En presque dix ans, le coprah a perdu plus de la moitié de sa production. Une baisse qui entraîne celle des tourteaux mais aussi celle de l’huile raffinée destinée à la production du monoï, produit emblématique de nos îles.