Il y a, pour chaque personne qui le regarde, et il y aura, pour la société tout entière, un avant et un après "FIER.E.S, la voix du Pacifique". Mahu et raerae évoluent dans le paysage et le quotidien de tous, en Polynésie. Mais sous cette apparente fluidité se cache une réalité beaucoup plus sombre et violente. Les personnes transgenres en Polynésie subissent et souffrent le plus souvent. À travers une série de portraits à la fois lumineux et intimistes, ce documentaire leur donne la parole. Les témoignages sont poignants.
Des émotions fortes... et nouvelles
Lalita est en pleurs à l'issue de la projection. C'est la première fois qu'elle voit le documentaire en présence d'un public. Elle ne contrôle plus ses larmes. Dans cette petite salle obscure, les spectateurs sont encore sous le choc du film. Et pour une fois, Lalita n'est pas en train de recevoir des insultes ou des coups. Non, ce qu'elle reçoit là, c'est de l'empathie, de l'admiration. De l'amour, en somme. Ce dont elle a toujours manqué. "Je suis trop émue, j'ai adoré parler avec les jeunes car ils n'étaient pas là pour m'enfoncer, au contraire, ils étaient gentils avec moi. Je suis fière que le film soit arrivé au FIFO !"
Lalita, une vie en enfer
Originaire des Tuamotu, Lalita est adoptée à la naissance. Avant même d'avoir 4 ans, elle est violée par la plupart des hommes de la famille. À 10 ans, elle est envoyée en internat au collège à Rangiroa. Là-bas, elle est régulièrement moquée, violentée et violée par des collégiens. Frappée par les surveillants. Méprisée par la direction de l'établissement. À 15 ans, elle vit dans la rue à Papeete et se prostitue. Lalita a accepté de témoigner pour être entendue et "pour protéger les plus jeunes", mais aussi pour dire haut et fort : "nous ne sommes pas des ennemis !"
Tu vois, la plupart des hommes, quand ils voient des personnes comme moi, ils pensent qu'on leur propose ouvertement du sexe. Non ! On est juste comme ça, c'est notre normalité.
Lalita
Lalita est en colère. Elle en veut beaucoup "aux religions, car ce sont elles qui mettent dans la tête des gens qu'il n'y a que l'hétérosexualité, l'homme et la femme". "Je suis détruite. Je n'ai pas encore atteint mes objectifs. Mon rêve, c'est juste de devenir une femme normale mais je n'ai pas les moyens de payer ma transformation. Et puis tant qu'il y aura de la discrimination, je ne pourrai pas me reconstruire", admet-elle.
Un documentaire qui touche les coeurs
Raynald Mérienne, réalisateur de ce documentaire, est touché par l'émotion et les réactions du public. "La première fois que je suis venu en Polynésie, j'ai été surpris de voir autant de personnes transgenres visiblement assumées. J'ai souhaité montrer le plus simplement possible, sans fard et sans artifice, la diversité des identités qui existent aujourd'hui en Polynésie." Et ça marche. La question n'est pas nouvelle, elle est même aussi vieille que l'humanité. Nous sommes bien en 2025 et dans le documentaire, on entend Reretini demander à sa mère si "elle est une erreur", on apprend que le jeune Manuarii se fait cracher dessus dans la rue sans raison ou encore que Sailali se fait entailler l'oreille par son père pour la punir de "ne pas écouter, de ne pas être un homme". Qui est humain et qui ne l'est pas ?
Karel Luciani, président de l'association Cousins-Cousines, se bat pour les droits des communautés LGBTQIA+ depuis plusieurs décennies en Polynésie. Profondément sensible à leur situation à l'échelle locale, il est particulièrement inquiet du rejet de la transidentité opéré par les Etats-Unis depuis la réélection de Trump. "Je suis plus que jamais motivé à porter les combats car il y a trop de souffrance et pas assez de protection", dit-il. "Nous devons faire changer les mentalités, ouvrir les yeux, ouvrir les coeurs. Pourquoi tant de haine envers des personnes qui souffrent ? Ce n'est pas elles, ce ne sont pas eux le problème".
"FIER.E.S, la voix du Pacifique"
Un film "choral" qui met des mots et des visages sur la transidentité polynésienne. Les protagonistes se racontent à travers doutes, blessures et fiertés, entre questionnements identitaires, acceptation sociale et résilience. Ils nous ouvrent les portes de leur quotidien et de leur histoire, entre ombre et lumière. À leur image.
- Réalisation : Raynald MERIENNE
- Production : Stories&Co, Eclectic, DEBAZ.media
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