Un équipage mixte australien originaire de Melbourne participe ce week end à la Queen Lili'uokalani à Hawaïï. Les femmes rament à l'aller, les hommes au retour.
Depuis six mois, le club de la ville de Melbourne, le Melbourne Outrigger Canoe Club (MOCC) se prépare pour la Lili'oukalani, course disputée sur 18 miles, environ 29 kilomètres, de la baie de Kailua-Kona à Honaunau. À l'aller, ce sont les femmes qui rament. Les hommes sont ensuite chargés de revenir au point de départ.
« On pense être une bonne équipe, mais on n'est pas sûrement pas si bons que ça », plaisante l'entraîneur, Darren McIntosh. Même s'il y a peu de chance qu'ils fassent la course en tête, les 24 rameuses et rameurs qui font le déplacement à Hawaïï n'ont pas ménagé leurs efforts : « On s'entraîne trois fois par semaine, et on fait tous autre chose à côté, on a nos petits secrets… » raconte Robin Va'auli, chef cuisinier dans un restaurant sud-américain. « Moi, je fais beaucoup de vélo, et je ne suis pas le seul, du coup, il y a un peu de compétition entre nous aussi, on compare le nombre de kilomètres qu'on fait… » poursuit-il.
Il n'y a pas que le challenge qui les motive. La course Queen Lili'uokalani est aussi un rendez-vous culturel, un festival qui dure cinq jours. « L'aspect culturel de l'événement est fabuleux ! Les Hawaïens sont des gens très spirituels, donc c'est super d'aller là-bas pour voir comment ils font de la pirogue et pour le festival », raconte un autre rameur du club, Leon Manuel Fortes, qui s'y est déjà rendu à deux reprises.
Même à Melbourne, l'aspect culturel est mis en avant, souligne Darren : « Notre sport est évidemment lié à l'histoire des peuples du Pacifique. Il y a une communauté polynésienne importante en Australie, surtout dans le nord du pays, et on essaie vraiment de maintenir cet aspect du sport ; on bénit les pirogues quand on les sort pour la première fois, avant et après une course, pour que tout le monde se sente en sécurité. »
On reste loin des îles, toutefois. L'esprit n'est pas le même, rapporte Leon, qui est né et a grandi aux Îles Cook : « Là-bas, c'est un loisir. De temps en temps, il y a des compétitions entre les villages, mais on utilise surtout la pirogue pour aller pêcher et pour transporter des gens, alors qu'ici, c'est plus pour la compétition. Il faut s'entraîner dur, ils sont vraiment déterminés à Melbourne. »
Entrainement sur le fleuve
Autre différence essentielle : en ville, les rameurs s'entraînent dans la baie, mais aussi sur le fleuve Yarra. Tulia Sikivou, originaire des Îles Fidji, raconte la réaction de sa famille quand elle leur a dit qu'elle allait faire de la pirogue à Melbourne : « Ils m'ont dit 'quoi, tu rames où ?!' On est habitué à l'océan, aux Fidji. S'entraîner sur le fleuve, je trouve ça vraiment dur, l'eau est immobile. Dans l'océan, il y a les vagues qui font bouger la pirogue, alors qu'ici, il faut générer du mouvement, il n'y a pas de renfort. » Est-ce vraiment si différent des lagons des Îles Cook ? « Non, mais la température à Melbourne est de 6 à 7 degrés, alors que dans le lagon, c'est magnifique… » sourit Leon.
Robin aussi, a des origines océaniennes - son père est Samoan, mais c'est à Melbourne qu'il a réellement découvert la pirogue. Et de manière un peu surprenante : « J'ai cherché à en faire il y a longtemps, mais en Nouvelle-Zélande, on appelle ça waka ama et c'est ce que j'ai cherché sur Google, mais je ne trouvais rien. Un jour, quelqu'un m'a appelé pour essayer de me vendre du vin rouge et on a eu une conversation un peu bizarre, il m'a dit 'si, ils font des courses de waka ama, mais tu dois chercher canoe outrigger. Je n'ai pas acheté de vin rouge, mais j'ai trouvé ce club ! »
Avant de faire du waka ama, du va'a, ou de la pirogue, Robin a pratiqué l'aviron en Nouvelle-Zélande. C'est dans son nom, souligne-t-il : Va'auli signifie bateau noir en samoan. À l'aise sur l'eau, il préfère la pirogue à l'aviron, notamment parce que les courses importantes sont des marathons et non des sprints. Un aspect mis en avant également par Darren : « Les courses de vitesse, c'est bien, mais j'aime relever le challenge physique et mental des marathons. Produire un effort physique intense pendant deux heures, ça requiert un bon mental, c'est ce que je préfère dans ce sport. »
L'entraîneur du club de Melbourne apprécie aussi l'aspect mixte de la discipline : « Les hommes et les femmes parcourent les mêmes distances, en utilisant les mêmes équipements, et on a aussi l'occasion de courir ensemble, il y a des compétitions mixtes. Il n'y a pas beaucoup d'activités que vous pouvez faire, où les hommes et les femmes sont à égalité. »
Samedi, ce seront donc les femmes qui se lanceront en premier, avant de céder leur place aux hommes. Toutes les équipes devront parcourir la même distance.