PORTRAIT - SURF JO 2024 : Jérôme Brouillet, un photographe aux anges après avoir immortalisé Gabriel Medina en lévitation

Jérôme est l'un des photographes de l'AFP pour les JO 2024 à Teahupoo. Il est surtout celui qui a immortalisé cet instant où le Brésilien Gabriel Medina est en lévitation au dessus de la vague après avoir surfé un tube frôlant la perfection.
En 24h, la photographie de Jérôme Brouillet a fait le tour du monde. Le photographe de l'AFP pour les épreuves de surf des JO 2024 à Teahupoo est encore sur son petit nuage. Cette image du surfeur brésilien Gabriel Medina en lévitation à la symbolique un peu mystique est devenue iconique. Elle a été prise pendant lors des huitièmes de finale des JO, lundi 28 juillet. Rencontre avec celui qui a figé cet instant.

Il est 9h30 du matin sur le spot de surf à Teahupoo. Le swell est bel et bien là, les vagues sont aussi impressionnantes que magnifiques. Le Brésilien Gabriel Medina fait son take-off sur l’une d’entre elles, la meilleure de la journée. Il en sort et la survole en célébrant son tube. Il s’est passé exactement sept secondes entre ces deux moments. Ça va très vite mais un photographe à l’œil rivé dans le viseur de son appareil. Il ne perd pas un instant, clique en rafale et suit la trajectoire du surfeur. Il connaît ce prodige, multiple champion du monde, il sait qu’il va célébrer son ride. Jérôme Brouillet immortalise le moment.

Gabriel Medina en lévitation après son tube parfait lors des huitièmes de finale des épreuves de surf des JO 2024.

L’instant est parfait mais le trentenaire ne le sait pas encore. Le photographe est en commande pour l’Agence France Presse (AFP), il sélectionne deux images de sa série sans trop se rendre compte de ce qu’il vient de shooter et les envoie depuis son téléphone en live aux éditeurs de l’Agence. Dix minutes plus tard, son portable bipe en continu dans la poche de son short alors qu’il est sur le bateau média au bord de la vague de Teahupoo. Sa photo a fait le tour du monde.

« Je ne m’y attendais pas parce qu’on est 40 photographes sur le plan d’eau et parmi eux il y a des photographes connus dans le monde entier et très talentueux dont je regarde beaucoup le contenu pour m’inspirer. Je ne m’attendais pas à avoir le shot de la journée, des ces JO ou que sais-je encore… » -

Jérôme Brouillet, photographe AFP

L’outsider des photographes de surf devient ainsi « le » photographe des JO 2024 à Tahiti. La symbolique mystique de l’image où Gabriel Medina en lévitation, le doigt vers le ciel, porté par un nuage et son leash relié à sa planche, elle aussi en lévitation, fait de cette photographie une image iconique. Une consécration et une récompense pour ce passionné de sport et de surf qui a grandi à Marseille. Jeune, il passait ses vacances avec sa bande de copains à surfer dans le sud-ouest de la France. À l’époque, il suivait tous les grands photographes de surf et regardait les compétitions en live. Il ne connaissait Tahiti qu’à travers ses écrans. Sa rencontre avec la vague de Teahupoo a lieu en 2014 lors de l’étape de la WSL. À l’époque, il profite d’un séjour en vacances pour voir en vrai les surfeurs et cette vague devenue célèbre dans le milieu.

« J’étais comme un gosse qui passe du poster dans sa chambre ou ce qu’il voit sur internet à la réalité ! J’étais fou de voir les surfeurs et cette vague tellement artistique. Ma compagne est sage-femme, elle faisait à l’époque un remplacement de quelques mois ici, je suis donc venu la voir en vacances. Mais, quand on est rentré en France, on était triste. Puis, une nouvelle opportunité s’est présentée à Tahiti et on a tenté l’aventure »

Jérôme Brouillet - photographe AFP

Le trentenaire au look de surfeur, cheveux blond et casquette sur la tête, a commencé la photographie de sport et de surf par passion. Il découvre Teahupoo, photographie la vague comme un loisir sans penser qu’il en ferait son métier. Il faut dire que sur le spot il y a déjà beaucoup de photographes et certains de talent comme Tim Mckenna. Plutôt du genre humble et respectueux, Jérôme se fait petit aux côtés des grands mais finit par faire sa place. Il se rend de plus en plus souvent sur de grosses sessions et shoote autant qu’il peut. En août 2021, un gros swell est annoncé, les surfeurs locaux sont sur le plan d’eau. Parmi eux, l’enfant de Vairao Kauli Vaast. La vague est impressionnante, sublime même, elle n’échappe pas a l’œil désormais avisé du photographe ni à celui du jeune surfeur qui la repartage sur ses réseaux.

« Quand je l’ai publiée, il l’a repartagée, elle a fait le tour du monde. C’est rien par rapport à aujourd’hui mais j’étais super content. Je suis personne et de temps en temps, j’arrive à avoir un shot. Puis, Paris Match m’a contactée, j’étais content car c’est plutôt une photo de surf, contrairement à celle de Médina qui est une photo de célébration. Elle a fait la double de Match… On se prépare, on travaille, on vient souvent, on a des sessions où il ne se passe rien, on perd de l’argent car il faut payer le déplacement et un jour, on a la photo et c’est là où on est récompensé. Il y a aussi une part de chance dans tout ça »

Jérôme Brouillet - photographe AFP

Aujourd’hui, le photographe profite du tourbillon suite à la parution de son image. Malgré l’extrême fatigue, il répond aux interviews et prend les opportunités qui se présentent. C’est d’ailleurs sa compagne, Laurie, qui depuis hier est devenue son attaché de presse. C’est elle qui gère les messages et fait le tri pendant que Jérôme fait ses interviews parfois jusqu’à une heure du matin. Le couple est quelque peu dépassé par l’ampleur de l’évènement mais savoure ce moment bien mérité car Jérôme et Laurie ont bien conscience qu’il peut être éphémère. Aujourd’hui, c’est son image qui fait le tour du monde, demain cela peut en être une autre.

Le reportage d'Aiata Tarahu :

©polynesie