Procédures allégées, lutte contre les bidonvilles, bilan des victimes... Que prévoit la loi sur la reconstruction de Mayotte ?

Mayotte devastée après le passage du cyclone Chido. Saint-Pierre et Miquelon solidaire.
Après l'adoption du texte par le Parlement les 12 et 13 février, le gouvernement a publié les décrets d'application de la loi sur la reconstruction de Mayotte mardi 25 février. Outre-mer la 1ère revient en détail sur ce que prévoit le texte.

Deux mois après le passage du cyclone Chido sur l'archipel de Mayotte, le Parlement a voté solennellement la loi sur la reconstruction du territoire, en débat depuis début janvier. Mercredi 12 février, l'Assemblée nationale a très largement adopté la version définitive du texte, fruit d'un compromis entre députés et sénateurs qui se sont réunis en commission mixte paritaire lundi. Le Sénat, lui, s'est prononcé ce jeudi. Le texte est définitivement adopté. Le gouvernement a publié les décrets d'application dans le Journal officiel du mardi 25 février. La reconstruction de Mayotte peut enfin commencer. Retour sur ce que va changer cette loi.

  • Un établissement public pour coordonner la reconstruction de Mayotte

Sur le modèle de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame, à Paris, la reconstruction de Mayotte sera chapeautée et coordonnée par un établissement public. Un dispositif généralement utilisé pour les grands travaux. Ici, tout un département est à rebâtir.

Lors des débats parlementaires, une place de taille a été accordée aux élus locaux mahorais dans le processus de reconstruction. Ce sera d'ailleurs le président du Conseil départemental de Mayotte, Ben Issa Ousseni, qui présidera le conseil d'administration de cet établissement public, piloté par le général Pascal Facon. L'État et les maires seront également représentés dans la structure.

Le gouvernement veut que les actions de l'établissement public soient les plus transparentes possible. À partir du 1ᵉʳ janvier 2026, un rapport devra rendre compte "de la nature, du coût et des modalités de financement" de ses opérations.

  • L'État prend en charge la reconstruction des écoles

Compétence normalement dédiée aux communes, la loi prévoit que l'État se substitue aux collectivités locales pour "assurer la construction, la reconstruction, la rénovation, la réhabilitation, l’extension, les grosses réparations et l’équipement des écoles publiques". Mais il faut que ce soit "à la demande des communes concernées" et en concertation avec les élus, précise le texte.

Une école de Mamoudzou à Mayotte, ravagée par le passage du cyclone Chido en décembre 2024.

Dans ce cadre, l'État devra assurer l'accès à l'eau potable dans les établissements scolaires, une problématique majeure dans ce territoire qui subit régulièrement des épisodes de sécheresse. "Ces écoles sont conçues de façon à pouvoir intégrer un procédé de production d’énergies renouvelables", détaillent par ailleurs les législateurs.

Ces dispositions sont valables jusqu'au 31 décembre 2027. À partir de 2028, les nouveaux établissements seront la propriété des collectivités locales concernées (sauf en cas d'une demande de prolongation).

  • Des règles d'urbanisme et des procédures allégées

Des constructions "démontables et temporaires" peuvent être installées à Mayotte sans répondre aux formalités habituelles prévues par le Code de l'urbanisme. Ces constructions doivent servir de bureaux pour des services publics, de salles de classe lorsque les établissements scolaires sont trop endommagés pour accueillir tous les élèves ou encore abriter les renforts venus à Mayotte après le passage du cyclone Chido.

La loi évite néanmoins une situation anarchique et prévoit quelques règles. Par exemple, un maître d'ouvrage devra tout de même demander l'accord au maire de la commune. L'édile devra ensuite en informer le préfet, qui disposera de huit jours pour dire si, oui ou non, cette installation est possible. Le maire aura ensuite trois jours pour donner le feu vert. Si celui-ci ne répond pas au bout de trois jours, le silence vaut refus, indique le texte.

Un village mahorais à flanc de colline détruit à Mayotte après le passage du cyclone Chido.

Ces constructions ne pourront cependant perdurer. La loi limite cette disposition spéciale à deux ans (jusqu'à début 2027 donc). Le maître d'ouvrage sera alors "tenu de remettre les lieux dans leur état initial". La disposition concernant les expropriations prévue par le gouvernement dans son texte initial a pour sa part été supprimée par les députés.

De manière générale, les procédures et les règles d'urbanisme et d'aménagement sont assouplies pour accélérer la reconstruction. La loi prévoit tout de même des garde-fous. Les constructions et réparations devront prendre en compte les "règles applicables en matière de risques naturels, technologiques ou miniers".

  • Lutte contre les bidonvilles

Si les deux députées de Mayotte avaient regretté l'absence de mesure visant à empêcher la reconstruction des bidonvilles dans le projet de loi initial, le Sénat, lors de l'examen du texte, a intégré un article autorisant l'État à prendre des mesures pour "renforcer l’évacuation et la démolition des locaux ou installations constituant un habitat informel".

Dans la même veine, la loi pour la reconstruction de Mayotte prévoit que toute vente de tôle à des particuliers ne peut se faire sans la présentation d'une pièce d'identité et d'un justificatif de domicile. Les autorités veulent empêcher les personnes en situation irrégulière de se réinstaller dans des bangas.

  • Des dispositions particulières pour les commandes publiques

Pour alléger le processus d'appel d'offres, obligatoire en ce qui concerne les commandes publiques, le gouvernement a voulu que les marchés de travaux, de fournitures et de services puissent "être négociés sans publicité ni mise en concurrence préalable" lorsqu'ils "répondent à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes". Une publication en ligne sur le site de la préfecture de Mayotte ainsi que sur celui de l'établissement public en charge de la reconstruction doit néanmoins informer de l'opération.

  • Les dons pour Mayotte facilités

En plus de la reconstruction, la loi permet de faciliter les dons des collectivités à toute "association ou fondation (...) s’engageant à utiliser ces fonds pour financer les secours d’urgence au profit des victimes du cyclone Chido, pour fournir gratuitement des repas ou des soins aux personnes en difficulté ou pour contribuer à favoriser leur logement". Et ce jusqu'au 17 mai 2025. 

Pour les particuliers voulant faire un don pour les habitants de Mayotte, le gouvernement prévoit une réduction d'impôts de 75 % (au lieu de 66 %) dans la limite de 2.000 euros (et non plus 1.000 euros comme annoncé par l'État en décembre). 

  • Un soutien économique et social

Alors que le tissu économique et social de Mayotte a été complètement dévasté par le passage du cyclone Chido, la loi permet plusieurs exemptions et prolongations d'aides sociales.

"Les pénalités et les majorations prévues en cas de retard de paiement des impôts" ne sont pas applicables jusqu'à la fin du mois de juin, avec une extension possible jusqu'à la fin de l'année s'il le faut. 

Les employeurs et les travailleurs libéraux bénéficient temporairement (jusqu'à fin juin) d'une suspension des obligations de paiement des cotisations et des contributions sociales. Si leur situation économique se dégrade dans l'année, cette suspension pourra être étendue jusqu'au 31 décembre.

Ben Zahiadi Ahmada, artisan menuisier, a tout perdu

Enfin, les droits d'indemnisation des chômeurs qui s'épuisaient au 1er décembre 2024 sont prolongés jusqu'au 31 mars 2025. Les prestations sociales sont prolongées jusqu'au 30 juin.

Cependant, face au retard économique qui minait déjà Mayotte avant même le passage de Chido, les parlementaires réclament un rapport de la part du gouvernement sur les disparités entre les montants des prestations sociales versés dans le département comparé aux autres départements français.

  • Un bilan exhaustif des victimes

Alors que le bilan officiel ne fait état que de 39 morts et de 4.000 blessés, les parlementaires s'interrogent sur le nombre réel de victimes suite au passage du cyclone. À la demande des élus, le gouvernement devra donc remettre un rapport au Parlement d'ici un mois faisant état du "bilan exhaustif de la catastrophe, incluant le nombre de personnes décédées, disparues, blessées et amputées".