Chikungunya : "On ne pourra pas empêcher l’épidémie d’atteindre son pic", selon le Pr Xavier Deparis de l’ARS de La Réunion

L'épidémie de chikungunya progresse à La Réunion.
Avec 204 nouveaux cas de chikungunya en une semaine, fin janvier, le virus continue de se propager sur le territoire de La Réunion. A l’exception du Sud-Est, l’ensemble de l’île est concerné. Les symptômes sont en revanche moins sévères que lors de l'épidémie de 2005-2006.

L’épidémie se confirme et suit " un peu " la trajectoire de celles des précédentes années, en particulier celle de 2021. Ce mercredi 12 février, le Pr Xavier Deparis, directeur de la veille et sécurité sanitaires de l’Agence Régionale de Santé de La Réunion, apporte des précisions sur l’augmentation du nombre de cas de chikungunya dans le département.

204 nouveaux cas ont été signalés du 27 janvier au 2 février. Une tendance à la hausse qui se confirme et qui devrait durer, précise-t-il. Depuis le 23 août 2024, 783 cas de chikungunya ont été confirmés dans l’île.

 

Le pic épidémique prévu début mai

Si on continue sur cette trajectoire, et dans la projection de l’épidémie de 2021, le pic épidémique pourrait être atteint début mai, indique le Pr Xavier Deparis. Il confirme ainsi les prédictions de Santé Public France, relayées le 3 février dernier par le Dr Patrick Mavingui, directeur de recherche au CNRS

On est dans une phase où la multiplication des cas va continuer et avec une extension géographique à l’intérieur du territoire.

Pr Xavier Deparis, directeur de la veille et de la sécurité sanitaires de l’ARS de La Réunion

 

Pour l’instant deux gros foyers sont localisés à l’Etang-Salé et au Tampon. Ils représentent à eux deux une grande majorité des cas identifiés. L’île est " quasiment complètement touchée ", à l’exception du grand Sud-Est.

  

Eviter " d’embouteiller les hôpitaux "

Si l’augmentation des cas est inévitable, le Pr Xavier Deparis insiste sur ce qui peut, et " doit ", être fait, à savoir " continuer de prendre toutes les mesures pour lutter contre l’exposition aux moustiques et leur multiplication ".

On ne pourra pas empêcher l’épidémie d’atteindre son pic, mais ce qu’on va pouvoir faire c’est étaler le nombre de cas dans le temps pour éviter d’avoir un énorme pic qui risquerait, si l’épidémie avait un impact sur le système de soins, d’embouteiller les hôpitaux.

Pr Xavier Deparis, directeur de la veille et de la sécurité sanitaires de l’ARS de La Réunion

 

Une situation qui n’est pas d’actualité, seuls 3 hospitalisations ont été enregistrées sur les 783 cas identifiés depuis le 23 août 2023. La grande majorité des cas diagnostiqués ne durent que 3 à 4 jours, avec des symptômes " qui n’ont rien à voir avec ce qu’on a connu en 2005 et 2006 ", précise le Pr Xavier Deparis.

   

Des symptômes " beaucoup moins sévères " qu’en 2005-2006

" C’est complètement l’inverse, on a actuellement des symptômes beaucoup moins sévères que ceux de 2005-2006 ", les patients ne sont pas " en souffrance " comme à l’époque, insiste le Pr Xavier Deparis.

Les symptômes du chikungunya sont " exactement les mêmes que ceux de la dengue ", décrit-il, se manifestant brutalement par des maux de tête, une fièvre importante (en général supérieure à 38,5°C) et des douleurs articulaires et musculaires.

Dans cette situation, il recommande de se rendre chez son médecin, qui prescrira une prise de sang pour confirmer le diagnostic en laboratoire. Le temps des symptômes, il faut rester chez soi et se protéger des piqûres de moustiques pour éviter la propagation du virus.

  

Faire confirmer le diagnostic au plus vite

Faute d’un test PCR, réalisé à partir d’une prise de sang, dans les 4 à 5 premiers jours, il faudra 2 prises de sang, dont la seconde une dizaine de jours plus tard.

Au-delà des 5 jours, la première prise de sang ne révèlera en effet que des anticorps généraux, d’où la seconde prise de sang pour identifier les anticorps spécifiques du virus du chikungunya, explique le Pr Xavier Deparis.

Il recommande donc à toute personne se voyant prescrire une prise de sang par son médecin de se rendre en laboratoire au plus tôt, également pour permettre la mise en place des mesures protectrices de l’entourage le plus rapidement possible.

  

Limiter la propagation des moustiques

L’ARS de La Réunion intervient autour des cas, et est la seule à avoir la capacité d’utiliser des insecticides. Elle n’est en revanche pas la seule à intervenir dans la lutte contre le chikungunya, précise le Pr Xavier Deparis.

Grâce à la cartographie des cas, l’ARS détermine des zones d’action, pour mettre en place des interventions en porte à porte dans un rayon de 100 mètres, dans les 24 à 48 heures après le signalement d’un cas. Un diagnostic sera fait dans chaque domicile afin d’éliminer les gîtes larvaires et dispenser les conseils utiles.

De l’information et de la prévention sont aussi dispensées par les services communaux et par les associations de quartier mobilisées. En cas de constat de gîtes larvaires, eaux stagnantes ou carcasses de véhicules abandonnés, il est demandé d’appeler la commune concernée pour le lui signaler.

  

Une dispersion à bas bruit

Tout a commencé par trois cas dans le quartier des Aigrettes à Saint-Gilles. L’ARS a alors " l’espoir d’empêcher la circulation du virus sur l’île ", intervenant 5 à 6 fois dans le secteur.

L’apparition du virus dans un autre site a montré que le virus circulait " au moins localement sur l’Ouest ", possiblement par des porteurs ne présentant aucun symptôme de la maladie, explique le Pr Xavier Deparis.

Un facteur qui explique, selon lui, l’augmentation du nombre de cas malgré les moyens de lutte mis en place par l’ARS, indique son directeur de la veille et sécurité sanitaires.

  

Le chikungunya, " on ne l’aura pas une deuxième fois "

Quant à la possibilité de contracter à nouveau le chikungunya pour ceux qui l’aurait déjà eu par le passé, le directeur de la veille et sécurité sanitaires de l’ARS est catégorique.

Non, je vais être très clair, sur le plan scientifique, lorsqu’on a eu le chikungunya, on ne le rattrape pas une deuxième fois.

Pr Xavier Deparis, directeur de la veille et de la sécurité sanitaires de l’ARS de La Réunion

 

Autre " croyance " que le directeur de la veille et sécurité sanitaires de l’ARS veut taire, celle des brulis. Brûler des feuilles n’est pas un répulsif contre les moustiques, insiste-t-il.

Les fumigations sont interdites parce que ça pollue l’atmosphère, elles sont dangereuses à respirer, et elles ne dérangent absolument pas les moustiques.

Pr Xavier Deparis, directeur de la veille et de la sécurité sanitaires de l’ARS de La Réunion