Chikungunya : un premier pic épidémique attendu en mai à La Réunion, selon le Dr Patrick Mavingui

La lutte antivectorielle est primordiale dans les lieux arborés et proche des ravines, là où les moustiques prolifèrent.
Avec près de 350 cas signalés depuis le 23 août 2024, La Réunion connaît un début d’épidémie de chikungunya. Un premier pic épidémique est prédit pour le mois de mai. Pour éviter que le scénario de 2005-2006 ne se reproduise, une stratégie vaccinale et de lutte antivectorielle est prônée par le Dr Patrick Mavingui.

Avec les pluies de ces derniers jours, revient la crainte de voir l’épidémie de chikungunya se développer rapidement. Les conditions sont en effet favorables au développement des moustiques, vecteurs de la maladie.

Depuis le 23 août 2024, près de 350 cas de chikungunya ont été signalées à La Réunion, avec une accélération du nombre de cas sur les dernières semaines. Deux tiers des cas sont en effet apparus en 2025.

 

Accélération du nombre de cas en janvier

Santé Publique France avait informé qu’une accélération allait se produire au début du mois de janvier 2025, indique le Dr Patrick Mavingui, directeur de recherche au CNRS, rattaché à l’Université de La Réunion. Une accélération qui pourrait être confortée avec les récentes pluies, insiste le scientifique.

Invité de la matinale de Réunion la 1ère, il revient sur la situation et évoque les évolutions possibles de l’épidémie naissante de chikungunya à La Réunion, ainsi que les moyens de l’endiguer.

 

Un premier pic pourrait se produire en mai

Selon les prédictions de Santé Publique France, qui a travaillé avec l’Institut Pasteur, une augmentation de cas se produirait sur la période d’avril-mai, indique le Dr Patrick Mavingui, directeur de recherche au CNRS, rattaché à l’Université de La Réunion.

Le spécialiste indique qu’un premier pic épidémique pourrait éventuellement être attendu au mois de mai.

Des inquiétudes par rapport au suivi de patients et surtout nous avons des comorbidités qui qui peuvent entraîner des sévérités par rapport à cette pathologie. Il n’y a pas de cas graves pour l’instant.

Dr Patrick Mavingui, directeur de recherche au CNRS, rattaché à l’Université de La Réunion

  

La vaccination pour éviter de revivre le scénario de 2005-2006

Le Dr Patrick Mavingui parle d’un " premier pic " comme en 2005-2006. Il y avait eu un premier pic vers le mois d’avril, puis un rebond vers le mois de septembre. Un scénario qui pourrait se reproduire, explique-t-il.

Pour éviter que ce phénomène ne se reproduisent, des stratégies existent. Le scientifique évoque la stratégie vaccinale, qui si elle est bien "montée" empêchera que le rebond ne se produise. Il précise que ce vaccin est un virus vivant atténué, et non à ARN-Messager.

Le vaccin est efficace. Il a été éprouvé sur des études clinique en phase 2. A partir du moment où vous avez été vacciné, 15 jours après vous avez la production d’anticorps dits "neutralisants", qui vont éviter que le virus ne se réplique. Donc c’est efficace à 98% - 99% de la population qui avait été testée.

Dr Patrick Mavingui, directeur de recherche au CNRS, rattaché à l’Université de La Réunion

 

Une population testée composée d’individus de plus de 18 ans. De nouveaux travaux sont réalisés sur des jeunes de 11 à 17 ans. L’homologation n’étant pas encore en vigueur pour cette tranche d’âge.

  

Un vaccin à 200 euros, non-remboursé

Ce vaccin mono-dose, qui n'est pas remboursé, est vendu au prix de 200 euros. Autorisée en France, l’utilisation de ce vaccin n’a cependant pas été validée par la Haute Autorité de Santé, d’où son prix élevé. Des discussions sont engagées avec la Direction générale de la santé pour une prise en charge partielle, réduisant son prix à près de 50 ou 70 euros.

Sur 100 000 doses mondiales produite, la France en compterait 10 000. Le nombre de dose disponibles à La Réunion n’est en revanche pas connu.

 

17% de la population réunionnaise déjà immunisée

A noter, les personnes ayant contracté le virus du chikungunya en 2005-2006, soit il y a 20 ans, sont protégées, indique le Dr Patrick Mavingui, directeur de recherche au CNRS. Il y a 17% à peu près de personnes immunisées à La Réunion, précise-t-il.

Quand on confronte leur sérum, qui contient les anticorps, avec le virus, il est séro-neutralisé. Donc, c’est une immunité à long terme.

Dr Patrick Mavingui, directeur de recherche au CNRS, rattaché à l’Université de La Réunion

 

Après la crise de 2005-2006, on estimait à 30% la part de la population réunionnaise infectée. En 20 ans, la population a évolué, d’où la baisse du taux de cette immunité, ne permettant pas d’atteindre actuellement l’immunité collective, précise le scientifique.

 

Six foyers actifs et des cas isolés

Pour le moment 6 foyers actifs ont été identifiés : la Ravine Sheunon à l’Etang-Salé, la Ligne-des-400 à Saint-Pierre / Le Tampon, le secteur de La Vallée à Saint-Pierre, Bras-Creux au Tampon, Trois-Mares-les-Bas au Tampon et Grand-Bassin.

En plus de ces foyers actifs, la vigilance autour des cas isolés est essentielle pour que le virus ne se répande pas. On estime le rayon de déplacement d’un moustique à 200 m, rappelle le Dr Patrick Mavingui, ce qui ferait des "grappes" de transmission par le voisinage, en plus des personnes infectées qui se déplaceraient.

  

Eviter la propagation des moustiques et donc du virus

La recommandation première, particulièrement pour les personnes vivant dans les secteurs concernés par la propagation du virus, est de se protéger des moustiques, en portant des vêtements longs et en utilisant des répulsifs pour éviter les piqûres.

Il faut aussi éliminer les gîtes larvaires, pour empêcher les femelles de pondre et donc de multiplier la population d’insectes qui transmettraient la maladie, insiste le scientifique. Les moyens mis en jeu avec les services de lutte antivectorielle participent à la stratégie globale pour éviter un premier pic épidémique en mai.