Sécheresse : une solution d'urgence inadaptée et des pertes immenses pour les agriculteurs de Salazie

Jérôme Armand, agriculteur à Salazie depuis 31 ans, est sans revenu depuis 3 mois, faute d'eau.
A Salazie, le dispositif de captage d’eau mis en place le 14 janvier dernier pour faire face à l’intense épisode de sécheresse qui touche La Réunion depuis plusieurs mois, ne convainc pas les agriculteurs. Ils réclament des mesures fortes et pérennes.

Le ton monte du côté de Salazie. Les agriculteurs, qui subissent comme une bonne partie de l’île une sécheresse historique, demandent des mesures pérennes. Le point de captage en libre-service, installé le 14 janvier dernier, leur semble être une solution "déconnectée" de la réalité du terrain.

  

Une solution d’urgence "déconnectée" de la réalité

Le dispositif mis en place par le Département et la Saphir apporte une eau brute, issue du captage du basculement des eaux d’Est en Ouest. Une pompe et un tuyau de 120 mètres remontent l’eau de la Rivière-du-Mât pour permettre aux agriculteurs de se ravitailler en eau, au niveau du pont de la Cayenne.

Jérôme Armand, exploitant sur les hauteurs de Mare-à-Citrons, n’a jamais utilisé ce dispositif situé à près de 4 km de son exploitation. Comme Roland Elisabeth, président d’un groupement d’une quinzaine d’agriculteurs à Salazie, pour qui la sécheresse de ces derniers mois est " plus dure qu’un gros cyclone ", il demande des solutions durables.

 

Des agriculteurs sans eau et donc sans revenu

Sur les hauteurs de Mare-à-Citrons, les quelques gouttes de ces derniers jours ne suffiront pas.

Depuis 31 ans, Jérôme Armand cultive 3,5 hectares. Une terre aujourd’hui assoiffée. L’exploitant a perdu 300 bananiers, morts de chaud. Depuis 5 mois, il est sans revenu. Sans revenu, impossible de rembourser les investissements.

Depuis le cyclone Belal en janvier 2024, le cirque n’a pas vraiment connu de vrai épisode de pluies, explique-t-il. Les terres subissent un stress hydrique qui impacte forcément les cultures, et donc la production.

Depuis le cyclone Belal en janvier 2024, le cirque n’a pas connu de vrai épisode de pluies.

 

13 000 euros de pertes en 3 mois

Les ananas ont, par exemple, vu leur poids divisé par 3. Il estime ses pertes en maraîchage à 13 000 euros, en seulement 3 mois. Mais l’agriculteur refuse pour le moment toute répercussion sur ses prix au marché du Chaudron.

Si d’ici deux semaines la pluie n’est pas revenue à Salazie, Jérôme Armand ne pourra cependant plus vendre ses fruits et légumes dans les Bas. Une nouvelle sécheresse l’année prochaine le contraindrait même à mettre la clé sous la porte, dit-il.

Jérôme Armand cultive 3,5 hectares à Salazie. A cause de la sécheresse, il estime avoir déjà perdu près de 13 000 euros en 3 mois.

 

Le basculement de l’eau et le projet MEREN au cœur des discussions

Le basculement de l’eau est dans toutes les conversations. Mais pour Roland Elisabeth, il n’est pas à remettre en question. L’Ouest a besoin d’eau, " ce n’est pas le but de voir mon camarade aussi bas que moi ", insiste-t-il.

En revanche, lors de la conception de ce basculement, ce président d’un groupement d’une quinzaine d’agriculteurs à Salazie estime qu’il aurait été nécessaire d’anticiper l’impact de ce basculement en période de sécheresse. Lui prône pour un réseau mixte dès le départ.

Désormais, les agriculteurs de Salazie ne peuvent plus qu’espérer que le projet MEREN aboutisse. Il doit justement permettre de récupérer une partie des eaux transférées d’Est en Ouest, au niveau de Sainte-Marie, pour irriguer le Nord-Est.

Un projet dont ils entendent parler depuis des années, mais que n’est toujours pas effectif, déplore Roland Elisabeth. Il estime que l’Etat doit s’emparer de ces questions urgentes, ainsi qu’alléger l’aspect administratif et les contraintes environnementales pour mettre en place des solutions rapidement.