Samedi dernier, alors que Mayotte passait en alerte orange à l'approche de Dikeledi, les étudiants mahorais de La Réunion se réunissaient au Moufia. Le but : "Clarifier et apporter des éléments de réponse" quant à l'aide d'urgence décidée par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche pour les accompagner suite aux ravages de Chido à Mayotte.
Cette aide, d'un montant de 300 euros, sera versée ce mois de janvier à tous les étudiants pouvant justifier que leurs parents vivent à Mayotte, et sans conditions de ressource.
"Dans un contexte économique et psychologique particulièrement éprouvant pour ces étudiants, cette aide vise à leur permettre de faire face à des dépenses ponctuelles non prévues et à renforcer leur autonomie à l’égard de leurs familles déjà très mobilisées par la gestion de la crise dans l’archipel".
Ministère de l’Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche
Pour les boursiers et non-boursiers
Ainsi, les étudiants boursiers, déjà connus du CROUS, recevront cette aide directement sur leur compte en banque. Pour les autres, il faudra remplir un formulaire en ligne (disponible dès ce 13 janvier 2025 sur le site des CROUS) et fournir un certificat de scolarité, un justificatif de domicile des parents, et un RIB.
Une aide souhaitée sur le long terme
Accueillant avec soulagement cette aide ponctuelle primordiale, les étudiants mahorais s'inquiétent toutefois du long terme.
"Nous avons besoin de l'aide des autorités d'une manière durable, parce que beaucoup de nos jeunes ici dépendent de leurs parents, aujourd'hui impactés à Mayotte. Si une aide en plus peut être apportée sur le long terme ce serait une bonne chose, pour les soulager. Une fois qu'ils ont payé leur loyer ils n'ont plus grand-chose", signifie Lissilamou Toumbou, président de l'Union des étudiants et élèves mahorais de La Réunion.
Sans nouvelles de leur famille
D'autant que "beaucoup n'ont toujours pas de nouvelles de leurs parents, qui vivaient dans des cases en tôle, en situation régulière mais sans moyens pour s'offrir une maison", décrit-il.
"On est encore dans l'attente, le doute. Il y a beaucoup de peur et de tristesse parce qu'on ne sait pas ce qu'on peut apprendre demain".
Lissilamou Toumbou, président de l'Union des étudiants et élèves mahorais de La Réunion
Le besoin d'une aide psychologique
Un constat qui fait aussi ressortir le besoin, outre l'aide financière, d'une aide psychologique. "On a lancé un recensement, et beaucoup d'étudiants ont manifesté le besoin d'un accompagnement psychologique", fait valoir Lissilamou Tombou.
Une plateforme téléphonique a bien été mise en place par le gouvernement, pour un premier contact avec un psychologue, aboutissant selon les cas à un rendez-vous physique. "Mais on sait que c'est très compliqué d'avoir un rendez-vous avec un psychologue, alors on aimerait mettre en place une permanence physique ici avec l'aide du conseil départemental de Mayotte", précise le président de l'Union des étudiants.
Kassim, en troisième année de licence administration économique et sociale, a passé six jours sans nouvelles de ses parents et de ses frères à Mayotte. "C'était vraiment traumatisant. Je commençais à me dire qu'ils étaient dans le mal. Avoir un psy ça m'aurait calmé", dit-il.
300 euros "très importants"
Amina, étudiante en 1ère année de Sciences de la vie, est venue ce samedi s'informer sur les modalités de l'aide d'urgence. Avec ses seulement 214 euros de bourse, et dépendant de sa mère pour payer son loyer, elle se retrouve dans une situation délicate ce mois-ci. "Ce n'est pas suffisant pour payer mes courses, mes factures etc. Les 300 euros vont beaucoup m'aider ce mois-ci", souffle-t-elle.
Ouzali, étudiant en première année de licence d'anglais, est particulièrement affecté depuis le passage de Chido à Mayotte. Cette aide de 300 euros ne servira même pas à financer sa vie à La Réunion, ou alors que très peu, confie-t-il.
"Ça a beaucoup impacté ma vie parce que le cyclone a dévasté notre maison, tout cassé, et ma famille a besoin d'argent pour acheter des choses. Moi je me débrouille avec ma bourse. Ces 300 euros sont très très importants pour moi parce que je peux en donner une partie à ma famille pour racheter des choses qui ont été cassées là-bas".
Ouzali, étudiant en 1ère année d'anglais
"C'est une aide importante parce qu'avec le cyclone, c'est un poids en moins. Ca permet de payer certaines choses que tu aurais payé avec la bourse, mais que tu ne pourras pas payer parce que tu as aidé tes parents ou que tu as eu des frais supplémentaires à cause du cyclone", considère elle aussi Saoudati, étudiante en troisème année de Lettres modernes.
"Le coeur n'est pas là"
Soifia Angareto, conseillère d'orientation à la délégation de Mayotte à La Réunion, rappelle quant à elle l'importance d'aider les étudiants mahorais et comoriens, dont les parents n'ont parfois eu ni le temps ni les moyens de réparer leur logement. "C'est très dur pour les étudiants. Ceux qui sont là ont la chance d'être là, mais leur coeur n'est pas là. Il faut tenir, il ne faut pas qu'ils lâchent, il faut qu'ils réussisent leur année pour pouvoir rentrer chez eux demain", achève-t-elle.