Premières missions
En 1998, c’est l’heure du premier déplacement pour José. Son unité intègre la force de stabilisation (SFOR) de l’OTAN à Sarajevo. Celle-ci doit s’interposer en Bosnie-Herzégovine pour éviter la reprise d’un conflit qui a fait près de 200 000 morts dans l’ex-Yougoslavie.
À 21 ans, José découvre alors les stigmates de la guerre. “C’est choquant et ça marque au début de voir les bâtiments détruits, les éclats de balle dans les maisons et de patrouiller dans la Sniper Alley*. On peut l’imaginer, mais le vivre, c’est forcément différent. ”
*Sniper alley : Nom de l’avenue principale de Sarajevo pendant le siège de la ville entre 1992 et 1996. L'unique source d'eau potable se trouvait sur cette artère bordée de hauts bâtiments dans lesquels de nombreux tireurs embusqués prenaient pour cible civils et militaires.
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Durant quatre mois, le jeune militaire ne va pas pour autant se sentir en danger. “Il fallait surtout patrouiller pour montrer notre présence”, explique-t-il tout en se disant “fier de représenter la France pour la première fois à l’étranger”.
Voyageant avec le drapeau de Saint-Pierre et Miquelon, José en profitera aussi pour laisser sur place quelques vêtements aux enfants “comme des t-shirts du club de football de l’ASIA et d’autres associations de l’archipel” que sa mère lui avait envoyé dans des colis pour “venir en aide aux familles qui sur place avaient tout perdu”.
À son retour dans l’Hexagone, il retrouve un quotidien qui lui plaît et qui réserve toujours son lot de surprises. José peut aussi bien participer à des missions dans le cadre du plan Vigipirate qu’à des stages commando ou des opérations de déminage. De quoi le préparer pour un futur voyage qu’il n’est pas prêt d’oublier.
Le Kosovo, “c’était très chaud”
Malgré la présence de nombreuses forces de maintien de la paix dans les Balkans, la région va de nouveau s’enflammer à la fin des années 90 lorsque la Serbie de Slobodan Miloševic entre en conflit avec les indépendantistes de la province du Kosovo.
Cette fois-ci, l’OTAN participe aux combats en bombardant pendant 70 jours à l’été 1999 les forces du président serbe accusé de nombreuses exactions et condamné depuis par le tribunal pénal international pour crimes contre l’humanité.
Si José arrive sur place “en temps de paix” l’année suivante, la situation reste très tendue à Pristina où il intègre le bataillon d’infanterie motorisée de la KFOR, Force pour le Kosovo de l’OTAN. “Cette fois-ci, la différence c’est qu’on sent de l’hostilité. Si on se fait tirer dessus, on est autorisé à répliquer”, se souvient-il au moment d’évoquer trois souvenirs marquants.
1Dans l’œil du viseur
“Un jour, on a participé à l’arrestation d’un criminel de guerre qui était aussi trafiquant d'armes. On agissait en soutien de la police de l’ONU qui nous avait demandé du renfort.
J’étais posté à distance derrière un tracteur avec une visée sur la cible pendant que deux collègues entraient dans la maison pour l’interpeller. Je l’avais dans mon viseur avec ordre de tirer s’il se défendait.
On a trouvé chez lui des munitions et de nombreuses armes dont des canons sans recul et des RPG, le bazooka russe. Si sa femme et ses enfants n’avaient pas été là, il se serait défendu, c’est sûr."
2 La pire odeur
“L’une de mes pires missions, ce fut d’assurer la protection d’une fosse commune qui venait d’être découverte. Je me souviens des premières constatations avec plusieurs dizaines de corps en décomposition, des sacs étanches, des odeurs, des cris…
C’était éprouvant. On devait permettre aux médecins légistes du tribunal pénal international de La Haye de travailler tout en empêchant les civils de rentrer dans la fosse. On devait s’interposer pour créer un couloir quand certains voulaient juste essayer de reconnaître des proches disparus…
D’autres auraient pu vouloir polluer la scène... C’était un conflit de village avec des femmes, des enfants, des vieillards."
3Dans la gueule du loup
“C'était l'opération Vulcain dans une usine de plomb à Zvecan. Bernard Kouchner (administrateur de l’ONU pour le Kosovo) avait donné l’ordre de la fermer car des fumées toxiques s'échappaient de ses trois cheminées.
Mais elle appartenait aux Serbes dans une zone très tendue où nous avons dû intervenir de nuit après 3km de marche d’infiltration. Juste avant, je me souviens d'avoir pensé à ma femme et ma fille qui avait à peine un mois, puis ensuite j’ai fait le vide. Pendant l’assaut, ce fut un stress et une concentration intense. Il y avait de l’adrénaline et tous les réflexes liés à l’entraînement.
Normalement il ne devait y avoir personne dans l’usine… sauf qu’on a trouvé un groupe d’une trentaine d'ouvriers qu’il a fallu arrêter avant de tomber sur un bunker où 5 hommes armés protégeaient 10 tonnes d’or qui appartenaient à Milošević.
Pendant ce temps-là, l’usine a été encerclée par 250 personnes arrivées en renfort. Notre seule voie de sortie, c’était une étroite passerelle étroite mais quand on s'y engageait on recevait des pavés et des pierres de partout. On se protégeait comme on pouvait.
Heureusement, la situation a fini par se débloquer après 10 heures de négociations tendues. L'ONU a accepté de payer 6 mois de salaire à tous les ouvriers et de laisser discrètement sortir l'or..."
"On se serre les coudes"
Malgré les épreuves, José se laisse gagner par l'intensité de la vie sur le front en communauté où "la fraternité est exacerbée au maximum". Quand on lui demande s'il a déjà eu peur là-bas, il nous répond par la négative : "Non, car on est concentrés, on fait corps tous ensemble. On est très soudés".
Après quatre mois passés en Europe de l'Est, le jeune homme retourne en France en reconnaissant toutefois du bout des lèvres que "ce ne fut pas toujours une partie de plaisir".