Cannabis à l’aller, cocaïne au retour : quand la drogue voyage entre le Limousin et la Martinique

Le tribunal correctionnel de Limoges jugeait ce jeudi les commanditaires d’un important trafic de drogue entre Fort-de-France et le Limousin. Ils ont été condamnés à 6 et 8 ans de prison.

Elles partaient en Martinique, tous frais payés, des plaquettes de cannabis scotchées contre les jambes. Elles revenaient de Fort-de-France quelques jours plus tard, de la cocaïne dissimulée dans leurs valises, sous leurs vêtements et, pour l’une d’entre elles, dans son vagin. Eux organisaient leurs voyages, payaient leurs billets, les accompagnaient à l’aéroport et louaient des Airbnb pour récupérer la drogue.


Les commanditaires d’un important trafic de cocaïne entre le Limousin et les Antilles ont été interpellés en décembre dernier, alors qu’ils s’apprêtaient à aller chercher une de leurs mules à l’aéroport d’Orly. Cette dernière n’a jamais pris l’avion : elle a été arrêtée de l’autre côté de l’Atlantique avant d’embarquer. Elle avait plus de 2kg de cocaïne sur elle. Les organisateurs et leur mule comparaissaient ce jeudi devant le tribunal correctionnel de Limoges.

Tribunal judiciaire


Pour comprendre, il faut remonter à l’été 2023. Les policiers s’accrochent à la piste d’un compte Snapchat dont le propriétaire, "Casper", importe de la cocaïne depuis la Martinique. Le numéro de téléphone associé au pseudo mène les enquêteurs jusqu’à l’un des hommes installés dans le box des accusés : Pierre-Alex A., un Martiniquais de 32 ans qui vit dans l’Hexagone. L’enquête remonte jusqu’à son voisin de box et ami dans la vie : Harry L., 32 ans lui aussi. 


Pendant de longs mois, les policiers multiplient les écoutes téléphoniques et surveillent les déplacements des suspects entre Limoges et Orly. Les enquêteurs ont remonté la trace de sept voyages. "On sait bien qu’il y a d’autres trajets, d’autres mules. On est sur des quantités bien plus importantes [que les quelques kg saisis, ndlr]", avance la procureure.

La spécificité est que le voyage Hexagone-Martinique est utilisé pour emmener en Martinique de la résine de cannabis et le retour est utilisé pour amener sur Limoges de la cocaïne

La présidente du tribunal, qui résume l’affaire.

Deux des mules impliquées ont déjà été jugées. Elles dorment en prison depuis quelques semaines. Une autre attend de voir sa vie basculer dans une salle sans fenêtres du tribunal de Limoges. Johanna J. vient d’avoir trente ans. Elle a passé les longues heures d’attente avant l’audience assise, les yeux baissés, à triturer son chouchou. La jeune femme, dont le casier judiciaire est vierge, s’accroche au micro quand elle se lève pour répondre à une question.

Ventre en silicone et jeux d’argent


Ils risquent vingt ans de prison, mais les deux hommes assis dans le box à quelques mètres d’elle ont l’air bien plus détendus. Après tout, ils ont réponse à tout. Le faux ventre en silicone retrouvé chez l’un d’entre eux ? Un accessoire pour des jeux sexuels. Les milliers d’euros d’argent liquide déposés sur leurs comptes ? Des gains remportés au casino. Le fait de multiplier les allers-retours entre Limoges et Orly ? Rendre service en accompagnant des connaissances à l’aéroport n’est pas un crime. Mais alors pourquoi choisir de louer un nouveau véhicule à chaque fois ? Pour éviter que les kilomètres ne s’accumulent sur le compteur de leur voiture personnelle bien sûr.


Trafic de drogue, port d’arme, violences… Pierre-Alex A. et Harry L. sont des habitués des tribunaux. Pour Johanna J., c’est une première fois. Alors que les commanditaires nient tout, la jeune femme reconnait les faits. Elle évoque son voyage en Martinique, prévu depuis longtemps pour rendre visite à des proches, et la proposition qui tombe à pic. "J’avais besoin d’argent", souffle-t-elle d’une petite voix. Johanna J. n’a pas d’emploi et deux enfants à charge. On lui avait promis 2000 euros pour l’aller, 7000 euros pour le retour. 


Dans son réquisitoire, la procureure évoque "la vulnérabilité" des mules, celles qui prennent le plus de risques, celles qui retirent le moins du trafic. Pour Johanna J., elle requiert 2 ans d’emprisonnement, dont un an avec sursis. Le tribunal a suivi les réquisitions. Harry L. a été condamné à 8 ans de prison. Son "bras droit", selon les mots de la procureure, Pierre-Alex A., à 6 ans. Ils ont dix jours pour faire appel.