Voilà déjà huit ans que Globice, l'ONG dédiée à la conservation et à l'étude des cétacés à La Réunion, étudie les sons produits par les baleines qui nous rendent visite. Huit ans pendant lesquels, à chaque saison des baleines, ces fabuleux et fascinants cétacés ont été enregistrés 24/24h.
Le fameux "tube de l'hiver" 2022, à écouter dans le reportage de Réunion La 1ère :
Des hydrophones installés à 30 mètres de profondeur
Comment ? Le dispositif est simple et ne gêne en aucun moment ces animaux. Des plongeurs vont installer un hydrophone - un micro qui enregistre sous l'eau - sur un pilier, à 30 mètres de profondeur. Ils y resteront deux ou trois mois, jusqu'à la fin de la saison des baleines, avant d'être ramenés à la surface pour que les scientifiques puissent enfin prendre connaissance des sons produits par les baleines qui nous ont rendu visite.
Davantage de baleines dans l'Ouest
Globice utilise ce procédé pour savoir plusieurs choses sur les baleines à bosse : quand est-ce qu'elles arrivent, et quand elles repartent, est-ce qu'elles sont nombreuses...
Ainsi, les scientifiques de l'ONG savent désormais que les baleines à bosse évoluent tout autour de l'île, pendant l'hiver austral. Avec leur petite préférence, cependant. "La première grande découverte, c'est que c'est dans l'Ouest qu'elles vont le plus", indique Adrian Fajeau, bioacousticien.
"Chaque année on se demande ce que les baleines vont chanter !"
Plus surprenant, les chercheurs ont découvert que les baleines à bosse qui venaient jusqu'à La Réunion avaient leur propre "tube de l'hiver" ! "Les baleines à bosse regroupées ici vont souvent chanter à peu près le même chant : c'est ce qu'on a appelé le "tube de l'hiver". Un des gros projets de cette étude est de pouvoir comparer le tube de l'hiver des baleines dans les autres pays. Chaque année on se demande ce que les baleines vont chanter !" sourit Adrian Fajeau.
Qu'est-ce qu'on appelle le "chant" des baleines ?
D'ailleurs, saviez-vous que ce sont exclusivement les mâles qui "chantent" ces "tubes", et qui se propagent jusqu'à des dizaines de kilomètres ?
"Ce qu'on va appeler "chant", ce sont ces notes et phrases répétées de manière très structurée, que par les mâles, et en grande partie sur les aires de reproduction. Ils le font soit pour attirer les femelles, soit il s'agit d'une sorte de compétition : celui qui chante le plus fort va pouvoir avoir les faveurs de la femelle"
Adrian Fajeau, biacousticien chez Globice
Les sons transcrits sous forme de spectrogrammes
Une fois l'hydrophone récupéré, en fin de saison des baleines, un spectrogramme est tiré des des sons qui ont été enregistrés en permanence. Très vite, on peut distinguer sur ce spectrogramme, tel sur une partition, non seulement les fréquences hautes et basses, mais surtout des séquences qui reviennent souvent, des "phrases".
"Des labels sont attribués à chaque phrase, pour pouvoir comparer avec celles des répertoires enregistrés à Madagascar ou en Afrique"
Adrian Fajeau, bioacousticien
Un chant "comme une moto qui démarre" en 2022
S'il faudra attendre encore quelques mois pour découvrir les sons de cette saison des baleines 2023, Globice a déjà pu étudier ceux de 2022. "La particularité de l'année dernière, c'est qu'on avait ces sons graves qui ressemblaient à une moto qui démarre", souligne Adrian Fajeau.
Mais quel est l'intérêt d'étudier ces "chants" ?
"Ça nous intéresse parce que si les baleines sont en contact au même endroit, elles vont partager le même tube", poursuit le bioacousticien. Ainsi, si en comparant les enregistrements dans les autres pays, les scientifiques observent que c'est le même "tube", c'est qu'il s'agit de la même population de baleines, qu'elles ont les mêmes mouvements. Si le "tube" est différent, elles ont des routes migratoires différentes. "On va essayer de recomposer ce puzzle des migrations grâce au chant des baleines", explique le scientifique.
A noter que les baleines peuvent émettre aussi d'autres sons, pour communiquer avec leur baleineau, ou se coordonner sur les heures de nourrissage.
Un réseau de partenaires régionaux
Pour pouvoir comparer les chants enregistrés ailleurs, plus il y a de partenaires, mieux c'est. "On a de plus en plus de partenaires intéressés par cette étude, on leur envoie des hydrophones, on échange nos résultats...", indique le scientifique de Globice. "On a la chance d'avoir des fonds européens et la Région qui permettent toutes ces études, et c'est à nous aussi de pouvoir diffuser ces connaissances et échanger", achève Adrien Fajeau.
Une douzaine d'hydrophones écoutent les baleines dans le monde
Ainsi, une douzaine d'hydrophones sont immergés dans le monde. Pour cette étude régionale, Globice peut compter sur des enregistrements provenant de tout l'océan Indien, de Madagascar à l'Australie en passant par la Tanzanie ou ailleurs en Afrique.