"Gouvernance défaillante, gestion financière fragile": l'Université de La Réunion épinglée par la chambre régionale des comptes

Dans le cadre d'une enquête de la Cour des comptes portant sur l'enseignement supérieur et la recherche dans les outre-mer, la chambre régionale pointe une série de défaillances au sein de l'Université de La Réunion.

Secouée par la suspension de son président Frédéric Miranville fin 2023 pour des faits présumés de harcèlement moral, placée sous tutelle d'un administrateur provisoire depuis mars 2024, l'Université de La Réunion connaît des turbulences importantes. 


Et ce n'est pas le rapport publié ce mardi 12 novembre par la chambre régionale des comptes qui va remonter le moral des troupes. Saisie dans le cadre d'une vaste enquête de la Cour des comptes sur l'enseignement supérieur et la recherche dans les outre-mer, la chambre régionale s'est intéressée à la gestion de l'université sur la période 2018-2024, aussi bien dans ses aspects financiers que sur l'efficacité de ses actions ou sa gestion des ressources humaines.

"Pas de véritable pilotage de l'offre de formation"

En premier lieu, la chambre note "une offre de formation et de recherche importante, mais insuffisamment structurée et coordonnée". Si La Réunion, plus peuplé des départements d'outre-mer et comptant une importante population estudiantine (25 000) dispose d'une grande diversité d'offre d'enseignement grâce à la pluridisciplinarité de son université, à la présence d'un CHU, d'une école d'ingénieur ou à la hausse des sections de techniciens supérieurs (STS) depuis vingt ans, cette offre apparaît "insuffisamment coordonnée" avec l'ensemble des acteurs compétents (rectorat, université, autres organismes de formation et acteurs économiques).


"Il n'existe pas de véritable pilotage de l'offre de formation, avec une cartographie des acteurs de l'enseignement supérieur et un recensement des filières en tension", note la chambre. 


Et si les principaux organismes de recherches sont eux aussi présents dans l'île (CNRS, Inserm, IRD...), la chambre estime que "l'écosystème de recherche pourrait être encore plus important" compte tenu des enjeux locaux, dans l'agriculture par exemple.

Peu de logements étudiants, réussite et insertion insuffisantes

Les magistrats financiers notent également "des enjeux importants en matière de vie étudiante", alors que 62,3 % des étudiants sont boursiers (36,3 % au national). Les logements étudiants sont par exemple en nombre insuffisants (1334 logements pour 15 343 boursiers). 


La chambre note enfin "des résultats insuffisants en matière de réussite étudiante et d'insertion professionnelle", à mettre forcément en lien avec un marché local de l'emploi restreint. "En dépit des actions volontaristes mises en place, les résultats de l'UR sont inférieurs à la moyenne nationale", observe toutefois le rapport. 

Organisation "fortement centralisée" et "dialogue social inexistant"

La chambre revient également sur les problèmes de gouvernance rencontrés sous la mandature de Frédéric Miranville, président écarté fin 2023 à la suite de plaintes pour harcèlement moral déposées par plusieurs personnels administratifs. Notant une organisation "fortement centralisée" avec une répartition des compétences "pas toujours lisible", la chambre déplore "un dialogue social inexistant" et des "manquements en matière de déontologie."

Ainsi, le rapport pointe l'attribution erronée de nouvelles bonifications indiciaires (NBI) à certains agents ou de compléments de rémunération à des enseignants résidant dans l'hexagone, ou encore l'attribution irrégulière d'un logement de fonction.

Situation financière "précaire"

Au rayon des finances, les magistrats financiers pointent "un pilotage fragile" des ressources humaines, des dépenses croissantes d'entretien du patrimoine foncier, et une gestion financière "fragile", liée notamment à la forte augmentation des dépenses de personnel (+ 22% entre 2018 et 2023), alors que "les ressources ne sont pas pérennes"
Une situation financière qui s'est "dégradée" sur la période analysée, avec une évolution moins rapide des produits que des charges. En excédent en 2022 (+3,5 M d'euros), l'UR s'est ainsi retrouvée en négatif en 2023 (-4,5 M d'euros) du fait d'une baisse des subventions publiques et d'une progression des charges. 
Faisant l'objet d'un suivi renforcé du rectorat depuis 2019, l'Université a mis du temps à réagir face à la baisse de sa trésorerie. "L'UR a alterné entre périodes de déni et des séquences alarmistes pour obtenir un soutien financier accru" de la part du ministère, observe la chambre. 

"Améliorer le recensement"


En conclusion, la chambre régionale des comptes formule une série de recommandations, comme l'adoption d'un plan de retour à l'équilibre financier, et espère que le futur Schéma régional de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (SRESRI), qui doit être adopté en fin d'année 2024, sera "l'occasion d'améliorer le recensement des besoins de formation du territoire et d'inscrire cette démarche dans le cadre d'un dialogue stratégique avec l'ensemble des acteurs."