La décision a été notifiée aux acteurs du dossier à La Réunion par le ministère de la Culture ce 9 décembre 2022 : le "bal tamoul" est désormais inscrit à l'inventaire national du Patrimoine culturel immatériel de France, en vue de sa sauvegarde.
Le reportage de Réunion La 1ère :
On le connaît sous le nom de "bal tamoul", de "bal malbar", ou encore de "narlgon" ou "nardégom" à La Réunion. Ce théâtre populaire et amateur qui met en scène les grandes épopées indiennes comme le Mahâbhârata ou le Ramayana, et mêle à la fois danse, chant, et mime, a été introduit sur l'île par les engagés indiens. Il a par la suite été transmis de génération en génération.
"Bal est un mot un peu impropre. C'est vraiment des pièces de théâtre, (...) des histoires de très haut niveau qui sont jouées, dansées avec des instruments de musique qui viennent d'Inde", réagit l'écrivain Luçay Soubaya-Permalnaïck, qui souhaite remercier "ces immigrés indiens, arrivés avec très peu de connaissances techniques, mais avec la mémoire, qui ont essayé de retransmettre ça ici".
L'homme très engagé dans la préservation de la culture indienne se réjouit. "C'est un cadeau pour toute La Réunion". Pour lui, cette reconnaissance est une occasion de réapprendre aux gens l'existence de cette tradition, la "remettre au goût du jour", et peut-être même fonder des écoles de "narlgon". "Toute La Réunion va connaître ce que c'est que le narlgon", espère l'écrivain.
Pour éviter la disparition de la tradition
L'inscription au patrimoine culturel immatériel est d'autant plus importante que la tradition est menacée par le vieillissement des "vartial", metteurs en scène et responsables des bals tamouls, même si quelques associations à La Réunion oeuvrent à la transmission de cet art du spectacle réunionnais. Hormis les temples qui pratiquent encore ce bal tamoul, deux groupes sont très actifs : l'association Bal tamoul Sapèl la Mizèr à Saint-Gilles-les-hauts, et l'association Tirouvallouvar à Saint-Louis.
Pour Luçay Soubaya Permalnaïck, le bal tamoul n'a "pas disparu pour tout le monde" :
"Il y a des héros : monsieur Valeama, la famille Amouny, des tas de gens à qui il faut rendre hommage aujourd'hui. Ces gens-là ont continué le bal tamoul, mais dans des cercles plutôt restreints avec des gens vraiment intéressés par la chose"
Luçay Soubaya-Permalnaïck, écrivain
Une pratique arrivée avec les engagés
La pratique du bal tamoul prend ses sources dans le monde rural de l'Inde du sud d'où sont issus la majorité des Réunionnais ayant une ascendance indienne. Le bal tamoul fait partie de ces coutumes apportées avec eux. "Les "bals" ont même commencé au Lazaret", souligne l'écrivain Luçay Soubaya-Permalnaïck.
Traditionnellement, il se jouait dans les espaces sacrés chez le particulier, puis dans les temples à l'occasion des cérémonies lors de la marche sur le feu, du Dipavali, ou du Jour de l'an tamoul, et duraient parfois toute la nuit. Aujourd'hui, les représentations sont moins longues et sont données dans des lieux culturels, même si le bal tamoul existe encore dans les temples. Le "vartial" y tient un rôle central, responsable de la totalité du spectacle, de l'enseignement jusqu'à l'exécution de la pièce. Il est accompagné de joueurs de "matalon" et de "tarlon", tambour et cymbales, ainsi que de choeurs et de comédiennes.
Plus de 80 pratiques inscrites
Cette reconnaissance entraîne, pour les détenteurs des pratiques inscrites, l'attribution de l'emblème "Patrimoine culturel immatériel en France", au même titre que les fêtes de Bayonne dans les Pyrénées-Atlantiques, le carnaval de charrettes de Marie-Galante en Guadeloupe, les fêtes de la Saint-Nicolas à Nancy ou encore la fête du Citron de Menton. Au total, plus de 80 pratiques sont inscrites à cet inventaire national, à ne pas confondre avec la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité où figure le maloya.
Luçay Soubaya Permalnaïck, écrivain très engagé dans la culture indienne, réagit sur Réunion La 1ère :