A l'occasion de cette Journée mondiale de la biodiversité, plusieurs actions de protection de la nature étaient organisées, notamment le week-end dernier. Parmi celles-ci, une journée de la biodiversité organisée à Manapany samedi dernier par Nature Océan Indien et l'Office de tourisme intercommunal du Sud, proposant conférences, balades commentées...
L'accent mis sur les espèces exotiques envahissantes émergentes
L'IRI (ou Initiative pour la Restauration écologique en milieu insulaire), y participait avec la SEOR, le Parc national ou encore le GCOI (Groupe chiroptères océan Indien). Des acteurs de la protection de la nature qui ont insisté sur la problématique des espèces exotiques envahissantes émergentes, qui dans les prochaines années pourraient s'avérer dangereuses pour la biodiversité de l'île.
La perruche à collier présente à La Réunion depuis les années 70
Parmi les espèces évoquées ce samedi, la perruche à collier, à ne pas confondre avec notre zoizo vert, plus petit et à lunettes. La perruche à collier, au plumage vert vif, est originaire d'Afrique et est présent à La Réunion depuis les années 1970. Les premiers individus se seraient échappés de la cage d'ornithologues amateurs ; depuis, ils se reproduisent lentement sur l'île.
Répandues sur le littoral
Mais pourquoi ces perruches, loin d'être désagréables à regarder, sont pourtant une menace pour l'équilibre de l'écosystème réunionnais ? Notamment parce que leur population semble augmenter depuis peu, selon des observateurs. Les perruches à collier se seraient répandues sur le littoral, et aux abords des exploitations fruitières.
Classées parmi les espèces les plus ravageuses au monde, elle s'attaque aux graines, fruits, et fleurs, mais concurrence aussi les oiseaux endémiques de La Réunion. En France, cette espèce a même été reconnue comme invasive par un arrêté ministériel en 2018.
Un danger pour l'agriculture
"Ces espèces exotiques envahissantes émergentes sont celles qui ne sont pas encore vraiment implantées dans le milieu naturel, mais qui risquent de causer de gros dommages, notamment à l'agriculture", insiste Gilles David Dérant, président de l'IRI, qui a lui-même constaté la présence de ces oiseaux en grand nombre il y a quelques jours. "Elles commencent à se naturaliser, à se reproduire massivement en milieu naturel. On était à Villèle cette semaine, on a observé une trentaine de perruches à collier regroupées, signe que leur présence est vraiment en train d'exploser", déclare-t-il.
Les colonies détruites
Si l'Initiative pour la Restauration écologique en milieu insulaire a alerté les autorités, elle essaie également d'agir. "On essaie de les détecter très rapidement et de les éliminer", dit Gilles David Dérand. Mais pas n'importe comment puisque leur capture est interdite. Alors, les colonies sont détruites. Une façon de faire reculer leur progression. "Pour le moment elles sont essentiellement sur le littoral. Mais si on laisse faire, elles vont forcément gagner les hauts et ce sera trop tard", justifie-t-il.
Aux Seychelles sur l’île de Praslin, la perruche à collier menaçait l’existence du Perroquet noir ou Vaza des Seychelles, oiseau endémique de l’île classé vulnérable. Une campagne d’éradication a été menée avec succès entre 2014 et 2017.
A la découverte des chauves-souris
Cette journée de sensibilisation à Manapany a aussi été l'occasion de découvrir d'autres espèces, qui cette fois-ci sont à favoriser. Par exemple, nos chauves-souris, qui jouent un rôle dans la préservation de la biodiversité, même si elles souffrent parfois d'une mauvaise image.
Chasser les idées reçues
"Il y a beaucoup d'idées reçues autour de la chauves-souris : qu'elles sont des vampires, qu'elles transmettent des maladies, qu'elles s'accrochent aux cheveux... tout ça est faux !", rassure Pauline Malandin du Groupe Chiroptères océan Indien (GCOI), association à but scientifique créé pour la conservation des chauves-souris.
Un rôle important à jouer
Car il est important de prendre soin de ces chiroptères : à La Réunion, les espèces de chauves-souris ont un vrai rôle à jouer.
"Il y a deux espèces insectivores à La Réunion, qui régulent les populations d'insectes et sont des insecticides naturels. Elles mangent les insectes qui vont ravager les cultures, elles peuvent empêcher les épidémies de dengue par exemple... Mais on a aussi la roussette noire qui est frugivore, qui mange fruits, feuilles et fleurs, et dans ses crachats et déjections va disperser les graines et ainsi régénérer les forêts"
Pauline Malandin, Groupe Chiroptères océan Indien
Des espèces en voie de disparition partout sur notre planète
Giovanni Payet, directeur adjoint de la Réserve naturelle de l'Etang Saint-Paul était interrogé ce lundi 22 mai sur les ondes de Réunion La 1ère à l'occasion de cette Journée mondiale de la biodiversité. Il rappelle l'importance de ce type d'événements. "Elle permet de nous rappeler que l'érosion de la biodiversité est constante, et que sur notre planète, les insectes, oiseaux, grands mammifères, sont en train de disparaître, et nos habitats naturels se dégradent. C'est grâce à toute cette biodiversité que nous pouvons vivre et être en bonne santé aujourd'hui", insiste-t-il.
28% des espèces étudiées inscrites sur la Liste rouge de l'UICN
Aujourd'hui, sur plus de 134 000 espèces étudiées, 28% sont menacées et inscrites sur la Liste rouge de l'Union internationale de la Conservation de la nature (UICN) qui suit l'état de la biodiversité dans le monde. Autres chiffres alarmants : 35 % des milieux humides ont disparu depuis 1970 dans le monde, et au rythme actuel de la déforestation, les forêts tropicales pourraient disparaître d’ici 50 à 70 ans.
Cinq principales causes de l'érosion de la biodiversité ont été identifiées : le changement d’usage des terres et de la mer, l’exploitation directe de certaines ressources naturelles, le changement climatique, la pollution, et les espèces exotiques envahissantes.
"Tout le monde peut agir au quotidien pour préserver la biodiversité"
Alors comment contribuer à reconstruire la biodiversité, en tout cas à La Réunion ?
"C'est notamment les grandes opérations de restauration de milieux écologiques, l'arrachage d'espèces exotiques envahissantes, la replantation d'espèces endémiques, la lutte que fait la SEOR contre les chats errants qui menacent le tuit-tuit... C'est tout ça. Grâce aux outils législatifs qu'on a en France, on arrive à maintenir, et parfois regagner de la biodiversité. (...) Tout le monde peut agir au quotidien pour préserver la biodiversité : éteindre la lumière et couper son robinet d'eau quand on n'en a pas besoin, faire des choix de consommation différents, pousser les politiques publiques à être beaucoup plus incitatives à la protection de l'environnement..."
Giovanni Payet, directeur adjoint de la Réserve naturelle de l'Etang de Saint-Paul