Les combats de rue à mains nues, appelés "mouringué", se pratiquent de plus en plus à La Réunion, notamment en cette période de Ramadan. Le phénomène s'apparente au traditionnel "moringue" bien connu sur l'île.
Regardez le reportage de Réunion La 1ère :
Des combats de rue interdits jusqu'au 2 avril... et pourtant
Jérôme Filippini, préfet de La Réunion, a pourtant interdit l'organisation de combats de rue tout au long du week-end de Pâques. L'interdiction sera levée le mardi 2 avril prochain, à 8 heures.
L'objectif est d'éviter les règlements de compte, comme c'était le cas le week-end du 23 et 24 mars à Saint-André. Pour rappel, les esprits s'étaient échauffés entre des clans rivaux et une quarantaine de voitures ont été vandalisées.
Hier soir, le vendredi 29 mars, aux alentours de 22h30, des centaines de jeunes se sont rassemblées sur le front de mer du Port pour s'adonner au "mouringué".
Des combats de rue grandissants à La Réunion
C'est une tradition dans la zone Océan Indien, surtout durant le Ramadan. Mais pour certains le "mouringué" devient un jeu.
À La Réunion, bien que le phénomène "pré-existait depuis de nombreuses années", il était encore peu connu. Cependant, il se développe "dans le mauvais sens" ces derniers temps, entraînant alors des violences urbaines en marge de ces "manifestations qui restent tout de même dangereuses", précise Aude Robert, secrétaire départementale du syndicat Unité SGP Police.
Les mouringués sont des attroupements de jeunes dans les quartiers. Le but est de s’affronter entre des bandes rivales. Au terme du combat, les jeunes déterminent un vainqueur. Ce week-end, lors d’une fin de mouringué, une problématique de violences urbaines est ressortie au Port. Vers minuit, les agents de police ont demandé aux jeunes de quitter les lieux. Bien évidemment, il y a eu des violences urbaines en marge du mouringué. Des fonctionnaires de police ont été victimes de jets de projectiles. Fort heureusement, personne n’a été blessé.
Aude Robert, secrétaire départementale du syndicat Unité SGP Police
Insécurité, violences urbaines et délinquance
Des jeunes combattants s’affrontent à mains nues, au son des percussions, sous l’œil avisé d’un arbitre. À Mayotte, des dizaines de vidéos de "mouringué" circulent sur les réseaux sociaux.
Il en est de même à La Réunion, où des milliers de jeunes sont conviés à regarder le "spectacle" via des invitations lancées sur les divers réseaux sociaux.
"L’information concernant l’organisation des combats de rue, elle va excessivement vite. Au sein des quartiers, c’est du bouche-à-oreille. Puis, avec les réseaux sociaux, le phénomène explose", constate Aude Robert.
Cette hyper-violence au sein des mouringués a tendance à dégénérer et à s’étendre en troubles à l’ordre public.
Aude Robert, secrétaire départementale du syndicat Unité SGP Police
"Mouringué", un combat de rue qui attire les jeunes
Nombreux sont les jeunes qui sont amateurs de "mouringué". C'est le cas d'Indrany, une fidèle spectatrice, éprise de sports de combat.
"Mwin ce que mi aime, c'est que chacun' i batay si li la envie. Sat' i sent à li capable, li rent' dans le ron. Sat' i correspond' i combatt' semb' li. Lé un peu comme la boxe anglaise. I joué pas ek les pieds, témoigne la jeune fille. N'importe quel quartier i peut participer. Dés fois, lé décevant, parce que na bon pé i vient ek couteau ou ek la bombe lacrymogène. Mwin, n'importe quel combat mi rate pas. Mi veille tout' qualité de combats, mi aime ça".
Les violences dépassent parfois les limites du ring éphémère, c'est ce qui a poussé Nail à cesser de combattre.
"J'ai déjà participé plein de fois au mouringué. On jouait le jeu et à la fin on se serrait la main. Tout ce qui se passe sur le terrain y reste, c'était une tradition à l'époque. Maintenant, ça va trop loin. Il faut jouer uniquement avec les bras et les poings", confie le jeune homme.
Vers un "mouringué" réglementé ?
De nombreuses questions sont soulevées par Aude Robert, secrétaire départementale du syndicat Unité SGP Police. Selon elle, comme il s'agit d'une tradition, il faudrait la "préserver" et penser à "encadrer les combats".
"Comment endiguer le phénomène ? Comment l’anticiper ? Comment peut-être y mettre un terme ?", interroge Aude Robert.
Moi, je pense qu’il faut encadrer le mouringué. Ça reste traditionnel, c’est culturel. À partir du moment où c’est ancestral, ne peut-on pas avoir une ouverture d’esprit ? Ne peut-on pas essayer de leur donner un cadre pour qu’ils puissent s’exprimer ? Par contre, là où ça devient problématique, c’est l’hyper-violence des combats. Nous, nous ne sommes pas habitués à voir un tel déferlement de violences. Forcément, nous devons intervenir, mais il faut qu’il y ait un cadre. Il faut insuffler des règles de sécurité, notamment pour les combattants et pour les spectateurs autour.
Aude Robert, secrétaire départementale du syndicat Unité SGP Police
"Le fait de réglementer le mouringué, ce serait une bonne idée. Ça nous permettrait de ne pas perdre notre culture", estime Nazra, une jeune Mahoraise installée à La Réunion.
Pour Aude Robert, "il faudrait mettre en place des tables rondes pour trouver des solutions, mais il ne faut pas être radical, il faut que les jeunes puissent s'exprimer".