Ce vendredi après-midi, ils sont un peu stressés : les journalistes qui prennent la parole pour la première fois sur les ondes de la bande FM, au 104.2, ont découvert le métier il y a quelques mois seulement. Un monde tout nouveau qu'ils ont intégré via un chantier d'insertion mis en place à Sainte-Clotilde il y a un an.
Regarder le reportage de Réunion La 1ère :
Au départ, il y a l'association l'Onde Porteuse, créée il y a 8 ans à Clermont-Ferrand. Son co-fondateur, Benoît Bouscarel, sort alors de Radio France où il a été journaliste pendant 20 ans. "Quand j'ai choisi de quitter Radio France, c'était vraiment avec cette idée que le journalisme pouvait servir, outre passer des informations, à l'émancipation de gens éloignés de l'emploi", explique-t-il.
Le journalisme comme outil d'insertion
Il monte alors ce projet de chantier d'insertion, qui forme des personnes au métier de journalisme, fait de l'éducation aux médias, et surtout, les aide à "reprendre pied dans l'espace public".
"Avec ce projet d'insertion par la radio, on montre que nos journalistes en atelier chantier d'insertion sont tout à fait capables de prendre la parole dans l'espace public, de réaliser des sujets, de rencontrer des gens, de poser des questions, de s'intéresser au monde qui les entoure".
Benoît Bouscarel co-fondateur de l'Onde Porteuse
Plus de 50% de sorties positives
Depuis l'ouverture du premier chantier à Clermont-Ferrand en 2017, d'autres ont été mis en place ailleurs, à Nantes, puis à Saint-Denis de La Réunion en 2021. Depuis la création du Chantier réunionnais, Parle A Zot, sur les 30 salariés accompagnés, plus de la moitié ont connu une sortie positive, c'est-à-dire vers une formation diplômante ou un emploi.
Car tout au long de leur parcours au sein de cet atelier et chantier d'insertion, ils ont bénéficié de l'accompagnement d'une conseillère pour travailler sur leur futur projet professionnel. En parallèle, ils ont dû tout découvrir du métier de journaliste.
Comme une rédaction classique
Pour les guider, c'est Kilian Kerbrat, journaliste auparavant dans d'autres médias, qui a été leur encadrant technique d'insertion, mais fait aussi figure de rédacteur en chef de la radio. "On fonctionne un peu comme une rédaction classique sauf que ce ne sont pas des journalistes pro", explique-t-il.
De la conférence de rédacton le matin à la réalisation des sujets, la prise de contacts, la prise de sons, le montage audio... le journaliste professionnel a épaulé les salariés en insertion, tout en les laissant choisir les thématiques qu'ils souhaitaient traiter, entre le social, la culture, l'environnement, la musique...
"Finalement on se rend compte que presque tout le monde est capable de faire du journalisme, il suffit d'un peu de curiosité, d'envie, et d'un peu d'encadrement sur les parties journalistiques et techniques"
Kilian Kerbrat, journaliste encadrant technique d'insertion
Neuf journalistes salariés en insertion
Le résultat est à découvrir depuis ce vendredi 8 septembre au 104.2 FM sur Saint-Denis, et ailleurs, sur le site internet lechantier.radio. Ce sont les neuf journalistes salariés actuellement en insertion qui ont la charge non seulement d'animer les émissions radio, de réaliser les interviews en direct, mais aussi les reportages sur le terrain.
"J'adore aller sur le terrain"
Parmi eux, Fabien Poleya, 19 ans, devenu journaliste du Chantier Parle A Zot, et qui continue à mûrir ses deux projets professionnels : passer le concours de la gendarmerie et de la police nationale, ou intégrer une formation d'ingénieur du son. Ce qui ne l'a pas empêché de découvrir avec plaisir le monde du journalisme et de réaliser ses propres reportages, notamment sur la Marche des Visibilités ou celle contre le harcèlement scolaire.
"J'adore aller sur le terrain, interroger les gens. Pour le premier reportage j'étais stressé, il fallait appeler les gens pour prendre des rendez-vous, je tremblais beaucoup, maintenant ça va mieux", sourit-il.
Gagner en confiance
Marie-Aurore Giskuet, autre salariée du chantier d'insertion, était loin de s'imaginer faire un jour de la radio, "parce que ce n'est pas du tout mon domaine", dit celle qui est là depuis déjà un an. Titulaire d'un CAP couture et de trois ans d'expérience dans la restauration, voilà la jeune femme, porteuse d'un handicap moteur, au micro du Chantier Parle A Zot. Si en ce jour de lancement de la radio, le stress persiste un peu, Marie-Aurore l'assure : cette expérience lui a permis de se révéler davantage.
"Quand on est dedans c'est super. Au début on était tous stressés. Mais ça travaille la confiance, pour reprendre un parcours professionnel, ça peut aider. Je m'affiche mieux aux gens, sur le terrain ça va mieux"
Marie-Aurore Giskuet, journaliste en insertion
A l'issue de son contrat d'insertion - ils durent ici entre 4 mois et 2 ans -, elle espère même partir sur une création d'entreprise. Sans qu'elle en fasse sa carrière, le journalisme aura eu le mérite de lui lever les barrières, pour un départ confiant vers son avenir.