Des professeurs et élèves du BTS audiovisuel du lycée Mémona Hintermann-Affejee ont effectué un débrayage ce lundi 25 mars 2024, afin de dire leur inquiétude quant à l'avenir de la filière.
En cause, le remplacement prochain de quatre de leurs enseignants, au statut de contractuels, par des cinq fonctionnaires titulaires, fraîchement diplômés. Jusqu'ici, rien d'anormal, puisque les contractuels n'ont pas vocation à occuper ces postes sur le temps long.
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"96 années d'expérience"
Mais ce que craignent les élèves de ce BTS audiovisuel, le seul de l'île, c'est de voir baisser la qualité de l'enseignement qui leur est dispensé. Selon Emmanuel Breze, en 1ère année de BTS, option métiers du son, leurs professeurs actuels sont certes des contractuels, mais cumulent un total de "96 années d'expérience". Un atout difficile à remplacer par un diplôme, d'autant que, selon les étudiants en colère ce matin, "il n'existe pas de diplôme pour être professeur d'audiovisuel en France".
"Le problème, c'est leur manque de connexion avec le monde de l'audiovisuel. Les nouveaux professeurs ont des connaissances théoriques mais n'ont pas cet apport que nous cherchons"
Emmanuel Breze, 1ère année BTS audiovisuel, option métiers du son
Un diplôme mais pas d'expérience, selon les étudiants
Même avis chez Armelle Moutien, également en 1ère année de BTS, et qui manifeste en distribuant des tracts ce lundi devant le lycée de Bois-de-Nèfles. "On manifeste parce que notre BTS est en danger. On va remplacer nos professeurs qui sont des professionnels par des professeurs qui viennent d'être diplômés mais n'ont pas d'expérience dans l'audiovisuel", considère l'étudiante, qui souhaite privilégier le "lien direct avec les gens du métier".
Car les contractuels qui doivent actuellement laisser leur place exercent également dans le secteur de l'audiovisuel en plus de leurs heures d'enseignement. "Ils ont beaucoup à nous apprendre", assure Armelle Moutien.
"C'est la règle du jeu"
Sylvain Ballée, professeur de son au sein du BTS audiovisuel, reconnaît qu'être remplacé par un titulaire lorsqu'on n'est contractuel, "c'est la règle du jeu". A l'époque, rappelle-t-il, lorsque la filière fait appel à eux, à sa création il y a cinq ans bientôt, c'est parce qu'il n'y avait "pas de titulaires compétents pour le faire".
Mais aujourd'hui, lui aussi questionne les compétences de ses successeurs. "Ce ne sont pas des gens spécialisés dans l'audiovisuel, les étudiants ne vont pas avoir la matière dont ils ont besoin", considère le professeur.
La filière en danger ?
Or, dans ces métiers très spécifiques, il faut être du secteur pour pouvoir transmettre les connaissances, fait-il valoir. "La chance du BTS audiovisuel c'est que c'est un cursus professionnalisant, avec des gens issus du métier qui ont 20, 30 ans d'expérience. Ca va détruire la filière et la réputation du lycée", regrette Sylvain Ballée.
Echanges avec le recteur
Les étudiants de BTS audiovisuel ont donc interpellé le recteur Pierre-François Mourier sur leur situation ce lundi, réclamant que leurs actuels enseignants puissent rester à leur poste l'année prochaine.
Ils ont été reçus, sans toutefois être rassurés, disent-ils. "On a pu discuter avec le recteur. Mais être entendus c'est bien, agir c'est encore mieux", commente Emmanuel Brézé, en 1ère année de BTS.
Allier excellence académique et insertion professionnelle
Pour le recteur d'académie, qui dit avoir découvert cette affaire "après coup", si la titularisation de 5 professeurs réunionnais est une bonne nouvelle, il faut maintenant "s'assurer qu'on va pouvoir continuer à avoir l'excellence académique et l'excellence dans l'insertion professionnelle".
"L'expérience vient avec l'âge et la pratique, mais on va trouver les moyens pour qu'il y ait à la fois la pérennité et la sécurisation des parcours des enseignants, et pour ne pas perdre l'expertise", a précisé Pierre-François Mourier après sa rencontre avec les étudiants du lycée Mémona-Hintermann Affejee.
Les étudiants déterminés
Ces derniers espèrent désormais d'autres rencontres, notamment avec l'inspecteur académique, pour "mettre les choses au clair et redonner un sens à ce BTS". "On maintiendra le mouvement jusqu'à ce qu'on obtienne gain de cause", achève Emmanuel Brézé.