Ils sont en colère. Les agriculteurs, plus précisément les producteurs de fruits et légumes, de La Réunion se mobilisent ce jeudi 14 novembre. Ils se sont rassemblés devant la préfecture à Saint-Denis à 9h pour alerter sur les difficultés de la filière, et sur le pari de la souveraineté alimentaire en passe d’être perdu, selon eux.
Un cortège d’une centaine de personnes a ensuite rejoint le conseil départemental au Palais de La Source. En l’absence du président Cyrille Melchior, une délégation de 15 représentants a été reçue par Bruno Robert, l’ancien président des Jeunes Agriculteurs, désormais élu au Département.
Une motion remise aux autorités
Une délégation avait rendez-vous en préfecture. Elle a remis une motion à l’Etat pour " demander le soutien à la filière fruits et légumes et en particulier la filière identitaire de l’ananas victoria ".
Les producteurs y expliquent subir " les impacts du changement climatique, les contraintes réglementaires accrues et un manque de soutien institutionnel ". Aussi, ils tirent la " sonnette d’alarme ", " leur activité, essentielle à la souveraineté alimentaire de l’île, est en péril ".
Les producteurs et les syndicats agricoles demandent au Département " la mise en place de mesures d’urgence permettant d’assurer la continuité et le développement de la production de fruits et légumes à La Réunion sans décourager les générations futures de l’intérêt d’une agriculture forte et rémunératrice ".
Une " succession de graves difficultés "
A La Réunion, la production totale des fruits et légumes tourne autour des 100 000 tonnes par an. La filière génère 40% de la valeur du territoire, et est la moins soutenue financièrement par les fonds publics et européens, indiquent les producteurs. Ils notent que La Réunion " dispose du plus fort taux de couverture de fruits et légumes frais (70%) de l’ensemble des Dom et de la métropole ", pourtant la filière va mal.
Depuis 2020, elle est soumise à une " succession de graves difficultés : inflation du coût des intrants, pertes de récoltes liées aux aléas climatiques, multiplication des vols au champ, difficulté de recrutement de la main d’œuvre agricole, inflation du coût de la main d’œuvre agricole, évolution des normes phytosanitaires, évolution des attentes des consommateurs ".
La filière fruits et légumes à La Réunion va très très très mal. Les producteurs vont mal, les exploitations vont mal. Ils ne peuvent plus continuer de la sorte. Si des mesures fortes ne sont pas prises, c’est la disparition de pas mal d’exploitations à La Réunion.
Jean-Michel Moutama, président de la CGPER
L’objectif de souveraineté alimentaire mis à mal
" On va dans un mur ", estime Gaël Dijoux, agriculteur à Bellevue, dans les Hauts de Sainte-Suzanne. " Là, le producteur, il est en train de crever ", alerte-t-il
Pour moi, on est en train de faire comme la France, c’est-à-dire on est en train de faire une marche sur la souveraineté alimentaire. Et on voit bien que c’est l’importation qui gagne.
Gaël Dijoux, producteur de fruits et légumes à Sainte-Suzanne
Regarder le reportage de Réunion la 1ère :
Donner les moyens, revoir les normes réglementaires
" Si on n’a pas les moyens pour produire correctement, on ne sera jamais concurrentiel ", affirme Gaël Dijoux. Pour lui, il faut revoir les normes réglementaires pour La Réunion. Pays français et européen certes, mais aussi région ultrapériphérique tropicale, dit-il. L’agriculteur réclame donc des outils adaptés au climat réunionnais.
Il faut aussi se donner les moyens de produire, notamment avec des semences adaptées et donc les autorisations nécessaires, explique Gaël Dijoux. L’accompagnement du département dans la diversification est essentiel, tout comme la mise à disposition de citernes pour l’irrigation.
La question de l'eau est en effet centrale, selon Jean-Michel Moutama. Citernes, retenues collinaires, des aménagements sont des aménagements essentiels pour le président de la CGPER.
" Un engagement fort du Département " attendu
Lui cultive des fruits et légumes sur 6 hectares, tomates, patates douces, manioc ou encore ananas. Il attend une prise de conscience de l’Etat et " un engagement fort du Département ". Gaël Rivière réclame un accompagnement des producteurs de fruits et légumes.
Approvisionnement en eau des exploitations et gel de la tarification progressive, adaptation des normes avec des solutions pour la maitrise phytosanitaire des cultures, ou encore soutien à la diversification végétale notamment pour les cultures identitaires comme l’ananas victoria sont attendues par la profession.
" On voit bien aujourd’hui que le monde agricole est en net recul ", un " signal d’alerte " qu’il faut entendre selon Gaël Dijoux. Un monde agricole mobilisé au niveau national ce jeudi 14 novembre d’ailleurs, plusieurs appels à des actions ont été lancés.