Leur fierté était grande ce mardi matin : à leur sortie du centre de détention du Port, ces huit détenus auront un diplôme à faire valoir dehors, pour entamer leur nouvelle vie.
Grâce au travail de l'association Educanoo, structure d'insertion par l'activité économie, un atelier chantier d'insertion (ACI) a pu être mis en place au restaurant d'application du centre de détention. Au bout d'un an de formation, le titre professionnel d'agent de restauration leur a été remis. Il a la même valeur que le CAP (certificat d'aptitude professionnelle).
Regardez le reportage de Réunion la 1ère :
Déjà opérationnels
Leurs nouvelles compétences sont déjà mises en application au sein du restaurant du centre de détention du Port. Ce midi, l'équipe s'agite au gré des commandes passées par ceux qui déjeunent là. Au menu, rôti poulet, rougail saucisses, boucané, ou encore omelette.
Donner des perspectives d'emploi à l'extérieur
Ces derniers mois, toutes les clés leur ont été donné pour gérer cette salle du restaurant d'application de la prison fréquentée notamment par le personnel pénitentiaire. Prendre les commandes, dresser les assiettes, servir les plats, débarrasser, effectuer diverses tâches en cuisine... Autant de savoirs acquis ici qui leur permettront de quitter la détention avec des perspectives d'emploi.
"Ce sont des personnes cabossées par la vie, avec des parcours de vie difficiles. Certes ils ont commis des infractions, mais par respect pour les victimes il faut qu'ils puissent participer au paiement des parties civiles. Ca passe par des actions de formation et par une rémunération"
Hugues Belliard, chef d'établissement du centre de détention du Port
Diminuer les chances de récidive
Au-delà de son importance pour leur futur, cette formation est aussi primordiale pendant la détention, explique le chef d'établissement Hugues Belliard. "A partir du moment où la personne est occupée, où on donne du sens à la peine, on évite l'oisiveté, le trafic, la violence. Plus un détenu est occupé plus il a confiance en lui et moins il y a de chance de récidive", avance-t-il.
Entre 20 et 30 candidats au chantier d'insertion
Le choix de la formation agent de restauration elle, a séduit entre 20 et 30 candidats, lors de l'appel d'offres lancé pour la première session de formation. Tous ont participé à une audition par les personnels de l'administration pénitentiaire ; des entretiens ont été mené et une sélection effectuée, pour ne retenir que huit détenus pour cette session.
Apaiser les relations
Là où la formation délivrée par Educanoo est aussi un succès, c'est en termes de création de liens au sein de l'établissement, ou plus précisément de sa cuisine, lieu d'échange et de partage. La salle du restaurant n'est pas en reste, souligne Hugues Belliard : "Les personnes détenues sont fières de ce qu'elles vont accomplir en terme de cuisine, et ça leur permet d'échanger avec ceux qui viennent partager les repas, notamment les personnels pénitentiaires. Ca apaise aussi la relation".
Premier diplôme de sa vie
Gilbert, 50 ans, n'avait jusqu'ici passé aucun diplôme dans sa vie. Après avoir arrêté l'école à 14 ans, il a effectué plusieurs petits boulots, y compris en cuisine, pour des mariages par exemple.
Fier d'avoir son titre professionnel en poche, il a déjà un projet en tête, à concrétiser dans quelques mois à sa sortie, après neuf ans de détention : suivre d'autres formations en cuisine pour pouvoir ouvrir son propre restaurant, pourquoi pas avec des co-détenus formés en même temps que lui sur le chantier d'insertion.
"I permet a moin d'avancer dans la vie, la fé un ti connerie la parti en prison, maintenant nou essay' rattrap a nou et aller dans le droit chemin"
Gilbert, détenu
"Découvrir de nouvelles capacités"
Son diplôme en main, reçu quelques minutes plus tôt du président du Département Cyrille Melchior, un autre détenu ne cache pas sa satisfaction. "Ça m'a permis de faire de belles rencontres et de me découvrir de nouvelles capacités, des compétences, et surtout de confirmer que c'était un travail qui me plaisait", sourit-il.
"Le choix qu'il fallait faire"
Alors qu'il n'aurait pas pensé à se lancer dans cette voie avant d'entrer en prison, et bien qu'il aimait cuisiner, le détenu se réjouit d'avoir osé franchir le pas.
"Je cherchais une formation dans le cadre de la prison, mais je n'étais pas convaincu que c'était la cuisine qui m'irait le mieux. Mais c'était un très bon choix, celui qu'il fallait faire"
Un détenu du centre de détention du Port, nouvellement diplômé
"Ça ouvre les horizons"
A sa sortie, il envisage de se spécialiser davantage en cuisine, bien que le titre professionnel obtenu lui permette également de faire du service en salle, par exemple. "Ça m'offre de nouvelles opportunités, je sais que dans ce domaine les offres d'emploi sont nombreuses et variées, ça me permettra peut-être de faire valoir mes compétences ailleurs. Ce n'est pas négligeable, ça ouvre les horizons", achève-t-il.
"Ce diplôme a changé mes perspectives d'avenir, c'est certain"
Un détenu nouvellement diplômé
Plusieurs chantiers d'insertion
La plupart de ceux qui ont entamé une des formations qualifiantes proposées par l'établissement n'ont jamais passé de diplôme dans leur vie. Ici, ils ont eu le choix entre plusieurs ateliers chantier d'insertion, du CAP peinture au CAP maçonnerie en passant par celui d'ouvrier-paysagiste. Le catalogue sera bientôt enrichi par une formation horticole avec l'association AgriTerra, pour que les détenus apprennent à cultiver des légumes et les vendre à l'extérieur. Au total, une soixantaine de détenus du centre portois sont en cours de formation diplômante.
"On leur redonne confiance, goût au travail, et respect des horaires. On accomplit notre mission de réinsertion à partir du moment où ces vertus sont inculqués aux détenus".
Hugues Belliard, chef d'établissement du centre de détention du Port
Métiers en tension
Sur les précédents chantiers d'insertion menés au centre de détention, des employeurs avaient signé des contrats avec les nouveaux diplômés dès leur sortie. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, mais le chef d'établissement se dit confiant sur leurs chances de travailler à l'extérieur, au vu de la tension dans les métiers de la restauration.