D'où viennent ces nichoirs installés dans certains étangs et marais de Saint-Pierre ?

Six nichoirs installés dans les étangs et marais de l'île
Depuis plusieurs semaines des nichoirs en osier ont été installés dans quelques marais et étangs de Saint-Pierre. Vous vous êtes interrogés sur leur provenance, nous aussi. C'est l'occasion de vous proposer une enquête de saison.

À cette saison vous sortez peut-être plus souvent prendre l’air, et vous n’êtes pas les seuls à vous réveiller. Chaque année, le printemps emmène dans ses valises son lot de spécificités. Ses petites affaires bien à lui. Le réveil de la nature, les bourgeons sur les arbres, les premières fleurs… et les migrateurs.

Plan de vol savamment préparé, position en « V », cols verts bien remontés, plumes lustrées, ils survolent à l’approche de la belle saison le ciel de l’archipel pour venir s’y installer. Les plus anciens vous le diront, on attend l’arrivée des canards, comme un point d’étape dans l’incessant ballet des saisons, comme un signe révélateur d’un hiver qui annonce sa fin… enfin !

S’ensuit alors une acclimatation, l’attente du dégel complet des étangs. Chacun se trouve son petit coin bien à lui. Il y a tant d’espaces privilégiés pour nicher à Saint-Pierre comme à Miquelon. Mais avant de nicher, ils doivent se choisir, se trouver et se laisser aller à toutes les petites choses qu’ils ont à faire avant de pouvoir tranquillement prendre le temps de couver.

Quelque temps plus tard, 28 jours précisément, et si vous êtes chanceux, vous pouvez apercevoir maman canard suivi de ses petits, direction l’étang pour apprendre à nager. Une fois que les canetons sont suffisamment grands pour faire trempette, elle quitte son nid bien caché quelque part sous le couvert végétal de la forêt boréale, pour leur offrir un vent de liberté. Direction l’étang, la mare, le marais. Et ainsi va la vie, douce et paisible des nouveaux petits canardeaux.

Caneton

Enfin, ça, c’est dans les contes de fées… Dans la réalité, les migrateurs qui arrivent à trouver un coin pour s’installer sont régulièrement confrontés à des aléas moins sympathiques, comme la présence de prédateurs qu’ils soient à plumes ou à poils. C’est là que peuvent intervenir les hommes.

Vous les avez certainement aperçus

Avec les beaux jours qui reviennent, les bottes de neiges partent au placard et les baskets et autres chaussures de randonnées reprennent place sur le tapis de l’entrée et à vos pieds.

Alors que vous vous baladiez ces dernières semaines, vous êtes nombreux à avoir entrevu des sortes de paniers, en osier, installer à quelques mètres du bord des petits étangs et marais. Ils sont au nombre de six. Trois situés dans les marais de l’Anse à Pierre, un du côté de la Pointe blanche, un dans la réserve Thélot et enfin le dernier dans les marais de la vallée du milieu.

Sur les réseaux vous vous êtes interrogés

Qu’est-ce donc ? La réponse est rapidement donnée, ce sont des nichoirs. Mais qui a bien pu les installer ? Nous nous sommes également posés la question et nous avons cherché pour en apprendre davantage sur ces objets.

Six nichoirs ont été installés dans les étangs et marais de Saint-Pierre

Après avoir eu la Fédération territoriale de pêche qui, elle aussi, s’interrogeait. Nous nous sommes tournés vers France Nature Environnement, qui se posait aussi la question. Nous avons également discuté avec Axel Hacala, que vous connaissez pour sa passion et ses recherches sur les araignées et leurs relations avec la végétation des tourbières. Lui aussi était intrigué. C’est alors qu’il nous glisse l’idée de contacter la Fédération des chasseurs… Ils étaient les prochains sur notre liste. Ce sont eux qui ont mis la lumière sur cette affaire.

Les gardes-chasses, vous devriez les appeler !

Axel Hacala

Banco ! Il s’agit bien là de nichoirs, installé il y a de cela quelques semaines par les gardes-chasses eux-mêmes. Ces paniers, de forme cylindrique, un peu ovale et perchés sur des piquets de bois plantés dans la vase et la tourbe du fond des étangs, sont en fait une expérimentation.

Essayer, c’est déjà voir si cela peut fonctionner

Cela fait quelques saisons déjà qu’ils prenaient la poussière dans la réserve des gardes-chasses. Lors du nettoyage de printemps, ils se sont dit qu’il fallait au moins essayer pour voir si cela pouvait fonctionner. « Ce sont des nichoirs visiblement spécifiques à l’Hexagone. Où les températures sont bien plus douces qu’ici. On a ajouté du foin et des herbes sèches du bord des étangs dedans, pour isoler un peu ». Et puis, ensuite ? Attendre, et voir si l’expérience portera ses fruits. Si cela fonctionne en l’état, tant mieux. Les gardes-chasses locaux aimeraient pérenniser l’expérience.

Il faut savoir que les canards, comme le carolin, les sarcelles, siffleurs, pilets jusqu'à la taille du colvert, ont besoin de nichoirs pour pondre et couver. Si on n'installe pas de nichoir, la plupart des canards font parfois un nid dans des arbustes, mais le plus souvent pondent n'importe où et délaissent leurs œufs. La mise en place de nichoirs crée alors une zone hors d’atteinte des prédateurs, comme le souligne le garde-chasse joint par téléphone.

Cela permet d’établir un espace sécuritaire à l’abri des corbeaux, des aigles, des goélands et même des chiens, qui peuvent, s’ils sont en divagation, entraîner un dérangement et un risque de mortalité supplémentaire des jeunes gibiers, comme les canetons

Sébastien Leveque, garde-chasse

Au-delà des prédateurs, cela pourrait permettre aux cannes de couver en toute tranquillité. Ce qui pourrait, selon les gardes-chasses, augmenter le nombre d’oiseaux à nicher dans l’archipel. Et peut-être même à terme le nombre de canards. Si les cannes, qui sont de piètres couveuses et pondent en moyenne une quinzaine d’œufs durant la période de ponte, s’installent dans un abri bien défini, elles pourraient alors couver en sécurité. Ce sont donc par ricochet plus de canetons qui un jour deviendront grands.