De Lamaline à Galantry, Elizabeth Lemoine raconte ses 106 années d'une vie bien remplie

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Elizabeth Lemoine, doyenne de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, souffle sa 106ème bougie aujourd'hui. Retour sur l'histoire de cette Anglaise de naissance arrivée sur le Caillou à l'âge de 18 ans.

De Terre-Neuve à Saint-Pierre

Lorsqu’Elizabeth Stacey, son nom de jeune fille, naît, Terre-neuve n'est pas encore canadienne. C'est un dominion, un Etat indépendant membre de l'Empire britannique. En effet, le Newfoundland Act ne sera adopté par le Parlement britannique qu'en 1949. Madame Lemoine pousse son premier cri le 1er octobre 1918 à Lamaline, à quelques encablures de Saint-Pierre-et-Miquelon.

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Élevée dans une famille de huit enfants par un père, Thomas, pêcheur et agriculteur et une mère, Adélaïde, qui s'occupe de ses quatre grands frères et trois grandes sœurs. Elizabeth est ainsi la plus jeune de la fratrie. 

Elizabeth Stacey arrive à Saint-Pierre à l'âge de 18 ans

À l’époque, la péninsule de Burin souffre de pauvreté. Le travail se fait rare et de nombreuses familles vivent dans la précarité. Une situation qui pousse les Terres-Neuviens à partir de leur territoire. C'est le cas d'Elizabeth. En 1936, alors âgée de 18 ans, elle quitte Point May, traverse la mer et vient s'installer à Saint-Pierre. Elle trouve du travail très rapidement. La Prohibition est terminée mais la grand pêche nourrit et fait vivre l'archipel français d'Amérique du Nord. Elizabeth est fille au pair pour monsieur Folquet.

Un souvenir marquant

De sa longue vie, Elizabeth a de nombreux souvenirs mais le plus intense, c'est le tsunami de 1929. Cette année-là, elle a 11 ans. Le 18 novembre à 17h02, à 400 km des côtes de Terre-Neuve, la terre tremble fort : 7,2 sur l'échelle de Richter. La jeune Elizabeth Stacey est encore à l'école de Point May lorsque le séisme se fait ressentir. "J'ai eu peur que la terre s'ouvre et qu'elle nous engloutisse mes camarades de classe et moi !". La fillette rentre chez elle et se calme après cet épisode. Mais ce sera de courte durée. Quatre heures plus tard, un phénomène étrange surprend les habitants de la péninsule de Burin : la mer s'est retirée de la baie laissant les bateaux à sec, puis revient ravageuse sous la forme de trois vagues de presque sept mètres de hauteur arrivant à 40km/h.

Je me souviens du tremblement de terre et du tsunami comme si c'était hier

Elizabeth n'a pas vu le tsunami mais elle se souvient précisément de la scène : sa mère qui descend les escaliers quatre à quatre en criant "Agenouillez-vous, tout le monde, nous allons mourir". Point May ne subira pas autant de dégâts que Lamaline ou Point au Gaul : 28 morts, 40 villages touchés et près de 10 000 sans-abri. Mais la Saint-Pierraise "s'en souvient comme si c'était hier". À Saint-Pierre-et-Miquelon, les vagues submergeront un peu le port sans faire de dégâts

Une vie bien remplie 

À la fin des années 1930, Elizabeth Stacey rencontre Charles Lemoine. Il garde un moment le phare de Galantry avant de devenir responsable des dockers pour la Morue Française; un emploi qu'il occupera toute sa vie avec passion. Ils se marient le 15 avril 1942. De cette union, naissent huit enfants. La famille vivra un temps à Galantry puis à Ravenel avant de migrer vers le centre-ville et la rue Boursaint.

La famille Lemoine a vécu quelques années à Galantry

Mère au foyer, Elizabeth Lemoine se sera occupée de ses enfants puis ses petits-enfants. "Elle s'est consacrée à sa famille toute sa vie" selon le plus jeune de ses enfants, William. Bonne cuisinière, elle s'est adonnée longtemps à sa passion pour la pâtisserie. Des plaisirs auxquels auront goûté la majorité de ses 20 petits-enfants, 17 arrière-petits-enfants et 5 arrière-arrière-petits-enfants.

Aujourd'hui, Elizabeth Lemoine souffle ses 106 bougies. Un souffle qu'elle aura conservé malgré avoir été touchée par le Covid-19 à deux reprises. Elle coule des jours heureux depuis quelques années à l'USLD du Centre Hospitalier Francois Dunan où elle a retrouvé Cécile Lêvéque, née Folquet... fille de monsieur Folquet, son premier patron à Saint-Pierre. Et la boucle est bouclée.