Les baleines de Saint-Pierre et Miquelon "moins stressées" par le bruit depuis la crise du coronavirus

Les cétacés de Saint-Pierre et Miquelon profitent d'une baisse du niveau sonore en mer, depuis le début de la crise sanitaire.
Avec la pandémie de Covid-19, la circulation maritime est en baisse et les fonds marins plus silencieux. L'occasion pour les chercheurs d'étudier l'impact du calme sous-marin sur les conditions de vie des cétacés, habituellement "stressés" par le bruit des bateaux. 
Et si les baleines de Saint-Pierre profitaient de la crise sanitaire mondiale pour se détendre ? Une étude publiée en avril par des chercheurs canadiens à partir d'enregistrements de l'Ocean Networks Canada, à Vancouver, semble aller dans ce sens. Elle met en avant une diminution des sons à basse fréquence émis par les navires, tout autour du globe. Ce qui pourrait profiter aux cétacés. 

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Depuis le début de la pandémie liée au nouveau coronavirus, les fonds marins sont en effet moins bruyants. "Du fait du confinement, on assiste à une réduction importante des activités humaines en mer", explique Olivier Adam, spécialiste des émissions sonores de cétacés. "On a noté une diminution du trafic maritime à peu près partout dans le monde et particulièrement dans des zones habituellement très fréquentées comme en Mer du Nord ou dans l'Atlantique Nord. On assiste aussi à une réduction des activités côtières." 
 

"Les cétacés sont extrêmement sensibles au bruit des bateaux. Ils doivent trouver des parades pour se parler quand les activités humaines sont trop bruyantes." - Olivier Adam, chercheur en bioaccoustique et spécialiste des émissions sonores des cétacés


Et Saint-Pierre et Miquelon ne fait pas exception. "Il n'y a pas eu de vraie diminution du trafic pour les bateaux de marchandises", commente-t-on à la capitainerie de l'archipel. "En revanche, il y a eu moins de transports de passagers puisque les ferrys vers Fortune ont été annulés et les trajets reliant Saint-Pierre à Miquelon ont été fortement réduits." Au mois d'avril 2020, treize navires étaient attendus au port de Saint-Pierre. Il y en avait 51 à la même période de l'année précédente, selon le site du ministère de la transition écologique
 
Le trafic maritime autour de Saint-Pierre et Miquelon, le 7 mai 2020, à 18 h.

Une aubaine pour les baleines de l'archipel, généralement "stressées" par le bruit des activités humaines, qui masque leur propre voix. "On sait que les cétacés sont sensibles au transport maritime" précise Olivier Adam. "On pense que le bruit et les risques de collisions les angoisse." Après les attentats du 11 septembre 2001, le trafic maritime avait été fortement réduit aux abords des Etats-Unis, qui avaient choisis de fermer leurs frontières. Une équipe de scientifiques menée par l'universitaire Susan Parks avait alors mesuré le taux d'hormones liées au stress chez les baleines : il était beaucoup plus bas qu'en temps normal. 
 

Les baleines en vacances


Tous les cétacés émettent des sons. "Ils l'utilisent pour toutes leurs activités vitales " reprend Olivier Adam. "Les baleines à bosse mâles chantent pendant la période de reproduction, par exemple." Habituellement, ces mammifères marins s'adaptent aux bruits provoqués par l'activité humaine. Quand ils le peuvent, ils s'éloignent des routes maritimes les plus empruntées et voyagent groupés, pour être sûrs d'entendre et d'être entendus par leurs semblables.
 

Le son fait partie intégrante de la vie des cétacés. Écoutez ici le chant des baleines à bosse :

 

Ils modifient également leurs chants en changeant la fréquence des sons qu'ils émettent ou en "hurlant" pour couvrir le bruit alentour. "Un peu comme nous, quand on est en boîte de nuit, que la musique est très forte et qu'on essaie de parler à notre voisin", sourit le scientifique. "La question, c'est de savoir s'ils vont continuer à agir de cette manière. Ou si le calme des fonds marins va avoir un impact sur leurs comportements."
 

"Les grandes baleines que l'on trouve à Saint-Pierre et Miquelon peuvent vivre jusqu'à 200 ans. Ce calme sous-marin va peut-être leur rappeler des souvenirs de jeunesse." - Olivier Adam, chercheur en bioaccoustique et spécialiste des émissions sonores des cétacés


Actuellement, des laboratoires accoustiques du monde entier enregistrent les chants des baleines, d'autant plus audibles que le trafic en mer se fait rare. Mais à cause de la crise sanitaire, peu de scientifiques sont autorisés à sortir pour observer les comportements associés à ces sons. La plupart d'entre eux considère néanmoins, comme les chercheurs de Vancouver, que la baisse de l'intensité sonore des océans sera bénéfique aux animaux marins. "Les baleines vont s'éclater, ça leur fera des vacances" s'enthousiasme Olivier Adam, qui plaide pour la mise en place de régulations du bruit lié aux activités maritimes humaines. 

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La question n'est pourtant pas complètement tranchée. Des études ont montré que la perception que l'on a d'un bruit dépend de notre culture et de l'environnement où l'on a grandi. "Un petit citadin qui n'a connu que la ville peut, dans certains cas, être stressé par l'absence de bruit de la campagne", illustre Olivier Adam. "Il faut espèrer que les cétacés ne se mettent pas à stresser parce qu'il n'y a plus autant de vacarme qu'avant."