Leur aventure humaine, car il s'agit bien de cela, a débuté en 1999. Chantal et Hervé Huet se rendent à Madagascar pour la première fois. Ce voyage n'est pas un déplacement touristique mais privé. Le couple s'y rend pour adopter officiellement leur fils Kilian, tout juste âgé de 7 mois.
Ce ne seront pas les seules personnes originaires de Saint-Pierre et Miquelon à s'envoler vers cette île située au large de la côte sud-est de l'Afrique. À l'aéroport, ils rencontrent Soeur Marie-Lucie. Elle y part pour y faire son obédience.
Un regard tourné vers la réalité
Arrivés à Madagascar, c'est là que le regard de Chantal et d'Hervé sur le monde, change. Ils y découvrent la pauvreté. Un constat qui ne les laisse pas indifférents et qui marque le couple.
On était là-bas pour adopter Kilian. On s'est rendu au centre commercial qui était accessible à 5 % de la population. On avait acheté des yaourts et on était dans un parc en train de donner à manger à Kilian. Puis il y a un petit garçon de 4 ans qui est venu nous demander à manger donc on lui a donné un yaourt. On a regardé où il allait et on a vu qu'il le partageait avec sa petite soeur et sa grand-mère.
Et c'est à ce moment qu'Hervé et Chantal se sont rendus compte de l'esprit de partage qui existe à Madagascar. "C'était un moment émouvant. Cela a été le déclic pour venir en aide aux enfants de Madagascar".
2001, Misaotra voit le jour
Un autre évènement marquant a également permis la création de l'association, et cette fois, suite aux caprices de dame nature.
A l'époque, il y a un cyclone qui passe sur Madagascar et qui détruit les maisons des deux jardiniers qui travaillent pour les soeurs de Saint-Joseph de Cluny. C'est alors que Soeur Marie-Lucie nous demande de leur venir en aide.
"Mais pour pouvoir organiser une tombola il fallait bien sûr créer une association" comme l'explique Hervé Huet.
Et c'est comme ça qu'est née Misaotra, merci en malgache. La première tombola a donc été organisée en avril 2001 tout juste avant de partir à Madagascar pour adopter cette fois-ci leur petite fille, Avénie. La manifestation aura rapporté à l'époque 35 000 francs soit un peu plus de 6990 euros .
Comme à cette période les soeurs n'avaient pas de compte bancaire, nous avons envoyé le chèque à la maison mère de la congrégation des soeurs de Saint-Joseph de Cluny à Paris. Puis ce sont des sœurs qui, en déplacement sur Madagascar, ont eu pour mission de ramener l'argent en liquide avec elles. Quand on est allés chercher Avénie à Madagascar, les sœurs arrivaient de la capitale avec l'argent sur elle, de l'argent qu'elles avaient caché dans leurs robes.
Pour éviter de nouveau cette situation, l'association a demandé à soeur Marie-Lucie d'ouvrir un compte bancaire à Antananarivo. Depuis 2004, des virements sont réalisés directement là-bas sur le compte de la congrégation.
Quand à l'argent, il aura servi à la reconstruction des deux maisons détruites par le cyclone et à payer des interventions chirurgicales pour un enfant handicapé.
Soeur Marie-Lucie, une aide très précieuse pour les enfants de Madagascar
Autre personnage clé de l'association Misaotra : Soeur Marie-Lucie. Elle aura voyagé à travers le monde et travaillera entre autre en France métropolitaine, au Canada, au Sénégal, en Martinique. Et c'est en 1999 qu'elle s'envolera pour Madagascar. Elle y restera sept années.
Là-bas, soeur Marie-Lucie aura été très marquée par la misère, le manque de soins. Elle aura été attendrie par les enfants qui ne mangeaient pas, qui avaient des maladies et des malformations. Difficile pour cette soeur de ne rien faire pour leur venir en aide. Elle résidera au sein de la congrégation des soeurs de Saint-Joseph de Cluny, et les débuts n'ont pas toujours été faciles.
Il y avait beaucoup d'enfants qui ne mangeaient pas et qui tombaient dans les pommes. Avec Hervé on a dit : on se doit de faire quelque chose [...] On a dit on va donner à manger aux enfants mais aussi aux sœurs.
Soeur Marie-Lucie raconte également que "quand les parrainages ont commencé, les enfants sont venus s'inscrire et là Hervé a eu l'idée de construire un collège".
Autre fait marquant, l'absence d'une célébration importante pour elle.
Mon premier Noël, j'ai pleuré. Il n'y avait pas de guirlandes, il n'y avait rien.
Soeur Marie-Lucie a donc également contribué à la vie au sein de la communauté à Madagascar.
Linda Saci a recueilli son témoignage.
Témoignage de Soeur Marie-Lucie
Des parrainages pour aider les plus démunis
Misaotra, association à but humanitaire, a donc pour mission principale de venir en aide aux enfants de Madagascar. Elle propose pour cela des parrainages. Les premiers datent de février 2002. Aujourd'hui, l'association compte 190 parrains et marraines à Saint-Pierre et Miquelon et plus de 200 filleuls.
Mireille Lévêque est l'une des marraines de l'association et ce depuis le tout début. Elle est interrogée par Adrien Develay.
Témoignage de Mireille Lévêque
Depuis 20 ans, le montant des parrainages représente plus de 700 000 euros. Chaque parrain ou marraine qui s'engage auprès de l'association verse 20 euros par mois, une somme très dérisoire pour les résidents de l'archipel mais qui est énorme à Madagascar.
Cette somme permet d'acheter de la nourriture pour l'ensemble des élèves de l'école, du CP à la terminale, d'offrir un petit déjeuner et un repas complet le midi, d'acheter des fournitures scolaires, de payer les instituteurs et professeurs de Madagascar, d'acheter du mobilier de classe, d'entretenir l'école et d'offrir à chaque enfant à Noël et en fin d'année un sac contenant des produits de première nécessité.
Des actions pour mieux appréhender le quotidien des enfants malgaches
Outre les parrainages, l'association mène diverses actions comme des vide-greniers et des tombolas. La dernière en date, c'était en octobre 2021. La vente d'articles divers et variés à la salle des fêtes municipale aura cette fois permis d'amasser la somme de 8300 euros et la tombola 6200 euros.
Retour sur le vide-grenier de Misaotra. Un reportage signé Aldric Lahiton.
L'argent récolté jusqu'à ce jour, grâce à ces différents évènements, à savoir la somme totale de 90 000 euros est destinée à financer de nombreux projets de construction ainsi que des interventions chirurgicales depuis 2001.
Parmi les projets financés : la réalisation en 2006 d’une salle de classe à Mahamazoma, communauté des sœurs de Saint-Joseph de Cluny qui se situe en pleine brousse pour un montant de 7300 euros, la construction en 2015 d’un château d’eau et de pompes solaires à Androhibé pour 6300 euros ou encore, en 2021, la construction d’un collège composé de cinq salles de classe et de sanitaires à Androhibé pour 24 000 euros.
L'école accueille également, depuis 2012, un centre aéré. Il permet d'occuper les enfants pendant les vacances scolaires qui ont lieu dès la fin du mois de juillet et jusqu'à la fin septembre.
Les projets réalisés grâce aux financements de Misaotra en image
Voyez ce clip signé Séverine Luberry (Crédit photos: Hervé Huet, Misaotra)
Un retour aux sources pour Hervé, Chantal et leurs enfants originaires de Madagascar
Hervé et Chantal ont rarement l'occasion de retourner à Madagascar. La dernière fois c'était en 2011 avec Kilian et Avénie. Ce voyage était donc un retour sur les traces des enfants de Madagascar et un retour aux origines pour les deux jeunes.
Voyez ce documentaire signé David Sigal. C'était il y a 10 ans.
Hervé, Chantal et sa famille n'ont pas eu l'occasion de retourner à Madagascar. Le président de l'association Misaotra à Saint-Pierre et Miquelon gère donc tout cela de l'archipel mais il a des contacts réguliers avec la congrégation des soeurs de Saint-Joseph de Cluny.
Après soeur Marie-Lucie, en 2017 c'est soeur Néoline, bien connue des habitants de Miquelon pour y avoir été en poste entre 2009 et 2017, qui a assuré les parrainages sur place. Nommée ensuite responsable de la communauté des soeurs de Saint-Joseph de Cluny à Ambalavoa, une commune située à 400 kilomètres au sud d'Antanarivo, depuis trois ans, c'est soeur Marie-Rose qui a pris le relais.
L'avenir de Misaotra vu par Hervé et Chantal
Quant au souhait de Chantal et d'Hervé Huet dans un futur proche, il est simple.
Dès que je serai à la retraite en 2022, ma femme et moi souhaiterions repartir à Madagascar deux ou trois mois pour pouvoir donner de notre temps aux enfants là-bas.
Et pour la suite, une question se pose : que va devenir l'association si Hervé et son épouse ne peuvent plus assurer le suivi de Misaotra ?
" C'est la question que l'on se pose un peu. On aimerait que ça continue [...] Pour les parrainages, ils pourraient se faire à distance mais pour le reste [...] pour l'instant on n'a pas de réponses".
En attendant, le président et les membres de l'association vous disent Misaotra , Merci en malgache.