Le voyage initiatique d'un Parisien d'adoption, petit-fils de Saint-Pierrais

Thomas et ses grands-parents (en arrière plan) ont retrouvé un oncle et un cousin (au premier plan).
Thomas n'a connu l'archipel qu'à travers les récits de son grand-père, parti de Saint-Pierre à l'âge de 21 ans. En visite sur le territoire pour la première fois en compagnie de son aïeul, le jeune homme a découvert ses racines et une branche de sa famille qu'il n'a jamais rencontrée.

Quarante années qu’il n’avait plus posé les pieds sur l’archipel ou presque. Aubert Hallouët, 84 ans, était bien revenu en coup de vent il y a 28 ans pour le décès de sa mère. Cette fois-ci, il revient pour un événement heureux : faire découvrir pendant une semaine la terre de son enfance à son petit-fils Thomas Testaud de Marchain.  

“C’est un grand plaisir, depuis le temps qu’on en parlait” se réjouit le patriarche. Son petit-fils Thomas ne se rappelle plus exactement de l’âge auquel il a commencé à être bercé par les histoires de son grand-père maternel. “Avec mon petit frère, il nous parlait de Saint-Pierre-et-Miquelon avant de nous endormir. Il nous parlait de la pêche, de ses origines, de son île, et qu’il aimerait y retourner” se souvient encore le jeune homme. 

Une volonté de découvrir ses racines

Âgé de 25 ans, Thomas achève ses études pour devenir avocat d’affaires à Paris. Il y a quelques années, il lui vient l’idée de faire enfin le grand voyage vers le caillou à la découverte de ses racines. Son grand-père lui propose alors de partir avec lui et sa grand-mère. Thomas accepte sans hésiter ce voyage initiatique sur les traces de son aïeul. 

Ce dernier est né à Saint-Pierre le 16 octobre 1940. Issu d’un milieu modeste, Aubert Hallouët quitte une première fois l'archipel à 16 ans pour suivre des études au lycée à Saint-Malo (Bretagne). Il revient à 19 ans naviguer sur des navires de commerce tels que le Miquelon, le Langlade et le Pinta, avant de repartir définitivement à 21 ans. Après une formation, il devient officier de marine marchande. Il rejoint différentes sociétés de transport maritime, puis la compagnie des Abeilles du Havre où il passe 18 ans en tant que capitaine. Avec sa femme d’origine bretonne, ils s’installent à Cancale (Bretagne), où ils vivent encore aujourd'hui, et donnent naissance à trois enfants, dont la mère de Thomas. Désormais la vie d'Aubert se tisse sur l’hexagone, mais Saint-Pierre-et-Miquelon restera toujours noué à son cœur. 

Aubert Hallouët et son petit-fils Thomas sur le quai pour le départ de la Route des Terre-Neuvas.

Arrivé dimanche 11 août 2024 pour une visite de huit jours, Thomas débarque dans un monde à la fois inconnu et familier. Il fait la connaissance d'une dizaine de membres de sa famille qu'il n'avait jamais rencontrée. Le nom Hallouët a disparu de l’archipel, mais ses liens de parenté s’étendent des Planté, Cambray à Lechevallier en passant par les Olano. Thomas a d’ailleurs entendu beaucoup d’histoires sur son grand-oncle éloigné Francis Olano, un acteur côté contrebandiers durant l’époque de la prohibition.

Mon grand-père m’a dit que j’avais un peu de famille ici, mais je ne savais pas du tout qu’il y avait autant de personnes.

Thomas Testaud de Marchain, petit-fils d'Aubert Hallouët

Durant huit jours, la famille réalise un véritable pèlerinage. Aubert fait découvrir à Thomas les endroits où il a vécu : l’ancienne demeure familiale au cœur de Saint-Pierre et le port notamment. Arrivés en pleine semaine de lancement de la transatlantique à la voile Route des Terre-Neuvas et de la fête basque, ils profitent pleinement des festivités. Et régulièrement, ils prennent des “coups de thé” à l’heure du goûter avec des anciens camarades de pêche d’Aubert qui ne se sont pas revus depuis des années, sans perdre la mémoire. L'occasion pour Thomas d'écouter de nouvelles histoires qu'il ne connaîtrait pas déjà.

“On a mangé beaucoup de homards, je n’ai fait que ça”

Aubert a transmis sa passion de la pêche à son petit-fils. Les deux hommes partent alors plusieurs fois relever les casiers à homards. En cette fin de saison, la pêche est bonne, Aubert a une façon bien à lui de flamber les crustacés au whisky et Thomas est un bon vivant. “On a mangé beaucoup de homards, je n’ai fait que ça” lâche le jeune homme. Pour son grand-père, les planètes sont presque toutes alignées. “Je n’ai qu’un regret, ne pas avoir pêché de truites dans les étangs” sourit Aubert. 

Thomas relève les casiers à homards avec son grand-père.

Une envie de revenir

Amoureux de la nature, Thomas a particulièrement apprécié une randonnée qu’il a effectuée en solitaire au cap de Miquelon. Un moment hors du temps entre étangs et océan où il a pu croiser des lapins et des cerfs de Virginie. “J’avais vraiment l’impression d’être seul au monde. J’ai pu me ressourcer. La nature préservée ici me donne vraiment envie de revenir” nous confie le Parisien d’adoption. 

Thomas devrait prochainement intégrer un cabinet d’avocat à Paris. Et à l’avenir, il aimerait lancer son propre cabinet dans la capitale, et pourquoi ne pas ouvrir une antenne sur l'île ? Un embryon d'idée qu’il lance spontanément à la veille de son retour vers l'Hexagone avec ses grands-parents. Les générations se succèdent, les choix de vie changent mais les mémoires de famille restent.