À la prison de Domenjod, l'écopâturage comme moyen de réinsertion

Une trentaine de cabris assurent la tonte des abords de la prison de Domenjod, sous la surveillance de détenus spécialement formés.
Depuis octobre dernier, c'est un troupeau de cabris qui assure la tonte la zone de glacis du centre pénitentiaire de Domenjod. Moins bruyant, plus écologique, et une aide à la réinsertion des détenus qui s'initient au pastoralisme.

C'est une première à La Réunion et probablement en France. Depuis le mois d'octobre, l'entretien de la zone de glacis qui ceinture le centre pénitentiaire de Domenjod n'est plus assuré par des jardiniers avec leurs débroussailleuses mais... par un troupeau de cabris péi, conduits par des bergers un peu particuliers. Ce sont en effet trois détenus qui veillent sur les 31 bêtes, qui viennent paître trois heures chaque matin et pendant deux heures le soir.

Regardez le reportage de Réunion la 1ère :

A la prison de Domenjod, les cabris remplacent les débroussailleuses

Avant d'être emprisonné, Nazir a travaillé dans le déménagement et le bâtiment. Mais il s'est découvert une nouvelle passion en vivant depuis plusieurs semaines au contact des ruminants. "C'est comme si je l'avais déjà fait ! Peut-être que mon arrière-grand-père était là-dedans...", plaisante le détenu.

"Je me sens plus apaisé"

Raymond, lui, travaillait lui dans la restauration. Sa nouvelle mission de berger lui donne aussi l'occasion de faire un travail sur lui-même."ça fait avoir une nouvelle résolution sur nous-même, avoir de la patiente avec les gens..." observe-t-il.

Il dit même commencer à ressentir les bienfaits de cette activité de plein air. "Ça nous apporte quelque chose de bien. Je me sens largement bien mieux qu'en détention, je me sens un peu plus apaisé", confie-t-il. 

Un arrangement gagnant-gagnant


Un travail en milieu carcéral rendu possible par le partenariat entre l'établissement pénitentiaire, la société d'entretien du site et une association qui consacre un plan de sauvegarde à ces cabris péi, race locale menacée dont il ne reste que 500 spécimens sur l'île.


Après une formation théorique abordant l'identification, le bien-être et techniques d'élevage de l'animal, les trois détenus en fin de peine candidat à la mission sont passés à l'action. Un arrangement "gagnant-gagnant" souligne Boris Astourne, de l'association Zambrovat dan karodbwa. 

"Sauvegarde du cabri et du métier"


"Le fait d'emmener une partie de mon cheptel ici me permet de maintenir le cheptel dans la savane du Cap La Houssaye, une action d'écopastoralisme soutenue par la mairie de Saint-Paul, et de concourir à la sauvegarde de la savane, la sauvegarde du cabri et la sauvegarde du métier", apprécie le berger. 


Et puis, plus besoin de machines bruyantes et polluantes pour entretenir les 2,5 hectares de verdure de la zone périmétrique. "Ça nous permet de réduire l'indice carbone, le bruit, mais aussi la fréquence de coupe pendant la saison des pluies" note Cédric Cubaynes, responsable adjoint de la maintenance à Sodexo.

"Viser le challenge de la réinsertion"


Quant à l'administration pénitentiaire, elle se réjouit de pouvoir proposer une activité saine à des détenus bientôt promis à retourner dans la société, et ouvre ses portes à d'autres projets similaires. 


"Toute PME, tout chef d'entreprise qui se lance peut nous faire confiance et venir nous offrir du travail entre les murs" invite Julie Latou, directrice du CP de Domenjod. "J'ai de l'espace, des locaux, je fais des fiches de paie, je recrute, je paye les factures d'électricité. Et surtout j'aligne l'offre et la demande pour viser le challenge de la réinsertion des personnes qui me sont confiées par la justice", précise la cheffe d'établissement.

Libérables dans quelques semaines, Nazir et Raymond envisageront peut-être de poursuivre l'aventure pastorale une fois dehors, et rejoindre la cinquantaine de "gardiens zanimo" encore en activité dans l'île.