Entre 1000 et 1 200 personnes souffrent de la drépanocytose en Guadeloupe. 1 bébé sur 300 naît porteur de la "maladie de la douleur", selon les chiffres des dépistages réalisés à la naissance.
Ce test en début de vie est une nécessité pour le Docteur Maryse Etienne Julan, chef de service de l'unité de la drépanocytose au Centre hospitalier universitaire de Guadeloupe et médecin coordonnateur du centre de référence Antilles-Guyane. Il permet une prise en charge précoce des nouveau-nés, dès l'âge de deux mois. Car, le rappelle la spécialiste, les premiers signes de la maladie peuvent apparaître tôt, vers quatre ou six mois.
Il faut dès le départ, le plus tôt possible, protéger les patients, les nouveaux-nés, des effets de la maladie. Donc, il faut les mettre sous vitamines, il faut les protéger des infections avec les vaccins, avec la pénicilline, éduquer les parents, éviter les facteurs déclenchants, les complications. Egalement leur dire quelle attitude avoir face aux signes de la maladie.
Dr Maryse Etienne Julan
Si elle reconnaît les efforts réalisés, ces dernières années, quant à la prise en charge des drépanocytaires, elle est catégorique : cette pathologie demande une remise en question régulière. En effet, de nouveaux traitements sont découverts, offrant de nouvelles réponses à la prise en charge des patients.
La drépanocytose reste une maladie très complexe. Les mécanismes de la maladie sont très complexes. Tous les jours, on apprend, on a des informations nouvelles sur ses mécanismes. Et quand on a des informations nouvelles, il faut adapter la prise en charge, c’est-à-dire trouver de nouveaux traitements qui permettent de mieux prendre en charge et de réduire les complications aiguës et parfois même chroniques de la maladie. Donc effectivement il y a un mouvement incessant. Il y a de nouveaux traitements.
Dr Maryse Etienne Julan
C'était l'objet du congrès "En route vers l’espoir" organisé par l’association Guadeloupe Espoir Drépanocytose. Ces dernières évolutions sont porteuses d'espoir pour les malades.
À l’instar de Jacquelines Jacques, 72 ans. Elle vit au quotidien avec la maladie. Depuis 35 ans, elle a connu différentes avancées dans sa prise en charge. Aujourd'hui, c'est avec le sourire qu'elle détaille tous ses médicaments. Des pilules qui lui ont permis d'avoir "une vie professionnelle merveilleuse et une vie de famille heureuse".
Pourtant, Jacqueline a eu des moments difficiles, de "grande souffrance", raconte-t-elle. Car la drépanocytose est une maladie extrêmement douloureuse.
Vient le stress, puis la douleur... A un moment donné, on ne peut plus respirer, on est tétanisé. Sur une échelle jusqu'à 10, on est à 10. Cela m'est arrivé, je ne le gérais pas avant. A un moment donné, on ne peut plus gérer cette douleur là.
Jacqueline Jacques, drépanocytaire
C'est souvent à ce stade qu'intervient l'hospitalisation.
Des crises que Jacqueline a vu peu à peu s'espacer... Et dans son combat contre la souffrance, ses précieux comprimés lui ont "changé la vie".
J’ai retrouvé mon énergie… J’avais une fatigue en permanence, j’avais des douleurs et j’ai retrouvé mon énergie depuis que je prends ce médicament. Et le dernier que je prends, depuis plus d’un an, ça m’a évité le transfusion sanguine. Et tout un chacun sait que la transfusion sanguine, c’est c’est pénible, d’autant plus qu'il arrive un moment où il n'y pas beaucoup de sang. On ne trouve pas le sang qu'il faut.
Jacqueline Jacques, drépanocytaire
Des médicaments associés à une hygiène de vie saine. Le secret de Jacqueline. Elle le répète : il faut écouter son corps.
Les progrès de la médecine et leurs effets sur les patients sont les moteurs des scientifiques. Le Docteur Laure Joseph, hématologue à l'hôpital Necker (Paris), spécialisée dans la thérapie génique et de la greffe de moelle osseuse, est prudente mais enthousiaste. Notamment en raison de l'arrivée prochaine de nouvelles avancées. Des techniques et protocoles qui ont tout de même un coût.
Aux Etats-Unis, la première thérapie génique mise au point, qui n'est pas accessible en Europe coûte 3,3 millions de dollars. Un tarif qui en limite l'utilisation. À ce jour, seuls 11 patients ont été traités.
Une dernière thérapie, toujours en Amérique du Nord, tablerait autour de 2,2 millions de dollars.
Le docteur Joseph espère que les autorités de santé parviendront à un accord afin de faciliter l'accès à ces thérapies, d'ici 2 à 3 ans.
L'objectif est de modifier les cellules malades et produire une hémoglobine saine.
On ne parle pas vraiment de guérison pour cette thérapie, on parle plutôt de rémission ou de thérapie transformante, car aujourd’hui avec les éléments que l’on a, on sait que les patients vont beaucoup mieux, qu'ils n’ont plus besoin de transfusions, n’ont plus besoin de traitements au long cours, qu'ils ont une vie quasi normale. Mais, dans certaines conditions, ils peuvent avoir des crises encore comme par exemple dans un cadre déshydratation extrême ou d’infection. C’est difficile encore de pouvoir parler de guérison aujourd’hui.
Dr Laure Joseph
Marie-France Tirolien, présidente de l'association Guadeloupe Espoir Drépanocytose était l'invitée de Christelle Théophile, dans le journal de 19h30 du 11 janvier 2024 :